La plupart des sujets traités par la chaine parlementaire LCP sont théoriquement ceux que cette édition d'Education populaire et civique se propose d'aborder.
La chaine présente un film du dimanche soir suivi d’un débat. Sur son site internet on peut lire : « Chaque semaine, Emilie Aubry projette sur Grand Ecran un film ou un documentaire et décrypte le message délivré en filigrane, en présence de son auteur et d’invités». Grand Ecran c'est le titre de l'émission. Vous avez bien lu Emilie Aubry décrypte avec ses invités le message délivré en filigrane par le film.
Cette semaine le film de 2010 « Illégal » co-production de la Belgique, de la France et du Luxembourg nous fait entrer dans un centre de rétention administrative ( CRA) belge. Il nous montre comment est arrêtée et internée une immigrée russe, Tania,mère d'un fils de 13 ans, entrée clandestinement en Belgique depuis 7 ans. Sachant qu'en tant que citoyenne russe elle ne peut obtenir le droit d'asile elle refuse de donner son identité et sa nationalité, elle est un simple numéro, puis harcelée par les employés du service d'immigration, elle emprunte l'identité d'une amie, elle même immigrée clandestine, issue d'un pays reconnu comme dictature, la Biélorussie, et pouvant prétendre au droit d'asile...Cette usurpation d'identité ne la sauvera pas car son amie biélorusse est officiellement entrée en Europe par la Pologne et c'est aux autorités de ce pays qu'il incombe d'accorder ou nom l'asile. Le transfert en Pologne signifie que son mensonge sera découvert...
Le film nous montre crûment les pressions subies pour obliger Tania à révéler son identité puis à prendre l'avion pour la Pologne. Il nous montre également l'angoisse de Tania quant au sort de son fils réfugié chez son amie avec qui elle réussit à garder le contact par téléphone. Enfin le film décrit la dure réalité de la vie en centre de rétention pour les femmes qui partagent la chambre de Tania ainsi que pour ses co-détenues, femmes, familles, enfants, hommes.
En clair le film dit qu'il existe des clandestins ne pouvant bénéficier du droit d'asile qui ont des raisons suffisamment fortes de ne pas revenir dans leur pays d'origine qui les conduisent à supporter les pires pressions de l'administration du pays qui « accueille ». Et en filigrane comme devrait dire Emilie Aubry le film pose la question des méthodes employées par les administrations européennes dans leurs centres de rétention.
A l'issue du film Emilie Aubry a réuni des invités politiques, Claude Goasguen, député UMP, François Pupponi, député PS et Rama Yade sur le thème « Quel asile pour quels réfugiés ? » Pour un sujet aussi « technique » aucun représentant des associations d'aide aux sans papiers ou intervenant dans les CRA comme la Cimade.
Quel asile ? Beau sujet, il fallait en effet en parler, faut-il ne réserver l'asile qu'aux ressortissants de pays reconnus comme politiquement incorrects ? La question ne fut même pas effleurée ni par l'animatrice ni par les invités. Goasguen a trouvé le film caricatural et ne reflétant en rien la situation des centres de rétention français. Yade et Pupponi, apparemment un peu gênés, n'osant pas entrer dans le registre cocorico et pan sur le bec belge, nous ont gratifiés d'une langue de bois compatissante et lénifiante. Et exit la réflexion sur les méthodes des administrations des pays se réclamant des droits de l'homme !
Quels réfugiés ? Alors là on fut au comble de l'indécence. Il fut d'entrée dit que le bon M. Pupponi allait accueillir des réfugiés chrétiens d'Irak en sa bonne ville de Sarcelles et M. Goasguen fut montré intervenant en faveur de ces même chrétiens à l'Assemblée Nationale. De bons enfants de c(h)oeur tous les deux ! Amen !
Bien sûr je ne vais pas contester la gravité de la situation des chrétiens d'Orient, mais je trouve scandaleux le procédé qui consiste à éluder la question des conditions d'internement dans les centres de rétention dans nos vertueux pays européens en la dissimulant derrière des sujets encore plus douloureux, certes, mais dont la faute incombe à d'autres...Comme on dit aux passages à niveau, le TGV des massacres de l'Etat Islamique peut cacher le petit TER des centres de rétentions français.
Et j'ai éteint le poste quand le bon M. Goasguen nous a suggéré que devant le nombre croissant de conflits et le nombre croissant de réfugiés il ne serait même plus question d'étudier les cas individuels mais de traiter le problème globalement! A l'en croire plus question de droit de l'homme, mais on traitera dorénavant, à la louche, du droit des minorités religieuses ou ethniques persécutées. Et que les réfugiés économiques remontent dans leurs frêles esquifs difficilement parvenues à Lampédusa ou Gibralta et fassent voile vers l'Afrique.