Billet de blog 29 mai 2024

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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"La Faute à Voltaire" d'Abdellatif Kechiche

Jallel vient d'arriver en France pour trouver du travail mais la situation est difficile sans papiers. Il s'éprend d'une femme mais ses espoirs de stabilité émotionnelle restent fragiles.

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Illustration 1
La Faute à Voltaire d'Abdellatif Kechiche © Tamasa

Sortie DVD : La Faute à Voltaire d'Abdellatif Kechiche

Pour son premier long métrage, Abdellatif Kechiche s'affirme avec une vigueur fascinante dans sa mise en scène et sa capacité à créer du récit captivant avec les petits détails du quotidien. Il laisse ainsi du temps aux scènes tandis que plusieurs personnages offrent une singulière personnalité totalement inédite, dans une approche qui a la dimension chorale tout en conservant le point de vue principal du protagoniste. Le film s'ouvre sur des gros plans de visages dialoguant, ce qui signe avec force la vision naturaliste du cinéaste. Cela ne l'empêche pas non plus par la suite de montrer des personnages qui surjouent délibérément leur rôle. Il ressort de toute cette galerie de personnages divers une véritable expression de la vulnérabilité, du côté féminin comme du masculin, tout en conservant la position d'observateur des hommes. Ceci témoigne d'un regard et d'une sensibilité autobiographique programmatique où Abdellatif Kechiche affirme un point de vue d'auteur d'une grande vivacité.

Il est manifestement dans ses choix de mise en scène l'héritier de Maurice Pialat, de même avec l'ouverture et la fermeture du film sur une statue au symbolisme fort qui rappelle L'Amour existe (1960) de Pialat avec un jeu égal de statue pour conclure sur le sens de la République alors que ce sont les banlieues mises en marge sociale qui étaient dans ce cas questionnées. Cette filiation manifeste n'est pas anodine et Abdellatif Kechiche se donne ainsi une grande ambition dans le cinéma avec un film qui déjoue les attentes notamment du côté politique avec des personnages qui ne sont jamais réduits au statut de victimes malgré leurs multiples vulnérabilités. Un film qui se suffit à lui-même et qui permet d'ouvrir une nouvelle famille de collaborations avec des acteurs et actrices qui ont l'opportunité des rôles dans lesquels ils et elles ont été limité es dans les années 1990, notamment Sami Bouajila et Aure Atika. Le cinéma de Kechiche s'affirme ainsi comme celui de la renaissance et non pas celui de la naissance : avec des situations données, il donne à voir ce qui n'apparaissait pas jusque-là, autant dans le jeu des interprètes, son récit comme de sa mise en scène. Un film à revoir.

Illustration 2

La Faute à Voltaire
d'Abdellatif Kechiche
Avec : Sami Bouajila (Jallel), Élodie Bouchez (Lucie), Bruno Lochet (Franck), Aure Atika (Nassera), Virginie Darmon (Leila, l'amie et collègue de Nassera), Olivier Loustau (Antonio), François Genty (Paul, l'adepte du bouddhisme tibétain), Sami Zitouni (Nono), Carole Franck (Barbara, la gérante du foyer), Jean-Michel Fête (Philippe), Manuel Le Lièvre (André), Charles Tordjman (le dépressif), Magali Barney (Véronique)
France, 2000.
Durée : 125 min
Sortie en salles (France) : 14 février 2001
Sortie France du DVD : 26 septembre 2023
Format : 1,85 – Couleur
Langue : français.
Éditeur : Tamasa Diffusion

Bonus :
« 3 écorchés à Paris » par Frédéric Mercier (Transfuge), 27’

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