Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

Abonné·e de Mediapart

Billet publié dans

Édition

Coup de tête

Suivi par 65 abonnés

Billet de blog 15 mai 2008

Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

Pauvre Justo !

Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Just Fontaine, alias Justo, incarne une partie de la légende du football français. Il était l'avant-centre titulaire de l'équipe de France de football qui s'est classée 3ème lors de la coupe du monde en Suède, en 1958. Bien servi par les artistes qu'étaient Raymond Kopa et Roger Piantoni, il était un buteur redoutable et redouté. Et lors de cette phase finale il devint le meilleur buteur du tournoi avec 13 buts, record qui, à ce jour, n'a toujours pas été battu, et qui, incidemment, vu le caractère de plus en plus hermétique du football moderne, n'est pas à la veille de l'être. Il semblait donc normal et légitime de rendre hommage au joueur généreux, efficace et brillant qui a fait rêver tous ceux qui sont passionnés par le football et qui étaient des gamins en culotte courte devant leur poste de télévision en noir et blanc, en ce début d'été 1958.

C'est ce qu'ont fait Canal Plus et l'UNFP, Union Nationale des Footballeurs Professionnels, co-organisateurs de la soirée des Trophées UNFP le dimanche 11 mai en direct de l'Espace Cardin et en clair sur cette même chaîne, soirée au cours de laquelle sont récompensés les meilleurs entraîneurs et joueurs à chaque poste. Fort louable initiative, hélas brisée par la sinistre logique commerciale qui, en l'occurrence, a frisé la grossièreté. En effet lorsque Just Fontaine monta sur scène, il commença poliment par remercier l'assistance pour l'attribution de ce trophée récompensant sa carrière, puis, en bon camarade, tint à rendre hommage à ses ex-coéquipiers membres de l'aventure de 1958 et disparus depuis. Il fut interrompu, au moment où il débutait le quatrième hommage, par Hervé Mathoux, d'ordinaire plus inspiré et plus drôle, mais sans doute sous la pression de sa hiérarchie. Suivit alors une salve de spots publicitaires. Puis la ronde des sportives starlettes d'un soir, accompagnées par des ex-gloires récentes du football qui ressemblent à des robocops dans leurs costumes serrés, reprit de plus belle pour continuer les remises de trophées chronométrées.

Et de notre ami Justo, plus rien. Quelle tristesse ! Quel dommage ! Au moment où il a été interrompu, Just Fontaine s'apprêtait à évoquer la mémoire de Claude Abbes, gardien de l'équipe de Saint-Etienne, championne de France pour la première fois en 1957 et de l'équipe de France pendant l'épopée suédoise. Mille fois dommage en effet. Claude Abbes, viticulteur de son état, avant de devenir footballeur professionnel, était l'antithèse exacte du stéréotype actuel, en d'autres termes pas le genre à investir dans de gros 4x4 ultra polluants ou à prendre pension dans les boîtes de nuit à la mode. Non, Claude Abbes n'avait pas de gants et portait un pull qui ressemblait furieusement, vu depuis les tribunes, à celui d'un moniteur de ski, mais il était élégant, efficace et aimait tout simplement le jeu. Il consacra ses gains à sa famille et décida, parallèlement au football, de reprendre des études, par le biais de ce que l'on appelait, à l'époque, les cours du soir. A la fin de sa carrière footballistique il devint ingénieur et commença un autre parcours long, respecté et fructueux à Marcoule, tout en continuant à tailler sa vigne du côté de Bédarrieux. C'était un footballeur exemplaire et un brave homme. Voilà tout ce qu'aurait pu dire Justo et c'eût été autrement plus intéressant que les déclarations soit ampoulées soit "novlangue" de tous ceux qui ont continué l'antenne à toute allure.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.