Billet de blog 2 nov. 2010

Charles Conte
Chargé de mission à la Ligue de l'enseignement
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Nouveaux militants: la fin du politique ?

Charles Conte
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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le site général de la Ligue de l'enseignement publie un dossier sur ce thème avec une définition des enjeux, des points de vues et des repères assortis d'un quizz.

Voici les enjeux, tels qu'ils sont définis sur le site:

Le philosophe Miguel Benasayag a eu un jour cette belle formule : lutter sans modèle. Oui, il y a beau temps que les modèles ont disparu. Les causes demeurent mais le sens de l’action n’est plus donné d’avance. Il se construit au quotidien, en tâtonnant, en faisant la part du doute. Pour autant les militants ont-ils changé ?

Ce qui a changé assurément, c’est le regard que l’on porte sur eux, la façon dont on les représente. Militer, jadis, c’était un sacerdoce, un combat, une ascèse : l’affaire de moines-soldats qui se dévouaient à une cause. On en trouve l’archétype chez Balzac avec l’austère Michel Chrestien, républicain intègre et passionné. Cette figure n’a pas disparu. Mais ce qui se disait moins et qui s’avoue peut-être plus facilement aujourd’hui, c’est que militer est aussi un plaisir.

À parler avec des militants, on a presque toujours l’impression de faire reculer le sentiment d’une société indifférente et brutale. Il y a dans leur expérience une chaleur qui contraste avec la froideur du monde contemporain. Et si l’essentiel était là ?

Le sociologue allemand Axel Honneth fait de la reconnaissance la question sociale par excellence, celle qui produit les contradictions, le dynamisme, mais aussi les souffrances de notre époque. Nous sommes des individus en mal de reconnaissance, dans un monde qui rechigne à nous accorder de l’attention, et nous galopons sans fin pour en obtenir.

C’est ici que le militantisme inscrit sa différence. Car si l’on se représente assez bien ce que donnent les militants – ils paient de leur personne et ne comptent pas leur temps – il convient d’apprécier ce qu’ils reçoivent en retour. L’imaginaire du dévouement l’a longtemps occulté, mais militer c’est d’abord échanger. Le militant accorde de l’attention à ce qui suscite chez d’autres une simple indifférence. Il ne se dégage pas du monde, il s’y engage. Et dans cet engagement, dans cette attention donnée, il y a l’amorce du fameux triptyque de Marcel Mauss : donner, recevoir, rendre.

S’inscrire activement dans cet échange, œuvrer à renouer des liens, cette expérience est au cœur de l’engagement militant. Elle en est peut-être le principal enjeu. C’est tout le sens de la formule « faire société » dont la Ligue de l’enseignement a fait le titre du manifeste adopté lors de son dernier congrès.

Mais les militants ne sont pas de simples artisans du lien social, comme le sont les travailleurs sociaux par exemple. Ils sont eux-mêmes intimement engagés dans ce lien, et c’est cet engagement qui fonde aujourd’hui la singularité de leur expérience. Ils sont dans la société ; ils sont la société.

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