Le championnat d'Europe des nations va commencer le 9 juin, en Suisse et en Autriche, les deux pays co-organisateurs, et prolonger la saison de football, qui vient de s'achever pour tous les clubs dans leurs championnats respectifs. Les amateurs de football vont être rivés à leur poste de télévision, fragilisant ainsi la bonne entente conjugale, sans être assurés d'avoir un véritable spectacle digne de ce nom. Outre les problèmes externes, au rang desquels figurent à la fois le comportement des supporters et le nationalisme exacerbé, il y a aussi les problèmes internes que sont notamment les fautes d'arbitrage récurrentes, en raison d'une pression excessive sur les malheureux arbitres, et le jeu souvent hermétique.
Et puis il y a, depuis des lustres désormais, la sinistre épreuve des penalties, lorsque le jeu a été tellement fermé pendant le temps règlementaire, puis au cours des prolongations, que la dernière issue à laquelle les autorités européennes et mondiales du football ont pensé pour départager les finalistes n'est autre que cette espèce d'absurde séance qui relève plus du jeu de quilles ou du tir aux pigeons d'argile que du football. Comment ne pas constater et déplorer cette évolution qui vise essentiellement à préserver les recettes financières des rencontres de haut niveau qui drainent sponsors et publicités ? Autrefois, dans des temps qui ne sont pas totalement immémoriaux, les finales se rejouaient, quelques jours plus tard, et les spectateurs étaient invités à garder leurs billets et pouvaient, ainsi, assister gratuitement à la finale rejouée, qui demeurait une fête populaire. Il n'y avait donc pas de deuxième recette, pas de droits de retransmission télévisée.
Seuls comptaient l'amour du jeu et l'éthique sportive, et le vainqueur était désigné, à la régulière, dans les règles de l'art. Aujourd'hui, il faut aller vite, toujours plus vite, nul ne sait pourquoi, il faut qu'il y ait un vainqueur, un vaincu sur-le-champ, peu importe s'il faut faire cela au 421 ou à la roulette russe. Seule compte la rentabilité. Or ce choix est ennuyeux, peu sportif, peu glorieux et terriblement dissuasif pour le spectateur et le téléspectateur. Tout le monde a en en mémoire la récente finale de la Champions' League, à l'issue de laquelle Manchester United a fini par battre Chelsea, aux penalties, après prolongations, non pas sur une action de jeu, mais à la suite d'une glissade, comme celle de John Terry, qui a donc manqué son tir au but. On se souvient qu'en 2005, la finale entre Liverpool et le Milan A.C., bien que passionnante pendant le temps règlementaire, s'était terminée aussi par une série de penalties, comme le rappelle cette vidéo.
En 1982, déjà, le jeune PSG avait battu l'AS Saint-Etienne aux tirs au but, en finale de la coupe de France de football. On pourra apprécier, sur cette vidéo-là, la mode vestimentaire un peu différente et le temps qui passe, alors que le commentateur de l'époque,Thierry Roland, lui, ne passe pas, décidément pas. Saint-Etienne avait dominé cette finale, mais c'est le hasard qui, une fois encore, a décidé du nom du vainqueur.Les farouches partisans de cette épreuve absurde pourront toujours rétorquer que rejouer un match n'est pas nécessairement une garantie de solution équitable.
En effet, en 1967, Lyon a gagné la finale de la coupe de France. Mais ce que l'on a peut-être oublié, c'est qu'en demi-finale l'OL a été opposé trois fois à Angoulême : le premier match se termina par un 2-2 après prolongations, le deuxième également 2-2 après prolongations et le troisième encore 2-2 après prolongations. Le vainqueur fut désigné, dans les vestiaires, par l'intermédiaire d'un "pile ou face" que l'arbitre organisa entre les deux capitaines Di Nallo, pour Lyon, et Goujon, pour Angoulême, terme tout aussi absurde et incertain que les tirs aux buts. C'est le seul exemple en 41 ans. Peut-être serait-il temps de revenir à cette solution à moins que les instances du football ne trouvent des solutions plus ludiques pour désigner le vainqueur, comme, par exemple, une partie de "ballon-prisonnier" dans la surface de réparation. Un dernier facteur est à prendre en considération. Il s'agit du temps : un match d'une heure et demie auquel s'ajoutent les prolongations et les tirs aux buts, c'est un total qui peut atteindre trois heures, ce qui signifie que la patience et le spectacle sont anéantis.