Sortie du combo Blu-ray/DVD : Navajo Joe de Sergio Corbucci
En 1966, lorsque Sergio Corbucci réalise Navajo Joe, il a déjà à son actif plus d'une vingtaine de films depuis le début des années 1950 et a signé en 1990 son soixante-deuxième et dernier film avant de mourir. Il ne faut pas cependant attendre à de grandes innovations de sa part dans ce film. Corbucci a réalisé de nombreux péplums comme le voulait l'époque (Romulus et Rémus, Maciste contre les vampires, Le Fils de Spartacus). Lorsque le péplum n'attire plus les foules, le western apparaît comme une véritable alternative destinée à connaître une réussite spectaculaire.
Corbucci marque les esprits en 1966 avec Django. Le film rencontre un grand succès public, créant un personnage qui sera repris inlassablement dans les westerns d'autres cinéastes (et jusqu'à ces dernières années avec Takashi Miike et son Sukiyaki Western Django et Quentin Tarantino) et surtout révèle Franco Nero. La même année où il tourne d'ailleurs quatre films, Dino de Laurentiis lui offre de grands moyens financiers pour tourner Navajo Joe.
Comme il était alors de coutume de faire appel à des acteurs américains de série B ou de télévision pour jouer les rôles principaux de westerns italiens, Burt Reynolds est choisi pour interpréter le personnage éponyme de Navajo Joe, alors qu'il fut un temps question de Marlon Brando. À l'instar de Clint Eastwood, le western italien lance la carrière de Burt Reynolds (Deliverance de John Boorman et la série des Cannonball). L'acteur se montre à la hauteur des scènes d'action de Navajo Joe, bondissant à l'assaut de ses ennemis. Il s'impose moins dans les temps plus lents de dialogue qu'il ne parvient pas suffisamment à se réapproprier car il ne cherche vraisemblablement pas à composer un personnage particulier. C'est une limite du film à travers cette interprétation.
A contrario, le personnage interprété par Aldo Sambrell (second couteau régulier chez Sergio Leone) dans le rôle du sadique et sanguinaire Duncan, retient davantage l'attention. Dans le développement de la violence, chaque personnage dispose de ses « circonstances atténuantes » et l'explication de Duncan face au prêtre (interprété par Fernando Rey !) pèse davantage que celle de Joe qui n'apparaîtra qu'à la fin.
Comme l'explique le spécialiste du genre, Jean-François Giré, dans le bonus de cette édition, Duncan est l'antithèse de Joe, et cette opposition entre des personnages qui en viennent à se compléter est une des thématiques de l'œuvre de Corbucci. On retrouve encore de nombreux thèmes que le cinéaste ne cesse de développer dans ses westerns suivants, ce qui fait de lui un auteur à part entière, témoignant ainsi d'une vision personnelle du monde.
L'un des non moindres intérêts du film est de s'intéresser à l'indianité et de témoigner du massacre systématique et organisé qui en a été fait au sein de ce qui constitue la mythique « conquête de l'Ouest » et où les westerns américains de la première moitié du XXe siècle se sont trop souvent montrés racistes en légitimant le massacre des Indiens. Si Navajo Joe propose un autre regard engagé sur la représentation de l'Indien dans le western, ce n'en est pas le sujet principal. Il aurait d'ailleurs gagné à être davantage développé. L'action est évidemment l'essentiel moteur du film, et le montage rapide des différentes scènes empêche de voir poindre l'ennui. Les invraisemblances sont nombreuses et participent à la geste du héros scandée par une bande originale composée par Ennio Morricone (même s'il l'a ici signée d'un autre nom), où le nom du héros est glorifié dans des excès baroques envoûtants.
Navajo Joe
Un dollaro a testa
de Sergio Corbucci
Avec : Burt Reynolds (Joe), Aldo Sambrell (Duncan, le chef des bandits), Nicoletta Machiavelli (Estella, la servante de Mrs. Lynne), Fernando Rey (le Père Rattigan), Tanya Lopert (Maria, une femme du saloon), Franca Polesello (Barbara, une femme du saloon), Lucia Modugno (Geraldine, une femme du saloon), Peter Cross (le docteur Chester Lynne), Roberto Paoletti, Mario Lanfranchi (Jefferson Clay (le maire d’Esperanza), Nino Imparato (Chuck, le joueur de banjo), Ángel Álvarez (Oliver Blackwood, le gérant de la banque), Lucio Rosato (Jeffrey Duncan, le demi-frère de Duncan), Álvaro de Luna (Sancho Ramirez, de la bande de Duncan), Gianni di Stolfo (le shérif Elmo Reagan), Simón Arriaga (Monkey, de la bande de Duncan), Cris Huerta (El Gordo), Ángel Ortiz (El Cojo), Valeria Sabel (Honor), Rafael Albaicín et Lorenzo Robledo (des hommes de la bande Duncan), Valentino Macchi, Maria Cristina Sani, Roderick Auguste, Dyanik Zurakowska
Italie, Espagne – 1966.
Durée : 92 min
Sortie en salles (France) : 6 mars 1968
Sortie France du combo Blu-ray/DVD : 7 avril 2023
Format : 2,35 – Couleur
Langues : italien, français - Sous-titres : français.
Éditeur : Sidonis Calysta
Bonus :
Présentation par Jean-François Giré (2023, 11’57”)
Bande-annonce (1’50”, VO)