Billet de blog 30 mai 2025

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Un ange pour Satan (Un angelo per Satana) de Camillo Mastrocinque

Un sculpteur arrive dans un village isolé afin de restaurer une statue de femme fraîchement retrouvée au fond d'un lac. Une rumeur commence à circuler selon laquelle cette dernière aurait une influence néfaste sur tout le village. Au même moment arrive la jeune héritière du château dont les traits physiques sont ceux de la statue.

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Illustration 1
Un ange pour Satan Un angelo per Satana de Camillo Mastrocinque © Artus Films

Sortie de l'édition combo Blu-ray + DVD : Un ange pour Satan de Camillo Mastrocinque

Dans la continuité de ses éditions consacrées au film d'horreur gothique italien, Artus Film exhume avec Un ange pour Satan (Un angelo per Satana, 1966) de Camillo Mastrocinque un nouveau trésor filmique incarné par l'iconique Barbara Steele. Chacune des interprétations de l'actrice est inoubliable et il se trouve que ce film qui se situe à un moment où le genre italien s'est déjà largement développé, lui offrant tout autant de rôles inoubliables, est comme une synthèse de la persona véhiculée par Barbara Steele. Plus que le héros masculin Anthony Steffen tout droit sorti des westerns où il avait une large place identifiée, qui ouvre et ferme ici le film, c'est bien l'actrice qui est au centre de l'intrigue et figure encore la grande attraction en dévoilant peu à peu ses différents visages dans une dynamique schizophrène à la manière du Docteur Jekyll et Mister Hyde (1886) de Robert Louis Stevenson.

D'ailleurs, le scénario s'inspire largement mais implicitement sans les citer de toute une littérature fantastique comprenant également La Vénus d'Ille (1837) de Prosper Mérimée et Carmilla (1872) Joseph Sheridan Le Fanu. Le cinéma gothique hollywoodien est également convoqué avec Rebecca (1940) d'Alfred Hitchcock mais aussi le film noir avec Laura (1944) d'Otto Preminger. Ainsi, le film du vétéran Camillo Mastrocinque qui a débuté dans les années 1930, s'abreuve sur de puissantes racines tout en développant une mise en scène qui accorde une grande importance à une diversité de lieux, multipliant les décors reconstitués avec soin. De l'auberge conduisant à une bagarre mémorable où Anthony Steffen se comporte comme s'il était dans l'un de ses westerns au château où le fantastique gothique peut surgir à tout moment, sans oublier une école pour figurer l'instituteur : ce souci de la scénographie permet ainsi de créer des personnages dans leurs contextes et d'offrir encore une vraie place aux personnages populaires du village face à l'élite sociale incarnée par la noblesse traditionnellement privilégiée dans l'horreur gothique. Ici, le lien se fait à plusieurs reprises par les personnages principaux dans des séquences sadomasochistes, qu'il s'agisse des coups reçus par le sculpteur Roberto mais aussi des coups donnés par la dominatrice Harriet.

Un ange pour Satan se sert du genre gothique pour explorer à la fois la névrose familiale nobiliaire mais permet encore de questionner les différentes figures de respectabilité de la masculinité remises en cause par la tentation de la sexualité exposée par le personnage féminin. Ainsi, sont passés en revue le vieil oncle châtelain, l'humble paysan bourru père de famille, l'innocent idiot du village, le respectable instituteur et l'intellectuel esthète rationaliste venu de la ville que représente le sculpteur. Dans cette remise en cause de la posture de la masculinité qui fondent le patriarcat, le scénario se révèle d'une puissante force d'analyse où l'intrigue n'a dès lors rien de gratuit quant au regard posé sur la société contemporaine du tournage.

Le film est servi par une image composée comme de vrais tableaux contemplatifs dans lesquels le drame va surgir, de l'arrivée en barque du protagoniste dans un lointain semi brumeux à l'ambiance lugubre, à l'architecture du château aux lignes définies en passant par les espaces villageois aux chaos ordonné : le film fait ici preuve d'une véritable symbiose entre la direction photographique et la direction artistique au bénéfice de l'élaboration de l'ensemble.

Illustration 2

Un ange pour Satan
Un angelo per Satana
de Camillo Mastrocinque
Avec : Barbara Steele (Harriet de Montebruno / Belinda), Anthony Steffen (Roberto Merigi), Claudio Gora (le comte Montebruno), Ursula Davis (Rita), Marina Berti (Ilda, la gardienne), Aldo Berti (Vittorio, le jardinier), Mario Brega (Carlo Lionesi), Vassili Karamesinis (Dario Morelli, le professeur), Halina Zalewska (Luisa), Antonio Corevi (Guglielmo, le majordome), Antonio Acqua (Alfonso, le sergent), Livia Rossetti (Natalia), Giovanna Lenzi (Maria), Betty Delon (Barbara Lionesi), Ennio Antonelli, Artemio Antonini, Fortunato Arena, Bruno Ariè, Vera Drudi, Rocco Lerro, Alba Maiolini, Giulio Mauroni, Emilio Messina, Roberto Messina, Ottorino Polentini
Italie – 1966.
Durée : 92 min
Sortie en salles (France) : 24 mai 1967
Sortie France de l'édition Blu-ray/DVD : 3 juin 2025
Format : 1,85 – Noir & Blanc
Langues : italien, français - Sous-titres : français.
Éditeur : Artus Films

Bonus :
« La Vénus du Diable » : présentation du film par Nicolas Stanzick (2025, 37’52”)
« La Statue du Diable » : entretien avec Vassili Karis (2025, 18’25”, VOST)
Générique français (2’08”)
Diaporama d’affiches et photos (1’12”)
Bande-annonce originale (1’55”, VO)

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