Billet de blog 17 décembre 2024

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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"Chant d’hiver" d'Otar Iosseliani

Un homme perd la tête mais ne casse pas sa pipe sous la Révolution tandis que durant la guerre civile en Géorgie, des soldats responsables des crimes sont absous. Finalement, dans les rues de Paris, un ballet de voleurs et voleuses relient les passants entre eux tandis qu'un concierge cultivé se fait vendeur d'armes sous l'étroite surveillance du préfet.

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Illustration 1
Chant d’hiver d'Otar Iosseliani © Carlotta Films

Sortie du coffret Blu-ray: Chant d’hiver au sein de l'intégrale des films d'Otar Iosseliani

Ultime long métrage d'Otar Iosseliani, Chant d'hiver (2015) est la continuité et la fidélité cohérente à toute son œuvre et à ses convictions.L'univers du cinéaste reste à ce jour une force atypique capable de témoigner d'une singularité comme aucune autre à déclarer cet amour du plan où tout se joue en dehors des dialogues par l'interaction des corps mis ensemble.

Comme dans Jardins en automne (2006), l'institution étatique et l'inhumanité de son exercice, notamment dans son obsession à déloger et matraquer les personnes sans domicile fixe, est tournée en dérision avec la figure du préfet qui finira rejetée par les égouts en dehors de la ville. Avec cette présence policière, Otar Iosseliani se fait le cinéaste qui sait à la fois marier le burlesque au réalisme poétique avec les dialogues en moins qui n'ont plus d'importance face à la réalité du corps en mouvement.

Différence notable des protagonistes des précédents films du cinéaste, Rufus est ici un acteur professionnel qui, tout en conservant la tonalité anarchiste du film, impulse une dynamique énergique au film avec sa capacité à transiter d'une classe sociale à l'autre et à partager sa sociabilité avec des intentions qui n'ont jamais rien d'évident, d'autant que ce sont ses propres traits que l'on peut identifier à trois époques différentes. On retrouve également autour de lui des visages connus et complices des autres films d'Otar Iosseliani, Chant d'hiver devenant ainsi une porte d'entrée vers l'ensemble de sa filmographie à l'instar de cette porte inattendue émanant d'un mur dans une rue.

Les figures complices que sont à la fois Mathieu Amalric, Tony Gatlif ou encore Pierre Étaix dans sa dernière apparition devant une caméra, sont là pour témoigner tout autant qu'à œuvrer pour un cinéma alternatif où la présence fait corps et se détache des oripeaux de la psychologie pour ne plus garder que la substantifique moelle d'expression cinématographique trouvant encore son essence dans ses origines au sein du cinéma muet. Le décor compte dès lors autant que chacun des personnages à l'écran avec le désir de casser pleinement le poids de la hiérarchie des corps à l'écran appartenant à une idéologie imposant son ordre au monde. La chorégraphie des corps rappelle la place de la musique qui sous-tend sa mise en scène comme le rappelait Julie Bertuccelli dans son documentaire Otar Iosseliani, le merle siffleur (2006) tandis que les saisons de ses derniers titres ne cesse d'ancrer son univers de récit dans une utopie bucolique épicurienne.

Illustration 2

Chant d’hiver
d'Otar Iosseliani
Avec : Rufus (le concierge), Amiran Amiranashvili (l'anthropologue), Mathias Jung ( le préfet), Enrico Ghezzi (le baron), Mathieu Amalric (le bâtisseur), Altinaï Petrovitch-Njegosh (la fille frivole), Sarah Brannens (une voisine), Samantha Mialet (l'émigrée), Fiona Monbet (la violoniste), Claudine Acs (la comtesse), Josef Roumanet-Monbellet (un enfant), Pierre Étaix (le marquis-clochard), Tony Gatlif (le truand), Fanie Zanini (un enfant), Mile Stevic (le chauffeur du préfet), Baptiste Blanchet (le voleur), François Pain-Douzenel (Arista), Manuela Dalle (l'entremetteuse), Hans Peter Cloos (le capitaine), Katja Rupé (la baronne), Muriel Motte (une voisine), Martine Marignac (la princesse clocharde), Laure Chanal (une voleuse), Whitney Forestal (une voleuse), Mélanie Guérin (une voleuse), Manon Lateulière (une voleuse), Anatole Liebermann, Ivan Imenitov, Erekle Tsintsadze, Thamaz Naskidachvili, Berta Khapava, Thomas Pitre, Nana Avalishvili, Lamzira Chkheidze, Albert Mendy, Vivian Beaumadier, André Crudo, Annabelle De La Panouse, Bernard Gandois, Liza Gudadze, David Khobua, Odile Morhain, Victor Ponomarev, Alexandre Sherozia, Pierluigi Tomasi, Shalva Tskhovrebadze, Mathias Vogt, Anya Zalevskaya
France, Géorgie, 2015.
Durée : 117 min
Durée totale du coffret : 1805 min (30h05)
Sortie en salles (France) : 25 novembre 2015
Sortie France du coffret Blu-ray : 3 décembre 2024
Format image : 1,66 - couleurs
Langue originale : français - Sous-titres : anglais, géorgien russe.
Éditeur : Carlotta Films

Coffret contenant :
Blu-ray 1 :
Aquarelle (Akvarel, URSS, fiction, 1958, N&B et couleurs, 10’)
Le Chant de la fleur introuvable (Sapovnela, URSS, fiction, 1958, couleurs, 16’)
Avril (Aprili, URSS, fiction, 1961, N&B, 47’)
La Fonte (Tudzhi, URSS, documentaire, 1964, N&B, 17’)
La Chute des feuilles (Giorgobistve, URSS, fiction, 1966, N&B, 95’)

Blu-ray 2 :
Vieilles chansons géorgiennes (Dzveli qartuli simgera, URSS, documentaire, 1969, N&B, 21’)
Il était une fois un merle chanteur (Iko shashvi mgalobeli, URSS, fiction, 1970, N&B, 81’)
Pastorale (Pastorali, URSS, fiction, 1975, N&B, 98’)

Blu-ray 3 :
Sept pièces pour cinéma noir et blanc (Lettre d’un cinéaste) (France, fiction, 1982, N&B, 21’)
Euskadi (France, documentaire, 1983, N&B et couleurs, 54’)
Les Favoris de la Lune (France, fiction, 1984, couleurs et N&B, 102’)
Un petit monastère en Toscane (France, documentaire, 1988, couleurs, 57’)

Blu-ray 4 :
Et la lumière fut (France-Allemagne-Italie, fiction, 1989, couleurs, 106’)
La Chasse aux papillons (France-Allemagne-Italie, fiction, 1992, couleurs, 118’)

Blu-ray 5 :
Seule, Géorgie (France, documentaire, couleurs et N&B, 1994, 236’)

Blu-ray 6 :
Brigands, chapitre VII (France-Suisse-Russie-Italie, fiction, 1996, couleurs, 122’)
Adieu, plancher des vaches (France-Suisse-Italie, fiction, 1999, couleurs, 117’)

Blu-ray 7 :
Lundi matin (France-Italie, fiction, couleurs, 2002, 128’)
Otar Iosseliani tourne Lundi matin (2002, 54 min) un documentaire de Niko Tarielashvili

Blu-ray 8 :
Jardins en automne (France, fiction, couleurs, 2006, 121’)
Otar Iosseliani, le merle siffleur (2006, 92 min) un documentaire de Julie Bertuccelli de la collection « Cinéma de notre temps »

Blu-ray 9 :
Chantrapas (France-Géorgie-Ukraine, fiction, couleurs et N&B, 2010, 122’)
Chant d’hiver (France-Géorgie-Ukraine, fiction, couleurs, 2015, 116’)

le livre « Otar Iosseliani, l’art de la fugue » (220 pages) :
panorama critique de ses œuvres
projet de film inachevé
retranscription d’un séminaire tenu par le réalisateur à Bologne en 1997

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