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Film en compétition fiction de la 7e édition du Festival International du Film Politique de Carcassonne 2025 : April de Dea Kulumbegashvili
L'essence même de l'accès au droit à l'avortement est actuellement dans le monde remis en cause malgré les décennies d'ardentes luttes pour une égalité des droits d'accéder à une vie adulte intime et professionnelle sans discrimination de genre. Dans un tel contexte international de régression patriarcale, la cinéaste géorgienne Dea Kulumbegashvili pour son deuxième long métrage après Au commencement (Dasatskisi, 2020) entre dans l'urgence de ce sujet contemporain qui n'a rien d'anodin, sans tabou et avec une exigence esthétique d'une grande ambition, tout en plongeant intimement dans la réalité des cauchemars de la Géorgie d'aujourd'hui.
La force des intentions la cinéaste fait rejoindre forme cinématographique et fond autour de la dénonciation d'un patriarcat étouffant la condition féminine dans son ensemble dans un pays à l'héritage communiste encore très lourd, à l'image d'un film qui peut être considérée comme une œuvre sœur Quatre mois, trois semaines, deux jours (Patru luni, trei săptămâni şi două zile, 2007) du cinéaste roumain Cristian Mungiu. Dea Kulumbegashvili développe également un climat lourd d'oppression à partir de l'expérience sensorielle et subjective de la protagoniste, dont l'appréhension du monde se fait dans un choix de mise en scène d'une exigence formelle forte, notamment d'un format d'image 1,33. Celui-ci impose une ligne narrative où l'héroïne dont le film suit le parcours aussi bien dans sa réalité objective que dans ses cauchemars, se retrouve enfermée. La caméra est le plus souvent fixe et le montage privilégie des plans-séquences dans lesquels se nouent des situations cruciales pour l'intrigue, autour de scènes documentaires et/ou documentées d'accouchements et d'avortements.
Il en découle une dichotomie entre la vie officielle de l'héroïne et sa clandestinité, notamment dans son engagement à suivre les femmes en milieu rural qui sollicite son aide, souvent victimes des abus de leur époux ou encore de viols à répétition.
Le cauchemar de l'héroïne apparaît sous les traits d'un double d'elle-même semi-monstrueux sans visage, dans des situations surréalistes qui témoignent de sa propre difficulté à se sentir intégrée et enracinée dans la société humaine hypocrite et peu encline à vouloir réellement appliquer le droit à l'avortement légalisé jusqu'à la douzième semaine de grossesse officiellement en Géorgie.
Si le film est une véritable épreuve passionnante, il s'agit aussi d'un engagement féministe à l'image de l'expérience éprouvée dans L'Événement (2021) d'Audrey Diwan qui témoignait avec une maestria de la mise en scène de l'expérience de la clandestinité pour sauver l'intégrité d'une femme. Car la gynécologue fait une véritable expérience de sacrifice de sa propre vie, celle-ci se révélant d'un dénuement profond à l'image des choix de mise en scène intimement liés. Un chef d'œuvre cinématographique féministe à découvrir en salles pour sa pleine expression sensorielle !

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April
de Dea Kulumbegashvili
Fiction
134 minutes. France, Italie, Géorgie, 2024.
Couleur
Langue originale : géorgien
Avec : Ia Sukhitashvili (Nina), Kakha Kintsurashvili (David), Merab Ninidze (le médecin en chef), Roza Kancheishvili (Nana), Ana Nikolava (Mzia), David Beradze (l'époux de Mzia), Sandro Kalandadze (le jeune père), Tosia Doloiani (la jeune mère), Beka Songhulashvili, Mariana Abdushelishvili, Elene Aladashvili, Manana Alpaidze, Mevlud Amiranashvili, Jaba Beridze, Nika Beridze, Saba Beridze, Manana Buzaladze, Nino Chabashvili, Diana Gagnidze, Medea Perez Gagoshidze, Asia Iskandarova, Madona Kakashvili, Temo Khutsishvili, Aleksandre Khvedelidze, Natia Kublashvili, Nino Kutateladze, Shushana Lomidze, Elene Makashvili, Sopo Mchedlidze, Alexandre Mrelashvili, Neli Muktiashvili, Bela Natroshvili, Dali Okiashvili, Andria Olenikov, Lia Otarashvili, Katslaryna Plotnikava, Beqa Qurtsikidze, Morisi Rostiashvili, Shotiko Saladze, Miranda Samkharadze, Rana Shaqarova, Tarana Shaqarova, Hannah Sheperd, Vakhtang Tabatadze, Eka Tamazashvili, Nutsa Tchabashvili
Scénario : Dea Kulumbegashvili
Images : Arseni Khachaturan
Montage : Jacopo Ramella Pajrin
Musique : Matthew Herbert
Son et mixage sonore : Lars Ginzel
Décors : Beka Tabukashvili
Costumes : Nicolozi Guraspashvili, Tornike Kirtadze
Production : Ilan Amouyal, Archil Gelovani, Luca Guadagnino, Francesco Melzi d'Eril, Gabriele Bebe Moratti, Alexandra Rossi, David Zerat
Coproduction : Rémi Burah, Olivier Père, Sergey Yahontov
Production exécutive : Marco Colombo, Giovanni Corrado, Steven Darty, Adrien Dassault, Federico Marchetti, Malcom Pagani, Christian Vesper, Raffaella Viscardi, Moreno Zani
Sociétés de production : Frenesy Film, First Picture, Memo Films & Independent Film Project
Société de coproduction : Arte France Cinéma
Distributeur (France) : Pyramide Distribution
Sortie salles (France) : 29 janvier 2025