Billet de blog 19 novembre 2009

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Plan justice-climat : premiers éléments d'analyse

Mediapart vient de rendre public le texte du plan "A project for the world" (16 pages à télécharger), également appelé "plan justice-climat" dans les médias, que Jean-Louis Borloo promeut partout dans le monde afin d'esquisser une solution aux négociations mal engagées.

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Mediapart vient de rendre public le texte du plan "A project for the world" (16 pages à télécharger), également appelé "plan justice-climat" dans les médias, que Jean-Louis Borloo promeut partout dans le monde afin d'esquisser une solution aux négociations mal engagées. Premiers éléments d'analyse.

Jean-Louis Borloo, photo Sipa

Les points positifs

  • Le plan fait la distinction entre quatre types de pays : le pays industrialisés, les pays les moins avancés (deux catégories déjà présentes dans les négo), les pays en développement peu émetteurs et les pays émergents.

Ces deux dernières catégories permettent de distinguer les pays dont les émissions par tête sont faibles et inférieure au seuil de 2 tCO2/an/personne (par exemple l'Inde) de ceux dont les émissions sont supérieures à ce seuil (par exemple la Chine).

Cette nouvelle distinction pourrait permettre d'ajuster le schéma global afin qu'il soit plus équitable (le traitement de la Chine et de l'Inde doit être différencié). Mais encore faut-il qu'elle soit acceptée dans les négociations, ce qui est loin d'être fait.

  • Une organisation mondiale de l'environnement (OME) : le retour de cette idée, portée par Chirac puis reprise par Sarkozy, est sûrement une bonne chose. Une OME serait un moyen d'organiser de manière cohérente la gouvernance mondiale de l'environnement, bien commun de l'humanité. Elle pourrait permettre de réguler les politiques de l'OMC au regard de critères environnementaux.

Cependant, on voit assez mal pourquoi inclure cette idée dans le cadre des négociations sur le climat. En effet, les discussions actuelles s'effectuent dans le cadre de mandats très précis, définis notamment par la Convention des Nations unies contre les changements climatiques et les décisions de la Conférence des Parties. Il semble impossible d'inscrire dans un texte la mise en place d'un "comité" qui se transformera en OME d'ici 2010 ! Cette formulation sent la naïveté apparente...

Pour établir une OME, il faudra de nouvelles discussions, spécialement dédiées. Et d'ici là, il faudra qu'un régime de gouvernance viable et acceptable soit établi à Copenhague afin de garantir l'effectivité des engagements relatifs au climat. De cela, le plan ne dit rien ;or les discussions actuelles sur l'organisation institutionnelle sont très loin d'être abouties.

  • Plan pour l'énergie en Afrique qui ferait du continent noir le premier continent 100% énergies renouvelables avec un taux d'accès à 100% : voila un objectif politique qui fait plaisir !

Les points négatifs

  • D'après le GIEC, afin de respecter le scénario "2°C max", les émissions mondiales doivent atteindre leur maximum (pic) en 2015, pas en 2020 comme affirmé par le plan.

  • Les objectifs assignés pour les pays industrialisés sont impossibles pour 2020 : on demande au Canada de faire du -25% par rapport à 1990 alors qu'il est aujourd'hui à +50% ! Idem pour l'Australie et la Nouvelle-Zélande (même si l'écart est moins grand).

En revanche, pour l'Union Européenne, le plan demande du -30% (ce qu'a prévu le plan énergie-climat... pas de remise en question des engagements de l'UE) alors qu'on est déjà à -6%. Donc, les objectifs chiffrés pour l'atténuation des pays développés sont partiellement irréalistes et minimisent la responsabilité de l'action de l'UE. Il faudrait demander un peu moins aux pays qui ont dérapé à court terme pour leur laisser le temps de revevenir (en fixant un objectif à 2030 par exemple) et accentuer l'effort de l'UE pour compenser ce retard.

  • L'inclusion des USA pose toujours problème. Le chiffre suggéré par le plan, -15 à -25% en 2020 par rapport à 1990, sera également difficile à atteindre, alors même qu'il conditionnera de beaucoup le résultat des réductions agrégées des pays développés. D'ailleurs, le plan ne fait pas d'estimation agrégée des efforts demandés, seul chiffre qui pourrait pourtant donner un repère par rapport à la fourchette du GIEC -25 à -40%.

  • Sur le financement, au mieux le plan n'est pas très clair, au pire fait preuve de cynisme. Il annonce en effet les besoins à 100 mds d'€ par an d'ici 2020, soit 150 mds de $ (chiffre qui correspondent à l'estimation des besoins réalisée par la Comission européenne). Pourtant, le plan "justice-climat", consacré aux pays les moins avancés, avant le chiffre de 410 mds de $ sur 20 ans, soit 20 mds de $, soit encore seulement 13% des besoins totaux de financements annuels estimés.

Si on ajoute les financements pour les pays en développement faiblement émetteurs, le plan estime les besoins à 490 mds $ sur 20 ans, soit annuellement 16% des besoins de financements totaux estimés. Autrement dit, 84% des besoins de financements seraient pour les pays industrialisés et les pays émergents ? En fait, pas exactement : dans ces 84%, il y a aussi les investissements privés, qui peuvent intervenir partout, y compris dans les PMA et PED.

Et il y a certes un point positif majeur : les 490 mds de $ pour les PMA et pays en développement sont issus des "finances publiques", tandis que les financements restants proviendront des finances publiques des pays et des investissements privés.

Mais quoi qu'il en soit, avec 20 mds de $ par an, on est très, très loin des demandes des PMA, G77, groupe Afrique... qui sont comprises entre 0,25% et 2% du PIB des pays industrialisés (annexe I) soit 100 à 800 mds de $ par an (en finances publiques).

  • Concernant les solutions pour mobiliser les financements, celles proposées dans le plan sont déjà sur la table des négociations depuis longtemps : taxation sur les transactions financières, proposition suisse d'une taxe sur les émissions par tête au delà d'un seuil, taxation des transports maritimes internationaux... Il n'y a absolument rien de nouveau sous le soleil, et le plan en oublie même certaines options (taxe sur les transports aériens). Le plan n'est pas précis sur le montage financier : cela peut se comprendre afin de laisser des marges de manoeuvres lors des discussions, mais cela est regrettable car ne permet pas d'avoir une solution "clé en main" qui pourrait être ensuite amendée.

En somme, après une première lecture, le plan français est moins bien ficelé qu'on pouvait l'espérer. Il apporte certes des éléments innovants et surtout une vision politique plutôt cohérente, mais il reste assez flou malgré tout et n'est probablement pas de nature à changer le cours des choses.

Plus d'infos sur les négociations sur le climat ici.

Points négatifs-d'après le GIEC, les émissions mondiales doivent atteindre leur maximum en 2015, pas en2020 comme affirmé par le plan.-les objectifs assignés pour les pays industrialisés sont impossibles pour 2020 : ondemande au Canada de faire du -25% alors qu'il est aujourd'hui à +50% ! Ca paraîtimpossible. Idem pour l'Australie et la Nouvelle-Zélande (mm si l'écart est moins grand).En revanche, pour l'UE on demande du -30% alors qu'on est déjà à -6%.Conclusion : les objectifs chiffrés pour l'atténuation des pays développés sontpartiellement irréalistes et minimisent l'action de l'UE. Il faut demander moins aux paysqui ont dérapé à court terme pour leur laisser le tmps de revevenir et faire plus dansl'UE pour compenser ce retard.

-l'inclusion des USA pose tjs problème-sur le financement : je comprends rien à leur chiffrage. Les 410 md$ sur 20 ans sont-ilssupplémentaires de 100 md? par an comme il semble être indiqué en bas p13 ? Auquel cas,d'accord. Sinon 410md$, ca fait 20 md par an, ce qui est ridicule.-les solutions de financement proposées sont déjà sur la table des négo depuis longtemps.Rien de nouveau sous le soleil, le plan en oublie même certaines (taxe sur billetsd'avion). Le plan n'est pas précis sur le montage financier.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.