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Cinémas méditerranéens

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Billet de blog 26 octobre 2022

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Entretien avec Fanny Molins réalisatrice d'Atlantic Bar

Près du comptoir en zinc de Nathalie et Jean-Jacques, Fanny Molins déroule le fil de ces vies écorchées. Un film qui célèbre l’essence de la vie populaire, mais aussi de ces méandres. Un documentaire qui a été sélectionné en compétition documentaire lors de la 44e édition du Cinemed.

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Nora Mourad : Comment avez-vous croisé la route de l’Atlantic Bar ?

Fanny Molins : J’avais envie de venir shooter dans un bar pour un projet de photo. Je voulais m’immerger dans un de ces lieux, pas forcément dans le Sud, puisque je viens du Nord. J’ai suivi un atelier à thème libre aux rencontres de la photographie d’Arles et j’en ai profité. On m'a donné le numéro de plusieurs bars et puis comme L’Atlantic ne répondait pas au téléphone, j’y suis allée. Ça aurait pu être un autre bar mais c’était lui. Le contact s’est fait très vite.


N.M : Combien de temps avez-vous passé aux côtés de Nathalie et Jean-Jacques ?

F.M : J’ai fait des allers-retours avec mon appareil pendant 4 ans. De temps à autre, j’en profitais pour m’entretenir avec quelqu’un pendant quelques heures. Et l’idée de faire un film a germé de là. J’ai longtemps observé avant d’écrire, j’ai également pris le soin qu’ils confirment que ce que je disais était juste et qu’ils s’y retrouvaient. Le tournage, lui, a duré 2 semaines et demie.


N.M : La démarche, était-elle d’être témoin de ces lieux populaires en voie d’extinction ?

F.M : À la base, il y avait une attirance pour la typologie de lieux, sans vraiment me rendre compte que c’était un lieu qui se mourrait. Mais avant tout, il y a une attirance pour les bars, où j'ai passé beaucoup de temps étudiante. Je les trouve d’une convivialité qui m’émeut. Et en même temps, dans la partie un peu plus inconsciente, j’étais à la recherche de la compréhension de la maladie de l’alcoolisme, puisque j’ai grandi avec dans ma famille. Très mécaniquement, je voulais en parler, alors j’ai défini un lieu dans lequel on allait potentiellement en parler. C’était schématique et c’étaient ces deux choses qui m’ont attiré dans les bars.

N.M : On ressent une forte attention aux images, comment êtes-vous arrivée à ce résultat ?

F.M : C’est un travail d’équipe avec mon chef opérateur Martin Roux. On s’est rapidement mis d’accord sur l’utilisation du 4/3 en format et puis sur certains types de cadrage de couleurs et de lumière. Le bar a une architecture telle que la lumière est rasante à l’intérieur et crée un clair-obscur, on n'a quasiment filmé qu’en lumière naturelle. Cela a fait écho aux travaux de certains maîtres hollandais. Je pense que cette esthétique, si elle plaît, c’est qu’elle n’est pas nouvelle et qu’elle rappelle aux gens des paysages.

Illustration 1
Atlantic bar © DR

N.M : Le film a été présenté au festival de Cannes, comment Nathalie et Jean-Jacques ont vécus l’expérience?

F.M : Ils étaient beaucoup plus à l’aise que nous ! On a tous vécu ça pour la première fois ensemble. C’est aussi le premier film de ma productrice Chloé Servel, on vivait ça de la même manière. Nathalie était très à l'aise et des gens la reconnaissaient dans la rue parce qu’ils avaient vu le film, ça leur a donné beaucoup d’amour.

N.M : Quels liens entretenez-vous avec le couple ?

F.M : Aujourd’hui Nathalie et Jean-Jacques sont rentrés dans ma vie au-delà du film. Ce sont des rapports humains, je ne peux pas les laisser tomber. Je ne pense pas pouvoir faire un film et disparaître. Je crois que c’est important de rendre la pareille. Ils m’ont énormément donné pendant 4 ans. Je les aide comme je peux. Tant que je peux les aider, je le fais. La distance est là où je ne peux plus les aider.


N.M : Que pouvons-nous vous souhaiter pour la suite?

F.M : Je garde la même équipe sur plusieurs projets. J’aimerais refaire un documentaire et m’atteler à un court métrage de fiction. Je ne peux rien divulguer pour le moment, mais ce qui est certain, c’est mon attirance envers les populations invisibles dans un désir de création de lien. Ça sera toujours autour.

La situation de Nathalie et Jean-Jacques est précaire, pour les aider, la cinéaste a mise en ligne une cagnotte qui a pour vocation de leur permettre de remonter une guinguette, toujours près d’Arles : https://www.leetchi.com/c/l-atlantic-bar-a-cannes-2022

Illustration 2
© DR

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