Aujourd’hui l’un des plus prestigieux rendez-vous festivaliers de l’été, le Festival de la Chaise-Dieu a ouvert sa 46ème édition mercredi dernier. L’occasion de réentendre quelques œuvres sacrées qui se font trop rares, comme l’oratorio Theodora de Georg Friedrich Haendel.
Le Festival de la Chaise-Dieu, c’est d’abord la rencontre d’un artiste, György Cziffra, et d’un lieu, la magnifique Abbatiale Saint-Robert, bijou à mi chemin entre roman tardif et gothique. Lorsque Cziffra le visite pour la première fois, l’édifice est en ruine — ou presque. Séduit, il donne un premier concert, en 1966, et reverse son cachet pour aider à la restauration du site — la restauration se poursuit d’ailleurs encore aujourd’hui, la Chapelle des Pénitents Blancs a ainsi retrouvé son état originel l’an dernier. D’une année sur l’autre, Cziffra revient, et, d’un simple concert, l’événement se fait peut à peu rendez-vous annuel, puis festival.
Il ne connaît son véritable essor que dans les années 70, et surtout au début des années 80, lorsqu’il devient une sorte d’université d’été du renouveau baroque. On peut y entendre Malgoire, Herreweghe, Christie… Avec une dominante de la musique sacrée française, l’exploration du répertoire est l’occasion de rendre tout son lustre à cette musique qu’on ne cesse alors de redécouvrir.
En ce samedi 25 août, c’est encore le baroque sacré qui est à l’honneur, avec l’oratorio Theodora de Haendel, interprété par Christoph Spering, à la tête de Das neue Orchester et Chorus Musicus Köln, deux ensembles qu’il a fondés outre-rhin il y a une vingtaine d’années, et qui font aujourd’hui référence dans le petit monde de la musique ancienne.
Theodora fait figure d’exception dans le long catalogue de Haendel : cet oratorio est l’un des rares oratorios, et le seul que lui-même ait écrit, qui retrace, non un épisode de l’Ancien Testament, mais les épreuves de martyrs chrétiens. C’est aussi une partition moins brillante, et plus intimiste que ce à quoi nous sommes habitués de sa part.
Un intimisme qui laisse parfois ses interprètes interdits quant à la conduite à tenir. Christoph Spering, lui, semble, du moins dans le premier acte, un peu désarmé face à cette subtilité de l’émotion. Et, après une ouverture assez molle, c’est une première partie de concert bien poussive à laquelle on assiste. Le chef ne tient pas ses musiciens, ceux-ci sont donc de fait extrêmement brouillons. Seuls rayons de soleil : le chœur, d’une part, d’une justesse et d’une homogénéité remarquable, et le premier air de Theodora elle-même, incarnée par la soprano Anna Palamina. Doté d’un joli brin de voix, maîtrisant à merveille son vibrato, virevoltante de délicates articulations, et profitant avec un plaisir non dissimulé de la résonance de la voûte, Anna Palamina est lumineuse : ce chant d’adieu au monde n’est par sa voix ni complaisant, ni pitoyable, mais d’une grande délicatesse, et comme rayonnant d’acceptation. Et si l’on peut regretter quelques menues insuffisantes techniques et une diction anglaise parfois approximative, cette jeune soprano fait montre d’admirables promesses.
Si l’ennui a pu s’installer dans le premier acte, le second, en revanche, voit les musiciens et chanteurs reprendre du poil de la bête. Finies, les approximations, finie, la justesse douteuse, les deux derniers actes correspondent bien plus à la réputation de Christoph Spering et de ses musiciens. Outre Anna Palamina, on retiendra la performance toujours exemplaire du chœur, dont les accents dynamiques et les phrasés sont époustouflants, et l’Irène de Franziska Gottwald. Dotée d’une voix profonde et onctueuse, cette mezzo-soprano force l’admiration par la tendresse de ses phrasés et la perfection de sa projection. À ses côtés, le reste de la distribution s’épanouit : le contre-ténor Alex Potter, le baryton-basse (et très plaisant méchant de l’histoire) Daniel Rashinsky, le ténor Andreas Karasiak.
Preuve qu’on était en droit d’attendre mieux de ce concert…
> Abbatiale Saint-Robert, 25 août 2012