Dans des négociations sur le climat difficiles, la France est co-responsable d'un manque de confiance criant entre les pays développés et les pays en développement. Alors qu'elle prétend fournir 420 millions d'euros "nouveaux" par an, il est probable qu'en réalité il n'y ait pas un seul centime de plus à destination des pays en développement.
L'accord de Copenhague de décembre dernier prévoit que les pays développés apporteront rapidement, entre 2010 et 2012, 30 milliards de dollars « nouveaux et additionnels » aux pays en développement au titre d'une aide rapide pour lutter contre les changements climatiques (financements dits fast start).
Le problème est que l'expression « nouveaux et additionnels », bien que présente dans la Convention sur le climat depuis 1992, n'a pas de définition internationale. Chaque pays donateur se sent donc libre d'adopter celle qu'il désire...
Dans son acception commune, la notion de nouveauté signifie que l'effort pour le climat est augmenté par rapport à ce qui a été fait les années précédentes. La notion d'additionalité doit permettre quant à elle de garantir que les fonds pour le climat ne sont pas détournés d'autres budgets, par exemple de celui de l'Aide Publique au Développement (APD).
Dans le cas de la France, il n'existe pas de définition officielle écrite. Le World Ressource Institute qui fait une analyse internationale en s'appuyant notamment sur les informations gouvernementales n'est pas en mesure de donner la position française. Sur le site de l'initiative des Pays-Bas en faveur de plus de transparence pour les financements précoces, les informations sont extrêmement parcellaires (celles-ci sont également fournies par le gouvernement).
Il existe en revanche une définition officieuse (ou semi-officielle) : elle est rapportée par le Réseau Action Climat et m'a été confirmée à demi-mots par les membres de la délégation française présent à Tianjin. La France considère comme additionnel tout financement d'un nouveau projet relatif au climat. Voilà le pot-au-rose.
Avec une telle définition, le gouvernement fait l'amalgame complet entre additionnalité et nouveauté. Il n'apporte aucune garantie par rapport aux efforts d'Aide Publique au Développement ou par rapport aux financements passés. Sans ligne de comparaison, l'APD peut être transférée vers le climat sans problème ou les financements rester constants (il suffit qu'un nouveau projet vienne remplacer un ancien). Au final, le budget d'aide international peut être le même (voire diminuer), la France estime respecter son engagement de financements précoces « additionnels », simplement parce qu'elle aura labellisé suffisamment de projets comme faisant partie du fast start.
Bercy se réfugie derrière le fait qu'il n'existe pas de définition, ni internationale, ni française : on ne peut donc pas prouver que la France ne respecte pas son engagement. Chacun jugera de l'argument.
Quoi qu'il en soit, les financements rapides étaient conçus notamment pour permettre la reconstruction d'une confiance internationale entre pays développés et pays en développement. Dans ces conditions, on comprendra que la confiance n'est pas revenue : des négociateurs de pays africains m'ont fait part de leur profond sentiment de se faire avoir, une fois de plus.
Il y aura bien la publication d'un rapport en novembre à l'échelle de l'Union Européenne et la France doit quant à elle produire une réponse aux questions des ONG. Quand bien même on peut encore croire en une agréable surprise (le gouvernement prouvant alors le caractère réellement additionnel des financements), l'information arrivera trop tard. L'Etat français aurait dû vouloir reconstruire la confiance dès les premières réunions qui se sont tenues à Bonn en juin dernier. Il fallait pour cela s'en donner les moyens : faire un effort budgétaire réel et être totalement transparent.
En conclusion, alors que la position française sur les financements de long terme est intéressante (voir cet article), le gouvernement français à fait le choix -comme les gouvernements de la plupart d'autres pays-, de ne pas respecter pleinement ses engagements. Si par miracle il apporte la preuve contraire dans les semaine à venir, l'information sera probablement arrivée trop tard et de précieux mois auront été perdus.
C'est vraiment dommage, car le respect de ses engagements par le gouvernement ne lui aurait coûté qu'une définition claire, quelques données publiées sur un site internet et deux tiers du bouclier fiscal. Il a fait un choix ; et ce n'est certainement pas en faveur du climat.
Pour des informations plus détaillées, lire l'article complet sur le site d'Adopt A Negotiator
Thomas Matagne est le « tracker France » pour Adopte A Negotiator, il suit actuellement des discussions internationales à Tianjin. Il est étudiant en dernière année de master Sciences et Politiques de l'Environnement (Sciences Po- UPMC)