Billet de blog 26 août 2024

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Blackbird, Blackberry (Shashvi shashvi maq'vali) d'Elene Naveriani

Après s'être vue mourir après avoir rencontré des mûres et un merle, Etero suit un chemin inédit d'expression intense de retour à la vie à l'encontre de ce qui est attendu d'elle.

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Illustration 1
Blackbird, Blackberry Shashvi shashvi maq'vali d'Elene Naveriani © Capricci

Sortie DVD : Blackbird, Blackberry d'Elene Naveriani

Le merle (blackbird) qui s'associe au début du film avec des mûres (blackberry) dont il peut être friand, est une invitation fascinante à renouer avec le cinéma géorgien toujours trop rare, alors que l'évocation dudit merle semble s'associer à l'un des premiers films marquants du cinéma d'Otar Iosseliani : Il était une fois un merle chanteur (1970). Malgré ce lien implicite, Elene Naveriani développe un univers personnel même si le décès de « l'ambassadeur » du cinéma géorgien à 89 ans quelques jours après la sortie du film d'Elene Naveriani en France, peut être traduit comme la vitalité du cinéma géorgien à travers les nouvelles générations.

Elene Naveriani situe son intrigue dans une réalité sociale qui permet à travers le portrait de sa protagoniste et ce qu'elle subit, de rendre visible la pression patriarcale environnante. Elle développe encore en parallèle un espace surréaliste à la frontière avec le fantastique où l'introspection intime de son personnage principal plutôt taiseux est rendu possible. Le parcours de l'héroïne est aussi singulier qu'inédit puisqu'elle perd sa virginité à 48 ans et à partir de là une nouvelle prise de conscience s'affirme où elle ne sera pas soumise aux décisions des hommes, quand bien même cet homme aurait les traits d'un humble prince charmant, ni même des propos de son entourage féminin qui défendent ardemment et implicitement l'ordre patriarcal dominant quant à la place restreinte de la femme dans la société.

Elene Naveriani adapte avec une intelligence cinématographique féconde le livre original de Tamta Melashvili, Merle, merle, mûre (traduit du géorgien par Alexander Bainbridge) paru en novembre 2023 aux éditions Tropismes en France. Cela passe non seulement par une attention particulière à chacun des personnages mais encore à un souci de la composition de chaque plan où rien n'est dû au hasard, prenant ainsi de la distance avec le cadre du réalisme social pour prendre la voie du récit symbolique où toute situation peut se lire comme une métaphore dont l'interprétation dépasse une seule histoire de vie.

La cinéaste géorgienne fait de son modeste personnage une femme aussi lumineuse que magnifique en raison d'une force intérieure qui la conduit à ne jamais rien perdre de sa voie personnelle respectant de la sorte aussi bien son intégrité que son indépendance. Elene Naveriani défend ainsi un personnage réel qui pourtant est souvent victime d'ostracisme au cinéma : celle d'une villageoise de 48 ans à travers son parcours intime et psychologique.

Illustration 2

Blackbird, Blackberry
Shashvi shashvi maq'vali
d'Elene Naveriani
Avec : Eka Chavleishvili (Etero), Temiko Chichinadze (Murman), Lia Abuladze (Natela), Mariam Didia (Sopiko), Sopo Grigolashvili (Marina), Joni Janashia (le docteur), Tengo Javakhadze (Abesalom, l'homme dans le café), Rezi Karosanidze (le frère d'Etero), Giorgi Kartvelishvili (Nukri), Anka Khurtsidze (Tsisana), Tamar Mdinaradze (Londa), Ani Mogeladze (Elene), Gocha Nemsitsveridze (le père d'Etero), Piqria Niqabadze (Nino), Maka Oniani (le réceptionniste de l'hôtel), Shota Sharvashidze (Tengo), Iako Tchilaia (Ia), Misho Totikashvili, Nino Vekua (le serveur), Mariam Gedenadze, Teo Babukhadia, Nana Kartvelishvili, Emzari Khachapuridze
Géorgie, Suisse, 2023.
Durée : 106 min
Sortie en salles (France) : 13 décembre 2023
Sortie France du DVD : 16 avril 2024
Format : 1,85 – Couleur
Langue : géorgien - Sous-titres : français.
Éditeur : Capricci

Bonus :
Rencontre avec Elene Naveriani animée par Antoine Guillot
Analyse du film par Antoine Guillot

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