Billet de blog 10 juin 2010

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Charles Conte

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Faire société ! Un Manifeste en devenir

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La nouvelle version du Manifeste "Faire société !" est en ligne sur www.commentfairesociete.org Elle reprend les dernières contributions de l'ensemble du réseau de la Ligue de l'enseignement.

Le Manifeste sera présenté et débattu lors du congrès de la Ligue les 24, 25 et 26 juin à Toulouse. Eric Favey, secrétaire général adjoint de la Ligue de l'enseignement et rapporteur de la question de congrès, nous rappelle ici les fondements de cette réflexion collective.

« Ce n’est pas ce qui est, mais ce qui pourrait et devrait être qui a besoin de nous. »

Cornélius Castoriadis

« Individualismes, communautés et destin commun: comment faire société ? » Quand la Ligue de l’enseignement met cette question à l’ordre du jour de sa réflexion collective en 2005, elle n’entend pas stationner dans la seule analyse de la situation. Elle est décidée à faire reculer la fatalité d’une société qui se désagrège lentement et peine à maintenir sa cohésion et son « vivre ensemble ». Cinq ans plus tard, Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République, fait un constat alarmiste similaire : «Notre société est fracturée et jamais cette réalité n’a été aussi aiguë… Les espérances collectives ont cédé la place aux inquiétudes collectives… La loi n’apparaît plus comme le bouclier du plus faible contre le plus fort, mais comme une nouvelle arme aux mains du plus fort pour asseoir sa domination contre le plus faible… »

La crise financière et ses dimensions sociales et politiques éclatantes révèle chaque jour l’étendue des dégâts d’une certaine conception de la vie commune, irresponsable, immorale et in fine déshumanisante.

Quant à la politique du gouvernement français, fondée sur la mise en concurrence, le contrôle et la culpabilisation, notons qu’elle exacerbe la fragmentation sociale, les replis et les peurs. L’indigne débat sur l’identité nationale a constitué un point d’orgue de ces choix qui divisent un peuple.

Enfin, les résultats des dernières élections régionales avec une abstention record et en majorité volontaire, traduisent la profonde crise de confiance qui travaille notre pays. Force est de constater que c’est bien d’un nouveau contrat social et politique dont la France a besoin, dans une Europe politique et sociale renforcée, capable d'agir pour un monde solidaire. Tout cela témoigne de l’urgence de trouver des issues collectives au défi démocratique d’être et de vivre ensemble et de désencombrer l’horizon pour redonner le « goût de l’avenir », vertu que Max Weber assignait à la politique.

Certains nous proposent une société où règnent la défiance mutuelle et le seul échange rémunéré de biens et de services alors que les exigences de la justice sociale, de la responsabilité, de la coexistence, de la solidarité, et du respect mutuel se font plus pressantes. Car « faire société », c’est faire vivre ensemble plus longtemps quatre générations simultanées dans des espaces plus étendus et interdépendants. La mondialisation, les mutations inédites engendrées par les technologies numériques et les sciences du vivant, la crise écologique, les nécessaires investissements pour penser et construire un avenir solidaire et responsable nous imposent de reconnaître la même légitimité au principe de progrès et au principe de précaution. Cela suppose une économie recentrée sur les besoins et au service des femmes et des hommes, orientée vers un développement durable et équitable, qui permette à chacun de bénéficier d’un revenu digne. La mise en concurrence dans le monde entier de travailleurs aux salaires et régimes sociaux les plus divers doit faire place à la garantie pour chacun d’une vie et d’un travail décents. Consacrer à l’économie sociale et solidaire la place qui lui revient, c’est encourager des productions non « délocalisables » et conjuguer la dynamique d’entreprendre et la recherche d’utilité sociale.

Avec sa question de congrès, la Ligue de l’enseignement n’ignorait pas la complexité

inédite de notre époque qui tend à nous tétaniser ou à nous inciter au refuge dans la nostalgie d’un recours pourtant vain aux solutions d’hier. Mais elle savait le chantier propice à l’invention d’un futur qui peut susciter l’enthousiasme des citoyens à s’y engager. Parce qu’il est sans espoir de vouloir opposer les individus aux desseins collectifs. La laïcité est le chemin d’avenir pour concilier la liberté de chacun avec la vie commune. La République démocratique est vaine quand elle n’est qu’un grand récit. Elle prend tout son sens quand elle passe aux actes dans un projet nourri de générosité, d’hospitalité et d’utopie.

À chacune et chacun d’y contribuer. Aux actes citoyens !

Éric Favey

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