Billet de blog 20 juin 2023

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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"Babi Yar. Contexte" de Sergeï Loznitsa

En septembre 1941, Babi Yar près de Kiev en Ukraine, devint le lieu d'un sinistre massacre ou plus de 30000 de personnes juives perdirent la vie en deux jours, sous les balles des nazis et de nationalistes ukrainiens.

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Sortie DVD : Babi Yar. Contexte de Sergeï Loznitsa

L'Ukraine, comme enjeu de prédation de l'empire russe, qu'il s'agisse du régime soviétique de Staline comme celui de Poutine, a connu différentes horreurs qui continuent à interroger la réalité contemporaine. Ainsi, le cinéaste Sergeï Loznitsa poursuit sa radiographie de l'Ukraine à travers la fiction et le documentaire en utilisant cette fois-ci exclusivement les images d'archives pour raconter un génocide antisémite.

Illustration 1
Babi Yar. Contexte de Sergeï Loznitsa © Blaq Out

Le montage repose sur des films d'époque dont une partie provient des caméras que les soldats allemands avaient en leur possession. Le récit se développe chronologiquement du départ des armées russes et du NKVD (la police politique soviétique) non sans entraîner de nombreuses morts violentes, jusqu'au retour des armées russes vainqueurs officiels du nazisme, ce qui justifia leur entrée à nouveau en Ukraine.

Le génocide par balles des Juifs ukrainiens a été planifié par un commando armé allemand secondé par des nationalistes ukrainiens. Dès l'arrivée des armées allemandes après la fuite de leurs homologues soviétiques, les communautés juives sont devenues les boucs-émissaires de diverses frustrations qui ont explosées dans des manifestations de haine par les habitant.es de Kiev. Des séquences parmi les plus éprouvantes montrent des hommes en frapper violemment d'autres sans retenue ni complexe, à coup de bâtons, en traînant des femmes par les cheveux dans la rue... Ces séquences précèdent le génocide lui-même comme si l'horreur absolue trouvait un précédent qui allait donner une légitimité aux commandos nazis pour son passage à l'acte génocidaire. Même si le film se clôt avec l'exécution par pendaison des criminels nazis jugés coupables des divers crimes de guerre devant une foule rassemblée en place publique, la question de la responsabilité du génocide n'est pas réglée par le procès réalisé en cour martiale. En effet, l'enjeu du pouvoir soviétique a depuis toutes ces décennies d'effacer l'identité juive des massacres, d'autant plus que Staline est responsable d'une vague d'antisémitisme meurtrière, et faire des victimes des nazis en Ukraine, des citoyens soviétiques.

Avec détermination, Sergeï Loznitsa a plongé dans les images d'archives dont certaines étaient encore inédites pour faire ressurgir la mémoire d'une histoire enfouie dont l'ignorance comme l'évocation tronquée peuvent encore servir trop souvent des finalités de propagande. Son choix consiste à laisser parler les images elles-mêmes sans intervention extérieure anachronique comme le serait la voix off d'un historien. Son sens éclairé de la mise en scène est alors transmis dans son sens aigu du montage où les séquences les plus éprouvantes sont toujours préparées avec soin avec le souci éthique de pouvoir tout montrer pour témoigner de l'histoire mais dans un souci éthique de respect de la mémoire des êtres humains convoqués par lesdites images. Un film indispensable pour penser et repanser l'histoire et comprendre l'Ukraine actuelle autour des événements qu'elle traverse.

Illustration 2

Babi Yar. Contexte
de Sergeï Loznitsa

Pays-Bas, Ukraine – 2021.
Durée : 116 min
Sortie en salles (France) : 14 septembre 2022
Sortie France du DVD : 21 mars 2023
Format : 1,37 – Noir & Blanc et Couleur
Langues originales entendues dans le film : ukrainien, russe, allemand, polonais - Sous-titres : français.
Éditeur : Blaq Out
Bonus :

Sergei Loznitsa, invité de France culture : « la caméra contre l’oubli » (32’)
Sergei Loznitsa : « Comment peut-on confondre le régime russe avec les oeuvres des auteurs russes ? » (17’)

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