G. Brisac, pour l'autobiographie directe.
Geneviève Brisac est romancière, auteure de plusieurs livres remarqués, dont Week-end de chasse à la mère , prix Fémina en 1996 ; auteure aussi d’essais littéraires, autour des figures de Virginia Woolf, Grace Paley ou Flannery O’Connor, pas n’importe quels écrivains femmes, pas n’importe quelles femmes littéraires. Il y a, dans Une année avec mon père , livre qui n’est pas un roman, texte d’autobiographie directe plutôt, des pages prégnantes sur les livres, les lettres, les écrivains, la relation entre l’écriture et la ville, Paris, trois pages terribles aussi sur la manière dont les écrivains parfois, souvent, sont des vivants hors sol, pages sur Michel Butor, ami le plus proche pensait-on de la mère de Geneviève Brisac. Les écrivains sont enfermés dans des vies d’écrivains, à Paris, parlent de tout, du monde entier, mais vivent en dehors du monde. Il y a du schizophrène dans tout écrivain, nous le savons bien. Sujet secondaire, lointain, de ce livre.En 2007, les parents de Geneviève Brisac ont un accident de voiture. Ils sont âgés. Hélène meurt, le père survit, de peu, malgré les pronostics pessimistes d’un médecin imbécile comme on en croise parfois, dans des hôpitaux laissés à l’abandon par l’ultra libéralisme inconscient contemporain, poussant aides soignantes et infirmières à l’aigreur, les patients et leurs familles à la colère rentrée. Belles pages de colère à ce propos. Vivant, le père, alors il faut apprendre à vivre, recommencer à vivre avec lui, reprendre la vie avec son père, auprès de son père plutôt, loin de l’enfance, se revoir, se rencontrer, s’écouter, s’aimer avec cette petite pointe de déception provenant des éloignements du temps passé. Cela a duré un an, une année au cours de laquelle Geneviève Brisac a écrit un journal, puis l’a perdu ; a écrit ce livre, ensuite. Ce sont des promenades, la beauté de Paris et de ses bus, la difficulté des conversations ; ce sont les thés, les petites colères, les énervements pour rien, les angoisses du père, pour ses papiers, des handicaps, ce que l’on veut masquer derrière l’élégance, la vieillesse, la solitude, la distance. Ce livre est livre sur la vie entre deux êtres, c’est aussi et surtout un texte surprenant, au style en apparence direct et simple, ce qu’il est, mais une simplicité qui est celle de la poésie du quotidien. Oui, Une année avec mon père , plongée dans le quotidien de cette année, est un texte d’une profonde poésie du quotidien, très loin de la vie prosaïque au sujet de laquelle Edgar Morin, autrefois, nous alarma à juste titre. Geneviève Brisac a répondu aux tristesses de la prose. Geneviève Brisac, Une année avec mon père, éditions de L’Olivier, 2010, 180 pages.Matthieu Baumier