Depuis le début de la COP-16, la Banque mondiale fait figure de mauvais cauchemar : Les pays industrialisés souhaitent lui confier la gestion des fonds de la lutte contre le changement climatique (ce qui a déjà été le cas des fonds versés sur l‘année 2010), soient des milliards de dollars transférés du Nord au Sud afin de financer la lutte contre le changement climatique, l‘atténuation et l‘adaptation, selon le principe de la responsabilité commune mais différenciée. Largement décriée pour son impact désastreux ces dernières décennies dans le financement du «développement», la Banque mondiale souhaite se verdir et se refaire une santé via les financements climat. Selon des organisations de la société civile anglaise, le Royaume-Uni joue un rôle-clé dans le soutien à la Banque mondiale et fournit déjà 80% de ses financements climat à travers elle, dont 60% sous forme de prêts à des pays en développement.
Malgré les efforts des pays de l’ALBA, en alliance avec les pays africains notamment, pour retirer les références à la Banque mondiale dans les textes en négociation et maintenir les propositions de l’accord des peuples de Cochabamba, elle réapparaît mystérieusement dans les versions suivantes soumises aux groupes de travail… (Voir aussi le post Parfum d'ambiance à J-1, d’Amélie Canonne).
Plusieurs organisations (Les Amis de la terre International, Jubilé Sud, Action Aid, LDC Watch…) ont donc lancé une campagne internationale «Sortons la Banque Mondiale du climat», avec l‘envoi d‘une lettre ouverte aux gouvernements réunis à la COP signée par plus de 200 organisations à travers le monde, ainsi que diverses actions. A Cancun, cela s’est traduit par un rassemblement suivi d’une marche le 8 décembre, afin de soutenir les franges de résistance au sein du Moon Palace exigeant que les financements dégagés pour la lutte contre le réchauffement climatique et l‘adaptation soient placés sous l‘égide d‘un fonds onusien. Cette action avait lieu hors du centre de négociations, car toute action à caractère négatif sur la Banque mondiale en a été proscrite - un sujet qui dérange…
Plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées sur le parvis du palais municipal où était déroulée une banderole géante «World Bank out of climate finance». Dans le mégaphone, des représentants de mouvements sociaux se relaient pour chanter «We don’t want no World Bank loans, they take our lands, they take our homes!» («Nous ne voulons pas des prêts de la Banque mondiale, ils prennent nos terres, ils prennent nos maisons!»). Le groupe poursuit, «La Banque mondiale, hors du climat!» : «Banco Mundial, Fuera del clima, fuera del clima, Banco Mundial!».
Les représentants latino-américains et africains des mouvements qui ont organisé l’action rappellent le lourd passif de la Banque mondiale, les luttes menées contre les dettes illégitimes, le financement par la Banque de l’industrie fossile... Et rappellent la sombre ironie que constituerait un accord visant à faire de la Banque mondiale la gestionnaire des fonds climat -d’autant que les fonds passeraient en partie par des prêts, créant de nouvelles dettes qui pèseraient sur les populations du Sud.
Pourtant, la Banque Mondiale gère déjà une douzaine de fonds carbone et la pression des pays industrialisés se fait de plus en plus pressante pour étendre son mandat. Nous saurons ce soir de quel côté la balance a penché à l’issue des négociations sur l‘architecture et la gouvernance des financements climat. Une chose est sûre, la mobilisation restera nécessaire pour que les responsables de la crise, dont la Banque, n’en soient pas les gagnants en recréant les espaces d’expansion d’un capitalisme vert.