Billet de blog 14 janvier 2023

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

FIFP 2023 : "Rojek" de Zaynê Akyol

Dans une zone de la Syrie libérée par l'armée de libération kurde, la réalisatrice interroge en prison celles et ceux qui furent des membres de l’État Islamique.

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Film en compétition documentaire de la 5e édition du Festival international du film politique de Carcassonne 2023 : Rojek de Zaynê Akyol

Après Terre de roses (2016) qui suivait les combattantes kurdes qui luttaient contre Daech, la réalisatrice canado-kurde Zaynê Akyol poursuit son exploration d'un monde en guerre qui tente de se reconstruire malgré l'imprégnation forte des idéologies assassines. Cette fois-ci, au centre de sa problématique se trouve des hommes et des femmes qui ont servi Daech et qui à ce titre se retrouvent en prison. La plupart de ces membres de Daech issus de divers horizons géographiques n'expriment aucun remord et au contraire justifient leur prise de position idéologique face caméra, plaçant le djihad comme une mission sainte au-dessus de tout acte de leur vie. Avec une courageuse détermination, Zaynê Akyol filme sans complaisance et sans manipulation ces témoignages uniques de personnes qui sont potentiellement responsables, directement ou indirectement, de la mort de certaines combattantes kurdes de son film précédent.

Illustration 1
Rojek de Zaynê Akyol © Metafilms Inc.

Avec le rituel des prisonniers encagoulés sortant de leur cellule filmés avec les mêmes cadrages, Zaynê Akyol met en scène l'uniformité des profils et la fragilité des cadres de détentions qui ne parviennent hélas pas à remettre en cause l'endoctrinement djihadiste. De même, pour élargir l'horizon face à la situation claustrophobique d'une pensée enfermée sur elle-même filmée en plan rapproché où l'on ne voit que la tête des témoins, les témoignages sont suivis de longs plans impressionnant de scène de champs de culture après récoltes qui brûlent et que quelques hommes tentent de maîtrise. Construites avec une piste sonore laissant une large place à l'inquiétude, ces scènes contribuent à ouvrir métaphoriquement l'image de la difficile responsabilité pour l'armée kurde de contenir et repousser la menace de l'État islamique qui détruit tout sur son passage. La convocation des images métaphoriques permet d'élargir la compréhension de la situation sur place en Syrie alors que les mots par eux-mêmes finissent par enfermer des individus dans une logique implacable.

Zaynê Akyol réalise un documentaire aussi courageux qu'exigeant d'une réalité sociale complexe. Elle laisse de côté l'approche journalistique d'accès à l'information afin de privilégier une prise en considération plus large et non définitive de la réalité. Cette approche immersive permet de rendre hommage à ces combattantes de l'ombre qui composent l'armée kurde dans une situation que la géopolitique écrase, étouffe et laisse bien démunie.

Un film qui cultive l'espoir fragile mais nécessaire d'un lendemain meilleur pour l'humanité.

Rojek
de Zaynê Akyol
Documentaire
129 minutes. Canada, 2022.
Couleur
Langues originales : arabe, anglais, français, kurde

Scénario : Zaynê Akyol
Images : Nicolas Canniccioni, Arshia Shakiba
Son : Arshia Shakiba, Sylvain Brassard
Montage : Mathieu Bouchard-Malo
Musique : Roger Tellier-Craig
Société de production : Metafilms Inc.
Production : Sylvain Corbeil, Zaynê Akyol et Audrey-Ann Dupuis-Pierre

Vente internationale :
Andana films
contact@andanafilms.com

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.