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Billet de blog 23 septembre 2011

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50 ans de Percussions sidérantes

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Anticipant de quelques mois l'événement, le Festival Musica de Strasbourg célèbre, en guise d'ouverture des festivités ce jeudi 22 septembre, le cinquantenaire d'un des plus emblématiques fleurons musicaux français, véritable héros/hérault de la capitale alsacienne : les Percussions de Strasbourg. Deux siècles après la naissance du Quatuor à cordes, et à l'instar de cette formation aujourd'hui incontournable, cet ensemble unique dans l'histoire de la musique a contribué depuis sa création en 1962 et contribue encore à la création d'un pan entier de la musique. Pour souffler ses bougies en beauté, et souffler le public avec, les six musiciens des Percussions de Strasbourg proposent une œuvre emblématique de leur répertoire : Le noir de l'étoile, pour six percussions et bande, de Gérard Grisey. Une œuvre que, comme tant d'autres, ils ont inspirée autant que créée.

Avec Le noir de l'étoile, Gérard Grisey et les Percussions de Strasbourg nous invitent dans leur planétarium musical pour une fascinante odyssée de l'espace. L'œuvre se construit autour du bruissement des pulsars, ces astres énigmatiques issus de l'explosion de supernovae. À la manière d'un grand phare perdu dans l'immensité de l'univers, les pulsars émettent un rayonnement électromagnétique d'une régularité singulière due à leur masse énorme et à une vitesse de rotation hallucinante. Le rayonnement magnétique n'étant rien d'autre qu'une onde, Grisey eut l'idée de transcrire, sans manipulation aucune, deux de ces rythmes sidéraux en une onde sonore qui sous-tend la structure et l'esprit de la pièce. Il donne à cette séquence perpétuelle et perpétuée le rôle d'une basse obstinée - sans que celle-ci soit toujours audible : les premières vingt minutes ne sont qu'« une attente de l'objet céleste ». Réparti tout autour du public, les six percussionnistes prennent place autour de cette basse qui révèle bientôt l'espace sonore à lui-même. Les sons des peaux et des métaux, à la fois bruts, primordiaux et d'une subtilité admirable, investissent et déforment le rythme du pulsar jusque dans ses moindres irrégularités internes et décrivent à leur tour un espace-temps, mis en rythme et en musique.

L'œil/oreille se déplace à travers la voûte sonore, cherchant dans le ciel de nouvelles lumières, de nouveaux amas colorés. Il se plait à contempler, se laisse surprendre par la multitude et la diversité des astres sonores constellant l'univers. C'est un moment de recueillement magique analogue à la contemplation émerveillée de notre ciel véritable. Le magnétisme puissant des Percussions de Strasbourg nous saisit en même temps que nous fascine la permanence, la rémanence et le renouvellement imperturbable de ce rythme qui a traversé des milliers d'années lumières pour nous parvenir.

Malgré une mise en lumière kitschissime à souhait, et une acoustique - celle du Aula du Palais Universitaire de Strasbourg - peut-être un brin trop généreuse, le Noir de l'étoile prend au tripes : c'est tellurique, viscéral, sidéral. Le son tourne tout autour de nous, nous embrasse, nous enveloppe, entre en nous irrémédiablement. Et le sentiment est prégnant d'être parmi les étoiles et les poussières de son d'étoiles dont les résonances puissantes s'éteignent en vibrant d'un bout à l'autre de la salle. C'est une musique originelle aussi bien qu'intemporelle, et, en même temps, d'une intelligence et d'une sensibilité extrême - quand le moment vient de ne plus écouter que les pulsars, mais de tendre l'oreille vers le rayonnement du soleil, la délicate dentelle sonore n'en finit pas d'émerveiller. Jusqu'au retour impérieux du rythme premier, rafale assourdissante qui nous laisse sans voix face à l'immensité. Immensité de l'espace et immensité du génie de Grisey.

L'aventure des Percussions de Strasbourg n'est pas finie, loin de là, et ceux-ci, tout en poursuivant leur vocation auprès des compositeurs, abordent à présent d'autres espaces de création - des espaces plus pluridisciplinaires. C'est ce que nous apprend le documentaire d'Eric Darmon, réalisé pour Arte à l'occasion du cinquantenaire et que l'on a pu découvrir, en avant-première et première partie de soirée...

> Aula du Palais Universitaire de Strasbourg, 22 septembre 2011

> Lien vers la captation du concert par Arte Live Web : (pas encore en ligne ! à venir...)

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