Billet de blog 20 novembre 2025

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Chair pour Frankenstein (Flesh for Frankenstein) de Paul Morrissey

Un baron avec son assistant mène des expériences sur des corps humains afin de donner naissance à une race pure et parfaite. Pour cela, il n’hésite pas à assassiner des personnes pour récupérer leurs membres.

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Illustration 1
Chair pour Frankenstein Flesh for Frankenstein de Paul Morrissey © Sidonis Calysta

Sortie du Digibook 4K Ultra HD + Blu-ray + Livret : Chair pour Frankenstein de Paul Morrissey

Après sa trilogie réalisée avec un budget des plus faméliques pour la Factory d’Andy Warhol qui a fait de lui une figure iconique du cinéma indépendant new-yorkais, Paul Morrissey se voit attribué par le producteur italien à succès Carlo Ponti la réalisation de deux films d’horreur en convoquant deux figures classiques du cinéma et de la littérature : Frankenstein et Dracula.

Paul Morrissey se rend alors en Italie et bénéficie d’une équipe technique particulièrement douée pour réaliser un film soigné, afin de mettre en scène une nouvelle prouesse technique : le cinéma en trois dimensions. Même si ce dispositif pèse beaucoup sur le tournage et les méthodes basées sur l’improvisation de Paul Morrissey, celui-ci s’approprie le projet à son compte en inventant des scènes où l’usage des viscères pendouillant dans le vide est particulièrement pensé pour l’horreur en trois dimensions.

Au-delà encore de ce dispositif, Paul Morrissey détourne la figure de Frankenstein en créant un récit qui n’appartient qu’à lui dans un film où à aucun moment le nom Frankenstein n’est prononcé. Il se sert en revanche davantage du personnage éponyme de Mary Shelley comme une figure achétypale pour convoquer à la fois les horreurs de l’eugénisme nazi en jouant notamment sur l’accent allemand de son protagoniste interprété pour la première fois dans un rôle important à l’écran par Udo Kier, dans une interprétation immédiatement iconique par sa démesure. De manière totalement iconoclaste, le savant fou jouit littéralement de pénétrer avec ses mains les viscères de son cobaye humain féminin. Le mariage également avec sa propre sœur appuie encore la folie de l’eugénisme conduisant à une dégénération de la pensée.

Paul Morrissey se permet également comme une revanche actuellement rétrospective particulièrement stimulante par rapport à la toute puissance du cinéma d’auteur encensé sans recul, de faire une allusion directe à l’orgueil d’un Bertolucci qui fait dire en substance par la bouche de Marlon Brando dans Le Dernier tango à Paris : « la mort, je la prends par derrière » dans la surenchère au gore assumé de la jouissance nécrophilique des personnages de Chair pour Frankenstein.

Tout à la fois irrévérencieux et politiquement anarchiste, le new-yorkais Paul Morrissey impulse ici comme dans son dyptique horrifique italien une stimulante contre lecture des figures instituées du cinéma d’horreur pour en interroger l’héritage comme en témoigne de manière explicite le dénouement du film.

Illustration 2

Chair pour Frankenstein
Flesh for Frankenstein
de Paul Morrissey
Avec : Monique van Vooren (la baronne Katrin), Udo Kier (le baron), Joe Dallesandro (Nicholas, paysan, puis valet de Katrin), Carla Mancini (une paysanne), Cristina Gajoni (une paysanne), Dalila Di Lazzaro (la créature féminine), Arno Juerging (Otto, l'assistant du Baron), Srdjan Zelenovic (Sacha, puis la créature masculine), Nicoletta Elmi (Monica, la fille du Baron et de la baronne), Marco Liofredi (Erik, le fils du Baron et de la baronne), Liù Bosisio (Olga, la bonne), Fiorella Masselli (une prostituée corpulente), Rosita Torosh (Sonia, une prostituée), Imelde Marani (une prostituée blonde)
France, Italie – 1974.
Durée : 108 min
Sortie en salles (France) : 9 octobre 1974
Sortie France du Digibook 4K Ultra HD + Blu-ray + Livret : 18 septembre 2025
Format : 2,35 – Couleur
Langues : anglais, français - Sous-titres : français.
Éditeur : Sidonis Calysta

Bonus :
Présentation du film et de « Chair pour Frankenstein » par Christophe Gans (2025, 55’18”)
« Paul Morrissey, la chair et le sang » (« Paul Morrissey - Trans-Human Flesh & Blood », Vinegar Syndrome, 2021, 50’06”, VOST)
« Udo Kier, l’extase de Frankenstein » (« The Ecstasy of Frankenstein », Vinegar Syndrome, 2021, 17’33”, VOST)
« Joe Dallesandro en chair et en os » (« In the Flesh », Vinegar Syndrome, 2021, 12’49”, VOST)
Bande-annonce (3’22”, VO)

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