Billet de blog 22 décembre 2010

Charles Conte (avatar)

Charles Conte

Chargé de mission à la Ligue de l'enseignement

Abonné·e de Mediapart

Sur le projet de Maison de l'histoire de France

Pas d’instrumentalisation de l’histoire, pas de mépris des professionnels !Le projet de Maison de l’histoire de France est inquiétant sur trois points centraux, méritant d’être clarifiés et qui montrent combien ce dossier a été mené sans connaissance véritable du terrain et sans concertation.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pas d’instrumentalisation de l’histoire, pas de mépris des professionnels !

Le projet de Maison de l’histoire de France est inquiétant sur trois points centraux, méritant d’être clarifiés et qui montrent combien ce dossier a été mené sans connaissance véritable du terrain et sans concertation.


- Sur le concept historique : allons-nous refaire le Musée à toutes les gloires de la France de Louis-Philippe au château de Versailles assorti

de nouvelles technologies ? Cela n’est ni l’état de la science historique aujourd’hui, ni le reflet de ce qu’est notre pays dont le territoire excède le continent européen et à l’histoire coloniale forte, ni la nécessité de repères pour nos classes scolaires. Il faut clarifier en affirmant la nécessité de prendre des histoires-territoires dans la longue durée (de la préhistoire à nos jours), toujours ouvertes (du local au mondial, en passant bien sûr par la dimension nationale et continentale), et se souciant de compréhensions multiples (dans le désordre et sans aucune exhaustivité : histoire des conflits, histoire des échanges, histoire économique, histoire des femmes, histoire des images, histoire sociale, histoire culturelle, histoire dynastique…).. Une maison d’histoire se conçoit enfin vers des publics très variés, ce qui induit des niveaux divers de discours et de scénographies : elle pense un travail spectaculaire et populaire pour attirer les familles (tout en étant scientifiquement indiscutable), mais aussi des préparations en amont avec tout le réseau pédagogique. Elle parle aux touristes et produit, via Internet, pour au-delà de nos frontières.

- Sur la participation des scientifiques : pourquoi ce lieu serait-il seulement la maison de quelques spécialistes renommés, excluant d’autres tout aussi respectables ? Une Maison d’histoire doit être ouverte et réactive. Elle doit abriter de plein droit toutes les institutions produisant de la recherche historique. Elle doit permettre de constituer autant de conseils scientifiques ad hoc que d’opérations, associant des personnalités mais aussi offrant des débouchés pour les jeunes chercheurs. Elle doit pouvoir s’ouvrir à toutes les disciplines qui servent au travail historique, de l’économie à l’héraldique, de l’histoire de l’art à l’ethnologie… Elle doit aider aux échanges et à la production nationale et internationale.


- Sur le pilotage scientifique et culturel : quelle raison y a-t-il pour une mise à l’écart des scientifiques du patrimoine, de tous les patrimoines ? Voilà un aspect très choquant passé sous silence. Outre le peu de concertation avec les archivistes (ou d’ailleurs les bibliothécaires), les conservateurs de musées ont été tenus en dehors de ce travail. Il faut pourtant des spécialistes de patrimoines variés pour faire vivre une Maison d’histoire. Dès le premier congrès en 1992 de l’Association internationale des musées d’histoire, l’aspect totalement polymorphe des collections dans ce type d’institution fut d’ailleurs souligné. Et puis, sans conservatisme ou corporatisme mais avec logique, pourquoi les conservateurs --dont c’est le métier et qui ont longuement réfléchi à ces problématiques-- seraient incapables de mener un tel travail ? Le Deutsches Historisches Museum de Berlin, cité en exemple, a été conçu dans l’indépendance par deux anciens directeurs du Musée de la ville de Munich. Le Museum of Modern Art MoMA à New York ou le Victoria & Albert Museum à Londres sont dirigés par des professionnels de musées. La France aurait-elle les pires professionnels au monde ? Ils se connaissent pourtant de longue date, ce qui facilite les échanges nécessaires. Ils ont établi des réseaux avec toutes les institutions en France et à l’étranger. Ils ont fait leurs preuves sur des opérations concrètes. Ils sont des garants d’indépendance.

Si un jour une institution comme la Maison d’histoire doit voir le jour dans le contexte budgétaire difficile actuel, nous demandons des clarifications publiques nettes sur ces trois points fondamentaux.

Les soutiens sont à envoyer à Laurent Gervereau : gervereaul@gmail.com
Laurent Gervereau est Président du Réseau des musées de l’Europe et a créé l’Association internationale des musées d’histoire

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