Billet de blog 13 octobre 2023

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Cinémondes 2023 : "Hors la vie" de Maroun Bagdadi

Patrick Perrault, reporter photographe français couvrant la guerre civile au Liban, est enlevé et retenu en détention par un groupe de miliciens armés à Beyrouth.

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Illustration 1
Hors la vie de Maroun Bagdadi © DR

Film présenté au sein de la sélection de la 19e édition de Cinémondes, Festival International du film Indépendant de Berck-sur-Mer 2023 : Hors la vie de Maroun Bagdadi

Le cinéaste libanais Maroun Bagdadi est cette année mis à l'honneur à Berck-sur-Mer au sein de la programmation du festival Cinémondes avec la projection de trois de ses longs métrages : Petites guerres (1982), L'Homme voilé (1987) et Hors la vie (1991). Cet avant-dernier film avant sa disparition prématurée en 1993, constitue dès lors une œuvre testament pour rendre compte, autour de l'histoire vraie d'un journaliste français kidnappé, de la détention de toute la société civile libanaise durant quinze ans de guerre civile qui a notamment ravagé Beyrouth.

Hippolyte Girardot dans le rôle du reporter se livre pleinement dans une interprétation particulièrement physique qui n'est pas sans rappeler celle d'Yves Montand dans L'Aveu (1970) de Costa-Gavras. En revanche, l'enjeu n'est pas ici de pointer du doigt un régime politique mais bien le désastre de tout un pays plongé dans une guerre fratricide. Ainsi, des moments d'humanité se font jour entre le détenu et ses geôliers qui sont autant d'opportunités de saisir pour le réalisateur la société libanaise dans son ensemble. Dès lors, le personnage français est avant tout un prétexte pour témoigner de la réalité d'un pays encore profondément en deuil et qui au moment de la réalisation du film a encore beaucoup de mal à se reconstruire une fois les armes officiellement déposées. C'est en effet l'angle le plus juste à adopter, d'autant que la figure réelle de Roger Auque dont le roman autobiographique Un otage à Beyrouth a servi de base dans l'écriture du scénario, est à présent une figure controversée par ses soutiens politiques avec les personnalités de droite en France, son rôle de « mercenaire » pour les agents du Mossad israélien, sa libération due à une tractation de Charles Pasqua avec Khadafi contre des sommes colossales d'argent... Quant au fait qu'il soit le père biologique de Marion Maréchal-Le Pen, c'est là une toute autre histoire.

L'enjeu était en effet de s'éloigner totalement du personnage du reporter français tout en le conservant au centre de l'intrigue puisque l'on partage en permanence la subjectivité de l'expérience de sa détention. Il en résulte un véritable huis clos où la sensation lourde de la claustrophobie est mise au service d'une représentation plus large des années de guerre au Liban qui a profondément marqué le cinéaste. Il n'est pas non plus question du Hezbollah ni des différents courants politiques qui divisent le pays : l'expérience est vécue de manière viscérale autour du protagoniste dont le cinéaste conserve malgré son empathie sa distance critique pour mieux embrasser une réalité plus large en hors-champ.

Hors la vie
de Maroun Bagdadi
Fiction
91 minutes. France, Belgique, Italie, 1991.
Couleur
Langues originales : arabe, français

Avec : Hippolyte Girardot (Patrick Perrault), Rafic Ali Ahmad (Walid), Hussein Sbeity (Omar), Nidal Al-Askhar (la mère de Khaled), Hassan Farhat (Ahmed « Frankenstein »), Habib Hammoud (Ali « Philippe »), Sabrina Leurquin (Isabelle), Majdi Machmouchi (Moustapha), Hamza Nasrallah (De Niro), Hassan Zbib (Fadi), Nabila Zeitouni (Najat), Sami Hawat (Hassan), Roger Assaf (Farid), Fadi Abou Khalil, Ninar Esber, Maher Kassar, Phillipe Moyssan, Paul Mattar, Naji Assy, Ali Ballout, Frédéric Legris,Tarek Fayed

Scénario : Maroun Bagdadi, Didier Decoin et Elias Khoury, d'après Un otage à Beyrouth de Roger Auque
Images : Patrick Blossier
Montage : Luc Barnier
Musique : Nicola Piovani
Assitant réalisateur : Elie Adabachi
Mixage sonore : Guillaume Sciama
Décors : Dan Weil
Costumes : Magali Guidasci et Frédérique Santerre
Maquillage : Odile Fourquin
Sociétés de production : Galatée Films, Films A2, Filmalpha, Lamy Films, Canal+, Rai 2
Production : Mario Gallo, Enzo Giulioli, Jacques Perrin, Fabienne Tsaï, Sung-lin Tsai et Hugues

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