Billet de blog 14 janvier 2025

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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"Cría cuervos" de Carlos Saura

Ana adulte se souvient de son enfance qui n'avait rien d'heureux sous l'Espagne franquiste, alors que son père militaire trompait sa mère. Elle fut très jeune orpheline et se retrouva avec ses deux sœurs sous la responsabilité de sa tante Paulina qu'elle n'appréciait guère.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Cría cuervos de Carlos Saura © Tamasa

Sortie Blu-ray : Cría cuervos de Carlos Saura

Sorti en même temps que la mort du dictateur Franco en Espagne, Cría cuervos (1976) de Carlos Saura saisit cet instant de fin de régime et la difficulté de faire son deuil après les horreurs vécues qui mettent définitivement fin à l'innocence de l'enfance. Ainsi, Carlos Saura fait ici appel au regard d'une enfant traversé malgré tout par la narration d'une adulte plongeant dans sa propre enfance. Au moment où le pouvoir dictatorial est en train de s'éteindre, Carlos Saura poursuit sa peinture des grands corps de la société qui soutiennent Franco avec un recours systématique aux métaphores pour passer outre les barrages de la censure officielle. Ainsi, la mort du père militaire représente le dictateur Franco tandis que la mère étouffée dans son élan d'émancipation par son époux n'est autre que la république laissant une population orpheline.

Tout le film de Carlos Saura est une prodigieuse et vertigineuse plongée dans la mémoire d'un pays rappelant que dans ce contexte l'enfance n'a rien d'heureux, notamment dans une famille bourgeoise et militaire complice du régime dictatorial. Le huis clos que constitue avec quelques courtes échappées sur la ville et lors d'une escapade à la campagne, donne également cette sensation d'étouffement dans lequel le pays est plongé alors que la jeune héroïne tente de se rebeller en construisant ses propres jeux qui sont d'autant plus tragiques qu'ils sont liés à la mort.

En un savant montage, Carlos Saura propose différents cheminement dans le temps avec des personnages qui apparaissent comme des fantômes mais qui appartiennent en fait à des temporalités différentes. La jeune Ana Torrent est le visage enfantin marqué par une gravité inoubliable qui témoigne de l'horreur ineffable de ce que les adultes croient stupidement inaccessibles aux enfants. Découvert dans ce contexte filmique, la chanson entêtante Porque te vas de Jeanette trouve dès lors une signification historicopolitique d'une ampleur nouvelle.

Illustration 2

Cría cuervos
de Carlos Saura
Avec : Geraldine Chaplin (la mère d'Ana / Ana adulte), Mónica Randall (Paulina, la tante des trois filles), Florinda Chico (Rosa, la bonne), Ana Torrent (Ana, à 8 ans), Héctor Alterio (Anselmo, un officier franquiste, le père des trois filles), Germán Cobos (Nicolás Garontes, un officier ami du père d'Ana), Mirta Miller (Amelia Garontes, sa femme), Josefina Díaz de Artigas (la grand-mère paralytique des fillettes), Conchita Pérez (Irène, 11 ans, l'aînée des trois filles), Maite Sánchez (Maïté, 5 ans, la cadette des trois fillesJuan Sánchez Almendros)
Espagne – 1976.
Durée : 117 min
Sortie en salles (France) : 3 juin 1976
Sortie France du Blu-ray : 16 mai 2023
Format : 1,66 – Couleur
Langues : français, espagnol - Sous-titres : français.
Éditeur : Tamasa Distribution

Bonus :
Court métrage documentaire : Rosa, Rosae. La guerra civil de Carlos Saura (2021, 6’)
Cría cuervos vu par Carlos Saura (3’30”)
Bandes-annonces

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