Billet de blog 22 janvier 2018

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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L’univers enchanté du poète cinéaste Adolfo Arrieta

Dans le royaume de Létonia, le prince Egon rêve de délivrer de son sommeil séculaire la princesse Rosemonde. Si son père qui ne croit pas aux contes de fée ne veut pas l’aider, il peut compter sur l’appui de son précepteur Gérard et de la fée Gwendoline.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
"Belle dormant" d’Ado Arrieta © DR

Sortie DVD : Belle dormant d’Ado Arrieta

L’adaptation des contes de fée peut constituer un genre cinématographique en soi assez ambitieux lorsqu’il s’agit par la mise en scène de retrouver cette atmosphère irréelle, hors du temps, de ce genre littéraire. Il faut être poète et cinéaste à l’instar de Jean Cocteau pour relever un tel défi, ou encore avoir traversé des décennies d’expérimentation cinématographique pour questionner la sensibilité d’une pellicule comme l’illustre Adolfo Arrieta depuis les années 1960, cinéaste atypique que l’on peut rattacher aux poètes expérimentateurs de l’image que sont Philippe Garrel, Albert Serra, Werner Schroeter, Jacques Rivette, Marcel Hanoun, Jean Genet, Jean Vigo, etc. Il n’est jamais trop tard pour découvrir Ado Arrieta et c’est notamment ce que permet cette édition DVD conçue avec passion et conviction par Capricci, dans laquelle on trouve en bonus deux courts métrages du cinéaste ainsi qu’un épisode de la série documentaire « Cinéma de notre temps » d’André S. Labarthe qui lui est consacré. Cette édition DVD permet ainsi d’apprécier Belle dormant dans toute l’ampleur rétrospective d’un cinéaste qui a construit son univers spécifique au fil des décennies. Avec ce long métrage, Adolfo Arrieta opère un excellent choix de casting, qu’il s’agisse de ces comédiens dont l’implication et la passion créatrice dans leur personnage rendent possible l’émergence de ce monde féerique inédit ou encore du chef opérateur Thomas Favel qui avait auparavant illuminé le regard cinéphilique de Davy Chou dans son film Diamond Island (2016). L’image est composée comme une gravure romantique d’un ouvrage du XIXe siècle où l’émergence des fées incarnées par la grâce d’une Agathe Bonitzer devient ici tout à fait naturelle. Quant à la figure angélique et préraphaélite du prince, elle trouve en Niels Schneider une parfaite incarnation dans la lignée du personnage éponyme joué par Jean Marais dans La Belle et la Bête de Jean Cocteau (1946). La mise en scène d’Adolfo Arrieta se caractérise par cette propension à rendre vivant au plus profond des acteurs comme des décors leur univers intérieur respectif. Ainsi, le jeu de Mathieu Amalric comme de Serge Bozon comme des autres acteurs véhicule de prime abord un univers habité et peu importe dès lors les actions et décisions de leur personnage : le fait qu’ils se meuvent dans l’espace filmique participent à créer l’univers poétique plus que le récit qui devient presque abstrait d’autant plus que l’on connaît déjà le dénouement. Le film devient l’antithèse du film d’action, comme si la poésie était une porte secrète ouverte dans une scène prosaïque du quotidien. Écouter le silence devient ici une expérience à part entière qui ouvre cette porte féerique sur un monde enchanté.

Illustration 2

Belle dormant
d’Ado Arrieta
Avec : Niels Schneider (le prince Egon de Létonia), Agathe Bonitzer (Gwendoline et Maggie Jerkins), Mathieu Amalric (Gérard Illinski, le précepteur), Tatiana Verstraeten (la princesse Rosemunde), Ingrid Caven (la méchante fée), Serge Bozon (le roi de Létonia), Andy Gillet (le roi de Kentz), Nathalie Trafford (la reine de Kentz), Isabelle Regnier (la première fée), Fleur Albert (la troisième fée)
France, Espagne – 2016.
Durée : 83 min
Sortie en salles (France) : 18 janvier 2017
Sortie France du DVD : 4 juillet 2017
Format : 1,66 – Couleur
Langue : français - Sous-titres : anglais, catalan, espagnol.
Éditeur : Capricci
Bonus :
- Deux courts métrages d'Ado Arietta : Pointilly (1972, 27 min.) et Eco y Narciso (2003, 19 min.)
- Adolfo Arrietta [cadré - décadré] (2014, 59 min.), réalisé par André S. Labarthe pour la collection "Cinéma de notre temps". Portrait du cinéaste à travers tous ses films avec Jean Narboni et Albert Serra
- Entretiens avec les acteurs Agathe Bonitzer, Andy Gillet et Tatiana Verstraeten

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