Billet de blog 13 décembre 2024

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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"Les Favoris de la Lune" d'Otar Iosseliani

Certains volent, d'autres fabriquent des bombes, d'autres encore les utilisent, tandis que des membres de la police les traquent, alors qu'une chanteuse chante, une prostituée se prostitue et un homme qui a vu sa compagne quitter leur domicile se retrouve désappointé et à errer dans la rue.

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Illustration 1
Les Favoris de la Lune d'Otar Iosseliani © Carlotta Films

Sortie du coffret Blu-ray: Les Favoris de la Lune au sein de l'intégrale des films d'Otar Iosseliani

L'arrivée cinématographique d'Otar Iosseliani en France et notamment à Paris donne tout d'abord lieu à la réalisation du court métrage en Noir & Blanc Sept pièces pour cinéma noir et blanc (Lettre d’un cinéaste) (1982) aussi facétieux que choral et qui contient déjà en germe Les Favoris de la Lune (1984). Le temps d'une journée, il croque avec finesse et humour le quotidien des Parisiens et Parisiennes avec quelques scènes de vie sans jamais oublier les personnes en marge de la société dans une vision anarchiste qui fait se rencontrer différentes classes sociales, où des hommes issus d'un milieu privilégié peuvent mettre fin à leur vie dans un duel archaïque.

Son installation en France ne l'empêche pas non plus de voyager en allant filmer au format documentaire les préparations à la fête traditionnelle au Pays Basque dans le bien nommé Euskadi (1983) en couleurs et sans paroles en dehors des chants. Otar Iosseliani rend ainsi hommage à des cultures multiséculaires qui ont su résister à l'homogénéisation des langues dominantes voisines et des pouvoirs politiques conquérants.

Un petit monastère en Toscane (1988) quant à lui, toujours avec l'approche documentaire, partage la vie de quelques jeunes moines d'un monastère en Italie en étroite relation avec les activités quotidiennes des populations alentours qui expriment des savoir-faire artisanaux mis en scène et transmis aux nouvelles générations. Il en résulte une interconnexion entre ces différents groupes sociaux amenés à partager le sens d'une culture commune.

Cette philosophie du cinéma consistant à déhiérarchiser les personnages pour aborder une somme de micro histoires qui font société est à l' œuvre dans le premier long métrage de fiction tourné en France par Otar Iosseliani Les Favoris de la Lune où Mathieu Amalric joue pour la première fois devant une caméra dans un rôle étrangement quasi muet. La mise en scène du cinéaste consiste à lier ces différentes histoires de personnages qui transitent tous et toutes autour du quartier de la rue Saint Denis à Paris. Avec une fausse légèreté, Otar Iosseliani traite aussi bien le terrorisme contemporain qui frappe Paris au début des années 1980 que les crises de couple en multipliant les interactions indirectes des divers personnages dont certains sont interprétés par des amis chers du cinéaste à l'image de Pascal Aubier ou encore des historiens et critiques de cinéma émérites comme Bernard Eisenschitz et Noël Simsolo. Pour lier ces personnages, Otar Iosseliani multiplie les accidents de la vie qui prennent le dessus sur des volontés préméditées et rationnelles d'organiser une vie. En grand amoureux des savoir-faire artisanaux qui traversent les siècles, il fait commencer son histoire par la fabrication d'assiettes de luxe dont on voit même la fabrication et le peu de soin apporté par une noblesse bientôt suivie par une haute bourgeoisie consommatrice peu respectueuses de l'ouvrage des artisans.

Cette somme de chroniques de vie qui bascule aussi bien du comique burlesque au drame social se présente comme une humble peinture du temps présent saisie avec un humanisme certain par le cinéaste épicurien dont le cinéma géorgien trouve une belle hybridation dans le paysage audiovisuel de l'industrie française.

Illustration 2

Les Favoris de la Lune
d'Otar Iosseliani
Avec : Katja Rupé (Claire), Alix de Montaigu (Delphine Laplace), François Michel (Philippe), Jean-Pierre Beauviala (Colas), Pascal Aubier (Monsieur Laplace), Christiane Bailly (Agnès), Bernard Eisenschitz (Gustave), Hans Peter Cloos (Monsieur Duphour-Paquet), Maïté Nahyr (Madeleine Duphour-Paquet), Mathieu Amalric (Julien), László Szabó (le terroriste), Yannick Carpentier (le policier), Fanny Dupin (Rivière), Marie Parra Aledo (Blanche), Gabriella Sheer (Nicole), René Vo Van Mihn (Jean), Gaspard Flori (Christian Laplace), Émilie Aubry (Lucie Laplace), Julie Aubier (Sabine Duphour-Paquet), Baptiste Blanchet (Marc Duphour-Paquet), Vincent Blanchet (Pluton), Marie-Claude Pouvesle (Christine), Junior John David, Noël Simsolo (l'invité au dîner de Monsieur Laplace)
France – 1984.
Durée : 102 min
Durée totale du coffret : 1805 min (30h05)
Sortie en salles (France) : 6 février 1985
Sortie France du coffret Blu-ray : 3 décembre 2024
Format image : 1,66 - couleur
Langue originale : français.
Éditeur : Carlotta Films

Coffret contenant :
Blu-ray 1 :
Aquarelle (Akvarel, URSS, fiction, 1958, N&B et couleurs, 10’)
Le Chant de la fleur introuvable (Sapovnela, URSS, fiction, 1958, Couleurs, 16’)
Avril (Aprili, URSS, fiction, 1961, N&B, 47’)
La Fonte (Tudzhi, URSS, documentaire, 1964, N&B, 17’)
La Chute des feuilles (Giorgobistve, URSS, fiction, 1966, N&B, 95’)

Blu-ray 2 :
Vieilles chansons géorgiennes (Dzveli qartuli simgera, URSS, documentaire, 1969, N&B, 21’)
Il était une fois un merle chanteur (Iko shashvi mgalobeli, URSS, fiction, 1970, N&B, 81’)
Pastorale (Pastorali, URSS, fiction, 1975, N&B, 98’)

Blu-ray 3 :
Sept pièces pour cinéma noir et blanc (Lettre d’un cinéaste) (France, fiction, 1982, N&B, 21’)
Euskadi (France, documentaire, 1983, N&B et Couleurs, 54’)
Les Favoris de la Lune (France, fiction, 1984, Couleurs et N&B, 102’)
Un petit monastère en Toscane (France, documentaire, 1988, Couleurs, 57’)

Blu-ray 4 :
Et la lumière fut (France-Allemagne-Italie, fiction, 1989, Couleurs, 106’)
La Chasse aux papillons (France-Allemagne-Italie, fiction, 1992, Couleurs, 118’)

Blu-ray 5 :
Seule, Géorgie (France, documentaire, Couleurs et N&B, 1994, 236’)

Blu-ray 6 :
Brigands, chapitre VII (France-Suisse-Russie-Italie, fiction, 1996, Couleurs, 122’)
Adieu, plancher des vaches (France-Suisse-Italie, fiction, 1999, Couleurs, , 117’)

Blu-ray 7 :
Lundi matin (France-Italie, fiction, couleurs, 2002, 128’)
Otar Iosseliani tourne Lundi matin (2002, 54 min) un documentaire de Niko Tarielashvili

Blu-ray 8 :
Jardins en automne (France, fiction, couleurs, 2006, 121’)
Otar Iosseliani, le merle siffleur (2006, 92 min) un documentaire de Julie Bertuccelli de la collection « Cinéma de notre temps »

Blu-ray 9 :
Chantrapas (France-Géorgie-Ukraine, fiction, Couleurs et N&B, 2010, 122’)
Chant d’hiver (France-Géorgie-Ukraine, fiction, Couleurs, 2015, 116’)

le livre « Otar Iosseliani, l’art de la fugue » (220 pages) :
panorama critique de ses œuvres
projet de film inachevé
retranscription d’un séminaire tenu par le réalisateur à Bologne en 1997

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