Billet de blog 25 octobre 2024

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Cinemed 2024 : "Meat" de Dimitris Nakos

Un patriarche charismatique est particulièrement fier d'ouvrir une boucherie afin d'assurer l'avenir de son fils. Or, ce n'est pas forcément le désir de celui-ci et l'arrivée d'un homme décidé à en découdre, va mettre à mal cette ascension sociale tant désirée.

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Illustration 1
Meat de Dimitris Nakos © DR

Film de la compétition long métrage fiction de la 46e édition de Cinemed, festival du cinéma méditerranéen de Montpellier du 18 au 26 octobre 2024 : Meat de Dimitris Nakos

Dans une mise en scène qui crée une tension permanente dans un rapport au réel constamment perturbé avec une caméra qui ne cesse de sursauter face à des personnages inquiétants qui ne savent pas éviter la tragédie qui plane sur eux, le premier long métrage de Dimitris Nakos construit ainsi une vision du monde qui est ainsi loin de laisser indifférent. Dans ce contexte social quasi insulaire, toutes les tensions se concentrent dans la tradition explicite d'une tragédie grecque modernisée dans son approche où l'intervention divine n'est plus nécessaire car les individus possèdent déjà une charge héréditaire particulièrement conséquente.

Au fur et à mesure du développement de l'intrigue, les relations de pouvoir se font jour et les règles sociales imposées par le charismatique Takis témoignent de leurs tristes finitudes. Takis a voulu violemment renoncer avec dédain à la place sociale que lui offrait en héritage son père éleveur. Dès lors, son pouvoir économique repose sur la mise à mort automatique et dans le sang de ces vies que composent le troupeau animal que lui a concédé son père comme ultime tentative de ce dernier d'exprimer un amour paternel vraisemblablement non vécu. Même si cette histoire n'est pas montrée, elle est implicite dans la violence des relations entre fils et père où l'amour et l'affection deviennent impossible. La tragédie extérieure n'est qu'un prétexte à rappeler au centre de l'intrigue ce drame individuel profond qui vient contaminer l'ensemble des relations dans cette microsociété où la corruption à travers les enjeux monétaires n'a dès lors rien d'anodin.

La mise en scène est audacieuse car en créant l'inconfort du public au service de son récit, le cinéaste crée le risque de voir se rompre l'accord implicite de celui-ci dans son film mais ce choix est cependant nécessaire pour rappeler les tensions vécues par les personnages dans un monde qui n'a rien d'idyllique, bien au contraire. Le commerce de la viande devient ainsi l'objet d'un dégoût profond venant illustrer la nocivité de certaines relations humaines.

Dans une tradition théâtrale issue de la tragédie grecque, bien que la mise en scène renvoie à une réalité sociale documentaire sans fard, le film doit beaucoup à des interprétations particulièrement profondes des acteurs et actrices qui existent dès le premier regard dans leurs seules postures. Le cinéaste met ainsi son sens de la mise en scène au service de la déconstruction explosive du patriarcat avec une ironie particulièrement féroce qui vient hanter de nombreuses scènes inoubliables.

Illustration 2

Meat
de Dimitris Nakos
Fiction
104 minutes. Grèce, 2024.
Couleur
Langues originales : grec, albanais

Avec : Akyllas Karazisis (Takis), Maria Kallimani (Eleni), Pavlos Iordanopoulos (Pavlos), Kostas Nikouli, Giorgos Symeonidis
Scénario : Dimitris Nakos
Images : Giorgos Valsamis
Montage : Lampis Haralampidis
Musique : Konstantis Pistiolis
Son : Nikos Exarchos
Assistanat à la réalisation : Evdokia Kalamitsi
Effets visuels : Elisavet Paneta
Décors : Kyriaki Tsitsa
Costumes : Vasileia Rozana
Scripte : Nefeli Rapti
Production : Thanos Anastopoulos
Production exécutive : Stella Theodoraki
Sociétés de production : Fantasia, Greek Film Centre, ERT S.A. Hellenic Broadcasting Corporation, Foss Productions, Dimitris Nakos, EKOME

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