L'éternel retour. Le peuple français a envoyé au second tour de l'élection présidentielle un binôme identique à celui d'il y a cinq ans. Mais cette fois, le contexte a évolué en profondeur. De nombreux citoyens avaient choisi Macron en 2017 au nom du "front républicain" contre l'extrême droite et en accordant le bénéfice du doute à un jeune candidat aux allures de Kennedy. Depuis, le quinquennat du président Macron a laissé des cicatrices durables chez de nombreux électeurs.
Bilan globalement désastreux
Une politique violemment antisociale, un mépris des milieux populaires, la gestion plus que discutable de la crise sanitaire, la répression féroce des manifestations et une désinvolture funeste à l'égard des enjeux climatiques ont terni l'image d'Emmanuel Macron. Certaines mesures emblématiques de sa législature ont fracturé la société française et fragilisé de nombreuses personnes. Citons en vrac les Ordonnances Macron, la réforme de la SNCF, le décret sur la transformation de l'assurance chômage, la loi Asile et Immigration, les lois d'exception de la crise sanitaire ou encore la suppression de l'Impôt de Solidarité sur la Fortune. N'oublions pas le mépris dans lequel ont été traités les Kanaks lors du référendum de Nouvelle Calédonie ou le sort fait à des prisonniers politiques de longue durée comme Georges Ibrahim Abdallah et comme le détenu basque de Lannemezan atteint de la sclérose en plaques.
L'extrême droite n'est pas la solution
Dans les milieux populaires, comme au sein des classes moyennes, de nombreux citoyens sont tentés aujourd'hui de voter pour Marine Le Pen. Tentation funeste. Le programme de la candidate du Rassemblement national garde un socle xénophobe tout en restant économiquement libéral malgré quelques propositions sociales plus opportunistes que sincères. Elle reste l'héritière idéologique de la France du Maréchal Pétain et de l'OAS malgré tous ses efforts pour adoucir et "présidentialiser" son image. La haine de l'autre n'a jamais été une base sur laquelle construire un destin collectif et une cohésion républicaine.
Alors, que faire ?
Dimanche 24 avril, chaque citoyenne et chaque citoyen sera donc confronté à un cas de conscience délicat. Aucune solution n'est réellement satisfaisante. Pour ma part, et ceci n'engage que moi, j'irai voter par respect du suffrage universel. Je n'ignore pas les nombreux combats et les sacrifices qui ont été nécessaires à nos ancêtres pour conquérir ce précieux droit de vote. En revanche, je déposerai un bulletin blanc dans l'urne. Je considère les deux candidats encore en lice comme des personnalités toxiques, dans des registres différents. Et leurs programmes sont en contradiction avec mes valeurs et avec les combats sociaux auxquels j'ai participé depuis plusieurs décennies. Les législatives constituent un horizon porteur d'espoir. Leurs résultats pourraient contraindre le futur "monarque" élu à une cohabitation républicaine. Il appartient désormais à chacune et chacun d'entre vous de se prononcer, en conscience, dans le secret des urnes. Nul n'a le droit de vous imposer un choix qui doit rester le vôtre. Mais quel que soit le résultat du deuxième tour, il nous faudra continuer à agir et lutter, pour défendre les personnes les plus fragiles de notre société face à l'orgueil des puissants.
"L'innocence n'est pas écrasée au point de devoir s'agenouiller face à l'arrogance" (Verdi, Luisa Miller).
Jean-François Courtille