Billet de blog 6 juillet 2010

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Charles Conte

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Congrès de Toulouse. Le discours de clôture de Jean-Michel Ducomte

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Discours du président de la Ligue de l'enseignement, Jean-Michel Ducomte.

Mesdames, Messieurs, Chers amis, Chers camarades,

Je souhaite d’abord adresser les remerciements de l’ensemble des militants de la Ligue de l’Enseignement à nos camarades de la Haute Garonne et de la région Midi-Pyrénées. Ils avaient un défi à relever. Ils ont montré qu’ils en étaient capables, au-delà même de ce dont nous pouvions rêver.

Il y a toujours une part de magie dans nos congrès, une magie qui s’est enrichie d’une lourde mais enthousiasmante responsabilité dont vous avez charnellement ressenti les exigences lors de la proclamation de notre manifeste. Pour quelques heures, quelques jours, bien plus longtemps d’ailleurs pour beaucoup d’entre nous, nous décentrons notre regard pour tenter de comprendre ce qui nous fait agir, pour nous appliquer à une compréhension du monde qui nous entoure, pour donner substance à nos engagements.

L’ambition que nous nous étions donnée était d’une ampleur telle qu’il nous fallu pas moins de six ans pour la conduire à son terme. Mais, à mesure que les mots venaient, que les idées se mettaient en ordre, que les constats gagnaient en lucidité et les solutions en pertinence, une évidence cruelle s’imposait. N’aurions nous pas eu raison trop tard ? La trame du tissus social dont nous ambitionnions de retisser les fils saurait-elle résister suffisamment longtemps pour que nos réflexions ne se réduisent pas à de louables mais vaines incantations ?

En dépit des menaces qui s’amoncellent, ici ou ailleurs, obscurcissant l’horizon de notre compréhension de lourdes nuées d’orage, nous avons décidé de faire le pari de la confiance dans la capacité des citoyens à rebâtir un contrat social solide et responsable, dans l’aptitude des « individus à puiser dans leurs dimensions particulières les références communes et universelles qui unissent la communauté humaine ».

Je n’évoquerais pas, Jean Marc l’a fait, les quelques motifs de satisfaction que nous pouvons compter. La Ligue a toutes raisons d’être fière d’avoir fédéré l’essentiel des organisations de l’économie sociale et d’éducation populaire au service d’une négociation réussie avec le Ministère de l’Education Nationale. Nous avons su convaincre et cela n’était pas gagné d’avance.

Nous vivons des temps difficiles, cela n’est guère douteux, En France, mais aussi en Europe et dans le monde. La crise est certes économique, elle est aussi et peut être principalement, sociale, culturelle, juridique, environnementale. Il y a un siècle de cela, certains auraient dit quelle était morale.

Que la financiarisation de l’économie, plus attentive à l’accumulation de profits qu’à la construction de richesses ait débouché sur un effondrement du système bancaire mondial, beaucoup d’économistes sérieux l’envisageaient. Que les Etats soient venus au secours de ceux que leurs pratiques criminelles devaient conduire à la faillite pouvait se concevoir dans un souci affirmé mais qui reste à démontrer, de sauver les vraies victimes, les clients du système. L’on aurait, sans grandes difficultés, admis que la contribution publique soit assortie de garanties et pourquoi pas d’une nationalisation des organismes soutenus. Que je sache, la politique du crédit constitue l’un des prolongements de la création monétaire dont l’on ne discute pas le caractère de fonction régalienne. Mais pouvait-on songer que le chien viendrait mordre la main qui l’avait secouru ?

Les attaques, aux conséquences peu prévisibles, compte tenu de leur caractère massif et concerté, contre les dettes souveraines, avec le soutien implicite des Etats qui hébergent un certain nombre de banques prêteuses – le cas de la dette grecque détenue par deux établissements bancaires allemand est, à cet égard lumineux – rend tout pronostic aléatoire.

Une réponse dominante est cependant déjà administrée. Puisque la dette nous rend vulnérables à l’égard des charognards de la finance, éteignons la, quel qu’en soit le prix, en terme de croissance économique, d’emploi, de solidarité. C’est ce que l’on qualifie, par euphémisme, de politique de rigueur, parfois d’austérité. Si des modèles historiques nous donnent les moyens d’en pressentir certaines des conséquences, aucun repère n’existe qui permette d’en mesurer la totalité des conséquences dans une économie mondialisée. Gageons cependant, et les tensions qui se font jour en Europe le démontrent, la tentation du chacun pour soi, acrimonieux et xénophobe, risque assez rapidement de prévaloir.

En effet, la fausse solution des propositions populistes commence à dessiner les contours d’un monde de nationalisme cadenassés et agressifs. La Ligue du Nord en Italie continue d’éructer sa haine des étrangers. La Flandre belge, les Pays Bas, mais aussi les pays nordiques doivent compter avec d’inquiétantes poussées xénophobes. L’extrême droite hongroise rêve d’anéantir les découpages opérés par le Traité de Trianon et en appelle à une Grande Hongrie, comme naguère l’on parlait de Grande Serbie, comme régulièrement le projet d’une grande Roumanie vient alimenter les rêves fascisants des héritiers de la Garde de Fer. Sans être grand géographe, gageons qu’il n’y aura pas de place pour tout le monde ! Je vous rappelle qu’il y a quelques années de cela les pays membres de l’Union européenne s’étaient émus d’une alliance des conservateurs et de l’extrême droite en Autriche, allant jusqu’à brandir la menace de sanctions. Quelles voies s’élèvent aujourd’hui face à un basculement aux conséquences plus redoutables ?

Visiblement la morosité économique n’est guère propice au développement ou à la simple garantie des libertés publiques. Nous y moquions il y a peu l’évolution de l’Italie, dont le chef du gouvernement a pu, sans susciter de révolte se présenter en héritier de Mussolini. Que la paille dans l’œil de nos voisins, qu’ils soient transalpins, belges, hongrois ou néerlandais ne nous détourne pas d’enlever la poutre qui s’est fichée dans le nôtre.

Entre la chasse aux étrangers sans papiers conduite avec des méthodes dignes de temps que l’on pouvait penser révolus, la multiplication des délits de faciès, la mise en fiche ou sous surveillance vidéo de tout ce qui bouge, se déplace, la France cesse, lentement, comme par paresse, d’être un pays démocratique. Ce n’est en effet pas parce que les procédures subsistent que leur mise en œuvre constitue le gage du maintien d’une culture démocratique.

Il n’est pas inintéressant, au-delà de l’analyse des taux de participation aux différentes élections, pour tenter de se faire une opinion sur la confiance que nos concitoyens ont dans les mécanisme de représentation démocratique, de faire un détours par les commentaires dont sont assortis un certain nombre d’articles publiés soit sur des portail d’accès informatique, soit sur des médias numériques. La sagesse des nations à l’âge de l’ordinateur fait parfois froid dans le dos. Le fascisme ordinaire qui s’exprime derrière le confort de l’anonymat et la commodité d’une orthographe et d’un français incertains en dit plus long sur l’état de l’opinion que toutes les enquêtes ou tous les discours.

Le contrôle politique opéré sur l’audiovisuel public, quand les médias privés sont entre les mains de proches du pouvoir, se poursuit. La tentation, encore en suspens il est vrai, d’une mise au pas de la justice pour la rendre docile, c'est-à-dire clémente aux puissants, brutales pour les démunis se précise. Et ce n’est pas la condamnation, somme toute modeste, d’un ministre, reconnu coupable de propos à connotation raciste, qui pourrait parvenir à le démentir. Et gageons que les crapuleries que laissent entendre ou supposer un certain nombre d’affaires récentes ne sont pas de nature à brider cette tentation.

Le roman noir de l’identité nationale que le ministre éponyme a tenté de nous faire écrire a révélé, jusqu’à la nausée, la « part maudite » d’une société qui doute d’elle-même, de ses repères et de son avenir. Petits et grands, responsables et anonymes ont cru venu le moment de laisser s’écouler leur inconscient boueux.

Même l’avenir de la planète, dont le sommet de Copenhague devait permettre de définir les médecines qui en inverseraient l’inquiétante évolution, semble devenu secondaire comme en témoigne, en France, le lent et lâche abandon des promesses du Grenelle de l’environnement. Le regard rivé sur le présent, nous en oublierions de considérer l’avenir.

La tentation est grande, et les taux d’abstentions relevés lors de derniers scrutins le démontrent, de s’abandonner à un « à quoi bon » rageur ou résigné qu’alimente une inquiétante capitulation de la proposition politique. Plus grave, l’adhésion à des propositions en rupture radicale avec les fondements même de humanisme retrouve, ici ou là, écho, comme l’ont démontré un certain nombre d’élections récentes qui se sont déroulées chez nos voisins européens.

Que dire des inquiétantes remises en cause, à partir, pour certains, d’une posture qu’ils qualifient, en prenant la pose, de nietzschéenne, des coups de boutoir assénés aux repères intellectuels au travers desquels s’est construite la pensée du progrès.

Hier Marx ou Darwin, aujourd’hui Freud. Débusquant les caricatures, parfois, il est vrai, les insuffisances, réduisant l’œuvre à la biographie de l’auteur, sans égard pour les circonstances historiques de l’élaboration, dans une posture résolument réactionnaire, ils se satisfont d’être considérés comme sulfureux. Qu’ils sachent que le souffre n’a pas meilleure odeur que le parfum de sacristie. Ils se limitent à créer l’illusion commode d’une transgression économiquement rentable, pour eux, à défaut d’être politiquement pertinente ; tel va l’esprit du temps.

Darwin, au cours du deuxième XIXe siècle a fracturé de façon décisive les vieilles explications fondées sur la référence à un acte créateur, pourvu d’une intelligibilité indiscutable, pour imposer une grille de lecture du vivant ordonné autour d’une évolution adaptative.

A partir de Marx, comme le souligne Alain Badiou, « l’histoire des groupes humains est soustraite à l’opacité de la providence comme à la toute puissance des inerties oppressives que sont la propriété privé, la famille et l’Etat ».

Avec Freud, l’analyse des comportements humains s’affranchit des déterminismes métaphysiques et des jugements moraux. L’univers de la passion ou de la règle est subverti par l’empire de la pulsion.

Ni tout à fait philosophie, ni, complètement scientifiques, ces approches nouvelles, ont profondément modifié notre compréhension du monde, le regard que nous portons sur nous-même, notre rapport aux autres, notre perception de la temporalité, le sens que nous sommes en mesure de donner à notre existence. Alliant logique déterministe et souci émancipateur, ces nouvelles lumières éclairaient d’une lumière crue un monde en construction dont nous sommes les héritiers.

Nous avons décidé d’adopter une attitude radicalement opposée à celle de ces Fregoli de la transgression, clairement inscrite dans une logique progressiste, moins bruyante, mais au combien plus apte, sinon à totalement conjurer les périls qui nous menacent, du moins à rester, et à aider nos concitoyens à rester, maîtres de ce qui nous advient.

En jetant un regard lucide sur les évolutions qui ont accompagné le lent phénomène de mondialisation, nous avons constaté que l’individu, formidable affirmation de la rupture révolutionnaire de 1789, se trouvait rendu à sa redoutable nudité. Son autonomie, sa capacité de décision politique doivent être sauvegardées et renforcées, mais nous savons qu’elles resteraient formelles, sans sa participation à un destin collectif librement consenti.

Même si le rêve d’une société anarchiste, sans règles, sans lois et sans pouvoir peut, parfois, l’espace d’un instant, nous effleurer, nous le savons impossible. Par contre, parce nous sommes laïques, nous savons qu’il n’est pas de destin individuel construit dans la durée qui ne repose sur un va et vient constant entre un espace public, lieu de construction d’une conviction commune, espace d’élaboration de l’intérêt général et un espace privé au sein duquel chacun s’efforce de se construire à partir de son histoire, de ses envies, de ses proximités, de ses doutes ou de ses croyances.

Cet ensemble exige une démarche d’institutionnalisation, l’élaboration d’une dichotomie à géométrie variable entre un droit public et un droit privé. Un droit pour tous et un droit pour chacun. Un droit qui dans sa vocation collective doit retrouver une fonction principale de garantie, de protection, d’égalisation des statuts et dans sa dimension subjective une fonction d’appel à un échange fécond entre volontés libres.

Plus que jamais, engageant la réflexion que clôture, temporairement notre manifeste, nous faisons œuvre d’éducation populaire. Ce choix nous crée par ailleurs une obligation. Celle de donner substance à nos propositions, de les faire partager, d’être attentifs à leur mise en œuvre.

Je voudrais revenir, ne serait ce que quelques instants, sur la question du port du voile intégral et la position adoptée par la Ligue de l’Enseignement devant la mission d’information parlementaire, position que le Conseil d’Etat, au travers du rapport qu’il a eu l’occasion de remettre au premier ministre le 25 mars 2010, a largement validée.

Deux évidences s’imposent, que nous n’avons, du moins pour la première, cessé de marteler.

Le port du voile intégral, volontaire ou imposé, est inadmissible et nous scandalise, tant par le mépris qu’il exprime à l’égard de la dignité de la femme ou par la revendication cynique qu’il traduit d’une infériorité de statut, totalement incompatible avec le principe de liberté et d’égalité qui fondent le pacte républicain.

Notre combat en faveur de l’émancipation des hommes et des femmes nous conduit à le combattre, comme nous combattons l’extrême droite, l’obscurantisme assumé de la hiérarchie catholique, comme nous avons dénoncé et combattu les dérives xénophobes qui ont accompagné le débat nauséabond sur l’identité nationale, comme nous dénonçons les pratiques de même nature, imposées de façon massive dans certains Etats du Golfe et dont les dirigeants et leurs épouses ou compagnes sont acceptées sans réserve sur le sol français, y font leurs emplettes, affichant souvent une condescendance pleine de mépris à l’égard des travailleuses qui les servent.

La deuxième évidence concerne la qualité de ceux qui, le plus fortement, revendiquent à l’imitation du Tartuffe de Molière, la suppression de ce voile qu’ils ne sauraient voir. Pour eux, l’appel à la loi a les vertus d’un exorcisme. Il vise à faire disparaître un symptôme sans avoir à se préoccuper de ce qu’il exprime, sans avoir à faire l’effort de convaincre.

J’ai le privilège de connaître certains d’entre eux et ce commerce m’a convaincu que leurs protestations de laïcité étaient bien trop circonstancielles pour être totalement sincères. Défenseurs de l’école privée confessionnelle, souvent favorables à certains accommodements déraisonnables par rapports aux principes posés par la loi de 1905, ils sont laïques lorsque le mot leur semble susceptible de garantir l’identité chrétienne de la France. Nombre d’entre eux sont opposés à l’entrée de la Turquie au sein de l’Union européenne et pas simplement pour des raisons, que l’on pourrait estimer légitimes, de méconnaissance des libertés publiques.

Pourrait-on concevoir de nouer avec eux des alliances de circonstance ? Je ne le crois pas, car ces alliances seraient contre nature. Je préfère largement poursuivre le dialogue constructif, sans arrières pensées, tout entier ordonné autour de la défense et de la promotion d’une laïcité émancipatrice, que nous conduisons avec la Ligue des droits de l’homme et la Libre Pensée, plutôt que de fourvoyer notre engagement dans des proximités incertaines.

Ceci étant dit, je continue de penser qu’une interdiction générale du port du voile intégral dans les lieux publics - dont je peine à définir le périmètre (est-ce la rue, la cage d’escalier, la boutique de l’épicier, la salle d’attente du médecin, etc.) - serait une erreur et pourrait même desservir le combat que nous devons conduire. Outre que la législation, à condition d’en préciser certains des termes, comme le suggère d’ailleurs le Conseil d’Etat, est en mesure de garantir l’ordre public contre les dangers d’une identité rendue incertaine par le voile du visage – l’affaire qui s’est déroulée récemment à Nantes le démontre par l’absurde -, une loi d’interdiction générale serait fragile au regard des principes constitutionnels ou de ceux qui découlent de la Convention européenne des droits de l’homme, et donc, finalement dangereuse, et cela à un double titre.

La contestation qui pourrait en être faite serait interprétée comme une victoire des défenseurs d’une infériorisation de la femme. La communauté musulmane, pour l’essentiel étrangère à ces sinistres pratiques se verrait une nouvelle fois stigmatisée et, pour une partie d’entre elle tentée par les marchands d’illusion.

Mais je vous le redis encore, se défier d’une interdiction législative, faussement confortable, n’interdit pas de combattre, de convaincre, de dénoncer, sachant que ce qui est dans les têtes doit nous préoccuper plus que ce que nous voyons sur les visages et sur les corps. L’anéantissement du symptôme n’a jamais guéri le malade.

Pour en revenir aux interrogations qui nous ont retenu au cours des deux derniers jours, il me semble que ce à quoi nous sommes confrontés, ce n’est pas simplement à une de ces crises cycliques qui participeraient, en quelque sorte, d’une respiration du système, liée à quelque anomalie circonstancielle dans le fonctionnement des marchés financiers, mais d’une crise structurelle tenant au fait que nous avons perdu la signification profonde de l’action politique qui doit être médiatrice entre les intérêts particuliers pour, que de leur confrontation intelligente, naisse le bien commun.

Sa résolution implique intelligence, lucidité, sens de l’action collective mais aussi attention à la singularité des constructions particulières qui sont l’humus d’où mettra un nouveau contrat social.

Je voudrais rappeler aux caporaux de l’unité, aux fanatiques de l’uniforme, aux dévots de la norme, à tous ceux que désolent les rebords mal équarris, les pensées buissonnières, les comportements de rupture, que si l’occasion leur est donnée de franchir les portes d’un musée, d’une salle de concert, de se laisser bousculer par la lecture, ils constaterons qu’une œuvre est d’autant plus universelle qu’elle est singulière, irréductiblement singulière.

Ce qui vaut pour les créations humaines, pourquoi voudrait –t-on que cela cesse d’être vrai pour les comportements humains. C’est ce que soulignait, il y a près de trente ans de cela, Régis Debray dans la conclusion de son ouvrage «Critique de la raison politique » : « L’homme se retotalise en se morcelant….La civilisation, en somme, transcende les cultures en ce qu’elle n’est pas l’affirmation ni la négation, mais la circulation des différences entre les groupes historiques ». Jamais, le pari de construire du commun avec du singulier ne s’est imposé avec une nécessité et une urgence aussi forte.

Si nous voulons faire rempart aux délitements du lien social que viennent compenser de dangereux replis identitaires il faut avoir le courage d’affirmer que l’universel n’est pas un donné mais un construit, patiemment élaboré, intelligemment expliqué, quotidiennement expérimenté. Le temps est venu de renoncer, par souci de méthode mais aussi par exigence de principe, à l’universalisme facile et au relativisme paresseux, de repenser le dialogue entre les cultures, non pas en terme d’identité ou de différence, mais d’écart et de fécondité, de les concevoir comme autant de ressources à explorer que menace l’uniformisation du monde. Et si, chemin faisant, nous avons le sentiment d’être bousculés dans nos certitudes ou dans nos convictions, c’est que quelque chose encore nous reste à enseigner, à transmettre.

Le monde n’est pas fini, il reste le champ de nos curiosités, l’avenir n’est pas mort, il demeure l’espace de nos engagements. Soyons, en permanence capables, au fond de la boîte de Pandore, de retrouver le secours, non point de l’espérance, non point simplement de l’espérance, mais d’une lucidité fraternelle et exigeante qui nous aidera à comprendre ce qui nous advient et à construire ce que nous souhaitons.

Pour cela nous devons retrouver la capacité de vouloir, mais aussi réapprendre la lenteur des évolutions, la patience longue des projets complexes ; en quelque sorte, redonner intelligence au temps. Comme l’écrivait Jean Jaurès dans son dernier article, paru le 31 juillet 1914 dans l’Humanité, rien n’est impossible « si nous gardons la clarté de l’esprit, la fermeté du vouloir, si nous savons avoir, à la fois, l’héroïsme de la patience et l’héroïsme de l’action ».

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