A l'occasion de la conférence de Copenhague, les pays développés se sont engagés à fournir des financements aux pays en développement rapidement. Alors que l'on reparle des Objectifs du Millénaire pour le Développement et du non respect des promesses des pays riches (notamment de la part de la France), le respect des engagements de Copenhague est une nécessité impérieuse pour pouvoir retrouver la confiance internationale qui pourrait faire avancer les négociations sur le climat, si mal engagées. Et la France est à la traine.
L'accord de Copenhague : un minimum très insuffisant mais qu'il ne faudrait pas en plus dévoyer !
L'accord de Copenhague de décembre dernier a été largement analysé comme un échec de la communauté internationale à établir un régime international de long terme qui permette de lutter contre les changements climatiques. L'une des raisons de cet échec était le manque de confiance entre les pays développés et le reste du monde.
Malgré de très insuffisants engagements de réduction des émissions et malgré les principales questions non résolues, quelques éléments positifs étaient apparus parmi lesquels une promesse de financements précoces (fast start en anglais) de 30 milliards de dollars entre 2010 et 2012. Cet argent doit être débloqué au plus vite, afin de soutenir l'adaptation et l'atténuation des émissions en priorité des plus pauvres et des plus fragiles (Pays les Moins Avancés et petits états insulaires).
La France a promis 1,26 milliards d'euros (environ 1,6 milliards de dollars) sur trois ans. Dans l'ensemble de l'Europe a promis 7,2 milliards d'euros soit environ un tiers des besoins mondiaux. Au niveau mondial, les promesses seraient de 27,9 milliards de dollars (soit encore 7% de budget manquant).
Mais voilà, ces promesses semblent pourries. Alors que l'accord de Copenhague prévoit que les financements constitueront des ressources « nouvelles et additionnelles », il s'avère que la plupart des pays d'Europe seraient en fait en train de travestir de l'argent pour l'aide au développement en nouvelles ressources pour le climat. Certes il n'existe pas de définition universellement acceptée de ce qu'est le caractère « nouveau ou additionnel » d'un financement... mais il ne fait pas beaucoup de doute que certains choix des pays développés sont incompatibles avec toute forme d'additionalité (la définition fût-elle incertaine).
Lors de la publication du rapport intermédiaire par l'UE sur la question en mai dernier, les grandes ONG du climat se sont alarmé de cet état de fait. Pour être plus précis, lors des discussions sur le budget national en 2010, l'Allemagne (engagée à hauteur de 420 millions d'euros par an sur trois ans) a décidé de « recycler »350 millions provenant de l'aide publique au développement, et d'ajouter seulement 70 millions d'euros en supplément... avant de faire disparaître purement et simplement les 70 millions additionnels en juin. D'une manière similaire, le gouvernement anglais a été direct : vive le recyclage (des finances)... quitte à se contredire (voir l'article du Guardian).
Or, Mme Figueres, nouvelle secrétaire exécutive de la Convention sur le climat, a déclaré que le respect des engagements de financement rapide est une « clé en or » (golden key) pour la suite des négociations (lors du « dialogue de Genève » sur le financement, 2 et 3 septembre. Auparavant, le groupe des grands pays émergents (BASIC : Brésil, Chine, Inde, Afrique du Sud) a clairement fait savoir que la réussite du fast start, en toute transparence et en toute honnêteté, était un élément de première importance pour eux (réunion sur l'équité le 26 juillet dernier).
Que les pays développés ne s'engagent pas suffisamment pour ce qui est de leur responsabilité (réduire les émissions futures) est un problème grave ; mais qu'ils promettent d'assumer leur responsabilité historique (au travers de l'aide financière) pour finalement se défiler serait immoral et catastrophique pour les négociations.
Mauvaise communication du gouvernement français ou belle entourloupe ?
Mais qu'en est-il de la France ? Les déclarations réalisées à l'échelle de l'Union Européenne sont relativement opaques ; la Commission et le Conseil ne s'embarrassent pas : ils renvoient vers les pays membres, seuls responsables de leurs dons, puisqu'ils choisissent librement le montant et la provenance des fonds ainsi que leur utilisation. Quelques éléments issus de l'UE, rapportés par le Climate Action Network, sont malgré tout inquiétants pour le cas de la France : le principe comptable choisi par le gouvernement est que « les activités actuelles sur les changements climatiques ne sont pas comptées dans le fast start, seules les nouvelles activités le sont »... ce qui est louable, mais ne dit absolument pas quelle est l'articulation avec l'aide publique au développement (APD). Ici, le gouvernement français semble entendre le terme « additionnel » par rapport à l'affectation des fonds, pas par rapport à leur quantité.
Un système officiel, général et pérenne de contrôle et de vérification des financements et de leur usage est un des chapitres âprement discutés dans les négociations (sous le terme MRV, Measurement, Reporting and Verification). En attendant, afin d'y voir un peu plus clair sur la scène internationale, quelques gouvernements (Pays-Bas, Costa-Rica, Colombie, Danemark, Allemagne, Indonésie, Iles Marshall, Mexique, Norvège, Royaume-Uni et Vietnam) soutenus par les Nations unies ont eu la bonne idée de lancer un site internet qui permet de comparer les actions des pays pour ce financement rapide. Sur ce site, lancé le 2 septembre dernier, sont regroupées des informations sur les donateurs et sur les bénéficiaires. Et là, surprise : le seul pays référencé sans confirmation des financements (uniquement des promesses) est... la France.
Sur un autre site de comparaison, réalisé par deux organismes non gouvernementaux allemands, même constat : aucune information répertoriée quant à l'action de la France. Enfin, idem sur le site du sérieux World Ressource Institute : relativement peu d'informations et surtout aucune garantie d'additionnalité n'a été trouvée par le centre de recherche.
Sur le site du Ministère de l'Environnement, la recherche « fast start » ne ramène que des déclarations offensives de M. Borloo en début d'année qui appelait alors à respecter les engagements du fast start, puis des déclarations liées au forum sur les bassins forestiers tenus à Paris fin mai. Depuis, pas grand chose. Qu'en est-il concrètement, globalement et dans le détail, du fast start pour la France ? Mystère.
Peut-être n'est ce qu'un manque de communication de la part du gouvernement ? Auquel cas il devrait y remédier rapidement en précisant l'origine des fonds mobilisés pour le fast start, leur quantité, leur orientation... et ce de manière très détaillée. On ne doute pas qu'il va le faire au plus vite, afin d'accroître la confiance internationale avant les négociations de Tianjin en octobre prochain. D'ailleurs, comme il souhaitera prouver sa bonne foi, le gouvernement fera parallèlement le détail les fonds de l'aide publique au développement pour l'année 2010 (et précédentes), afin de prouver le caractère additionnel des financements pour le climat. Et ainsi peser de tout son poids pour la reconstitution d'une confiance internationale dans les négociations sur l'avenir climatique du monde qui continuent prochainement (du 4 au 9 octobre à Tianjin)... et prouver son réel soutien au Objectifs du Millénaire pour le Développement par la même occasion.
En somme : MM Sarkozy et Borloo, passez-en caisse immédiatement (avec notre porte-feuille) et donnez-nous le ticket !
 
                 
             
            