Billet de blog 15 décembre 2024

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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"Lundi matin" d'Otar Iosseliani

Chaque matin, Vincent prend son café, part à l'usine et revient en fin de journée. Un jour, il décide de quitter ce quotidien, fuyant famille et usine, pour rejoindre l'Italie où il retrouve son père ainsi que d'autres compagnons de route et d'infortune.

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Illustration 1
Lundi matin d'Otar Iosseliani © Carlotta Films

Sortie du coffret Blu-ray: Lundi matin au sein de l'intégrale des films d'Otar Iosseliani 

Otar Iosseliani suit ici comme fil conducteur un personnage central, comme cela ne lui était pas arrivé depuis Il était une fois un merle chanteur (Iko shashvi mgalobeli, 1970) tout en conservant une large place à tous les personnages qui gravitent autour du faux protagoniste. Se ce dernier représente un père de famille, son rôle est finalement secondaire face à une mère au foyer qui gère toute l'économie de la maisonnée. En miroir avec le père d'Adieu, plancher des vaches (1999) son précédent film, la figure paternelle est celle qui préfère fuir de manière Bohème, à travers la consommation d'alcool ou encore physiquement, tandis que la mère est une figure du matriarcat que l'on retrouve souvent dans le cinéma d'Otar Iosseliani.

Ici encore, le cinéaste aime à faire se rencontrer des personnages de classes sociales et d'origines hétérogènes, illustrant son goût utopique du vivre ensemble. Il décrit ainsi avec soin la vie d'une maisonnée accueillant sous son toit trois générations avec une continuelle effervescence car il n'y a pas vraiment de figuration chez Iosseliani au sens où chaque personnage apparaissant à l'écran s'implique dans son rôle comme s'il était le protagoniste de l'histoire. Le cinéaste embrasse ainsi avec une conviction humaniste tout un monde avec ses interrelations. Cela s'illustre dans une famille dialoguant implicitement avec son voisinage ou encore lorsqu'un jeune homme artiste créatif touche-à-tout coopère avec le jeune curé du village pour dessiner un Saint-Georges terrassant un dragon, symbole et patron éponyme de la Géorgie.

Dans le monde d'Otar Iosseliani, les éléments de la vie de chacun et chacune se font et se défont sans véritable drame, tout en pointant du doigt une vie à l'usine avec ses maîtres et contre-maîtres qui n'apportent évidemment pas d'épanouissement personnel aux individus. Les véritables rencontres humaines se font ici encore autour d'une bouteille de vin et des chants masculins repris en chœur.

Le cinéaste géorgien confie le rôle principal à Jacques Bidou, producteur incontournable du cinéma d'auteur en France, qui joue pour la première et unique fois l'acteur. Cela témoigne encore chez Otar Iosseliani que la psychologie que peut apporter un acteur et une actrice importe moins que sa présence physique et ses mouvements dans le plan afin d'incarner un personnage. Ceci permet d'ailleurs de conserver la même tonalité émotionnelle tout au long du film, quel que soit la nature de ce qui est conté. Tel est le cadre dans lequel des personnages sont enracinés dans leur quotidien, ce qui ne les empêche pas à tout moment de rêver d'ailleurs, tout en répétant sans le savoir vraiment des décisions transgénérationnelles, thématique apparaissant régulièrement dans l'œuvre du cinéaste.

Illustration 2

Lundi matin
d'Otar Iosseliani
Avec : Jacques Bidou (Vincent), Anne Kravz-Tarnavsky (la femme de Vincent), Narda Blanchet (la mère de Vincent), Radslav Kinski (le père de Vincent), Dato Tarielachvili (Nicolas, l'aîné de Vincent), Adrien Pachod (Gaston, le cadet de VincentP), ascal Chanal (Michel, le voisin), Myriam Laidouni-Denis (la femme de Michel), Laura-Kay Monnet (la fille de Michel), Nicolas Ponthus (le fils de Michel), Pierre Tricaud (le père de Michel), Armand Chagot (le frère de Michel), Jérémy Rochigneux (le curé), Vincent Douhadji (le fermier), Anne-Jacqueline Bousch (la bonne), Anna Lamour-Flori (l'amie de Nicolas), Stéphanie Braunschweig (la jeune fille du train)
France-Italie, 2002.
Durée : 128 min
Durée totale du coffret : 1805 min (30h05)
Sortie en salles (France) : 20 février 2002
Sortie France du coffret Blu-ray : 3 décembre 2024
Format image : 1,66 - couleurs
Langues originales : français, italien, roumain - Sous-titres : anglais, géorgien russe.
Éditeur : Carlotta Films

Coffret contenant :
Blu-ray 1 :
Aquarelle (Akvarel, URSS, fiction, 1958, N&B et couleurs, 10’)
Le Chant de la fleur introuvable (Sapovnela, URSS, fiction, 1958, couleurs, 16’)
Avril (Aprili, URSS, fiction, 1961, N&B, 47’)
La Fonte (Tudzhi, URSS, documentaire, 1964, N&B, 17’)
La Chute des feuilles (Giorgobistve, URSS, fiction, 1966, N&B, 95’)

Blu-ray 2 :
Vieilles chansons géorgiennes (Dzveli qartuli simgera, URSS, documentaire, 1969, N&B, 21’)
Il était une fois un merle chanteur (Iko shashvi mgalobeli, URSS, fiction, 1970, N&B, 81’)
Pastorale (Pastorali, URSS, fiction, 1975, N&B, 98’)

Blu-ray 3 :
Sept pièces pour cinéma noir et blanc (Lettre d’un cinéaste) (France, fiction, 1982, N&B, 21’)
Euskadi (France, documentaire, 1983, N&B et couleurs, 54’)
Les Favoris de la Lune (France, fiction, 1984, couleurs et N&B, 102’)
Un petit monastère en Toscane (France, documentaire, 1988, couleurs, 57’)

Blu-ray 4 :
Et la lumière fut (France-Allemagne-Italie, fiction, 1989, couleurs, 106’)
La Chasse aux papillons (France-Allemagne-Italie, fiction, 1992, couleurs, 118’)

Blu-ray 5 :
Seule, Géorgie (France, documentaire, couleurs et N&B, 1994, 236’)

Blu-ray 6 :
Brigands, chapitre VII (France-Suisse-Russie-Italie, fiction, 1996, couleurs, 122’)
Adieu, plancher des vaches (France-Suisse-Italie, fiction, 1999, couleurs, 117’)

Blu-ray 7 :
Lundi matin (France-Italie, fiction, couleurs, 2002, 128’)
Otar Iosseliani tourne Lundi matin (2002, 54 min) un documentaire de Niko Tarielashvili

Blu-ray 8 :
Jardins en automne (France, fiction, couleurs, 2006, 121’)
Otar Iosseliani, le merle siffleur (2006, 92 min) un documentaire de Julie Bertuccelli de la collection « Cinéma de notre temps »

Blu-ray 9 :
Chantrapas (France-Géorgie-Ukraine, fiction, couleurs et N&B, 2010, 122’)
Chant d’hiver (France-Géorgie-Ukraine, fiction, couleurs, 2015, 116’)

le livre « Otar Iosseliani, l’art de la fugue » (220 pages) :
panorama critique de ses œuvres
projet de film inachevé
retranscription d’un séminaire tenu par le réalisateur à Bologne en 1997

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