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Billet de blog 15 septembre 2022

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Art/écologie : Élixirs un projet de nouvelle génération en Pays du Val d’Adour

Participer à la transition écologique par la culture et l’art est le projet de la nouvelle manifestation Élixirs ART Ecologie en Val d’Adour. Dédié au fleuve Adour, Élixirs s’adresse à tous les publics avec une programmation à l’année d’expositions, d’événements et d’ateliers proposant des modalités d’écoconception de réenchantement et d’œuvre collective.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
L’affiche d’Elixirs ART Ecologie en val d’Adour conçue par les artistes Magali Daniaux et Cédric Pigot à partir de l’œuvre de l’artiste autrichien pionnier de l’art écologique, Loïs Weinberger, The green man, issue de la collection du FRAC Nouvelle Aquitaine Méca, présentée à Termes d’armagnac dans l’exposition « Jardins slow ».

 Nombre d’humains cherchent en ce moment même à restaurer leur connexion à la nature, à la terre et au cosmos. Une connexion qui s’est abimée au fil des temps et qui serait l’une des causes aux problématiques environnementales actuelles. Et aux difficultés à y remédier. En réponse, un nombre croissant d’artistes travaille à réinventer ces liens distendus en revisitant les cultures de la nature et de l’enchantement.

 Une motivation que partage le projet Élixirs dont l’objectif est de participer à la transition écologique d’un territoire rural avec des solutions innovantes, pour se réinscrire dans le local à travers l’art et la culture.

Illustration 2
Atelier avec les dernières œuvres de André Hemelrijk, artiste néerlandais installé dans le Gers, présentées au Musée de l’Invisible à Lahitte-Toupière, de véritables sculptures antennes qui permettent de se connecter aux énergies de la nature, des arbres et du cosmos.

                  Se réenchenter et faire œuvre collective
                  pour faire cause commune sur l’écologie

Réenchanter et faire œuvre collective sont considérés par beaucoup comme des préalables indispensables au développement d’une véritable culture de transition qui tarde à venir. Cela est pourtant possible à condition de refaire communauté. Communauté d’abord avec l’environnement, en développant un esprit de collaboration avec la nature elle-même, qu’elle soit végétale, minérale, animale ou autre. Refaire communauté aussi entre les humains eux-mêmes en s’inscrivant dans une perspective de «mieux vivre» individuel et collectif.

Intitulée Transitions, l’édition de préfiguration 2022 d’Élixirs, s’inspire de ces modalités pour introduire les trois grandes orientations de son projet : réinventer notre rapport à la nature et au vivant, associer patrimoine naturel et culturel, réinvestir les temps longs de la nature en passant par les dimensions de la transhistoire et de l’immmatériel. Sans oublier de s’inscrire dans le territoire par la mise en valeur de ses acteurs à travers des processus d’écoconception et de co-création.

Illustration 3
Vue de l’exposition « art et méditation » à l’abbaye de St Sever de Rustan avec l’œuvre de Virginie Barré représentant une chamane amérindienne présentée à l’entrée de l’église abbatiale (collection FRAC Occitanie-Les Abattoirs)

                   Reconnecter patrimoine culturel et naturel

C’est pourquoi la programmation Élixirs 2022 repose sur un maillage à l’échelle du Pays du Val d’Adour, qui réassocie patrimoines culturels et naturels en conjuguant leurs dimensions géographiques, historiques et sociétales. Les sites de l’abbaye de Saint-Sever-de-Rustan, du Château médiéval de Montaner, et de la Tour de Termes d’Armagnac, sont les trois points d’ancrage d’Élixirs.

Ces trois sites jalonnent un parcours ouvert sur les éléments naturels : l’eau de l’Adour avec la Maison de l’Eau à Jû-Belloc, la terre avec l’Écocentre Pierre &Terre à Riscle, les abeilles avec l’ouverture du centre d’art apicole L’hospital de l’Abeille blanche à Maubourguet. Ou les arbres à travers le projet du Musée de l’Invisible qui leur est dédié à Lahitte-Toupière.

Illustration 4
Elixir est dedié au fleuve Adour qui a retrouvé son cours naturel sur le site de la maison de l’eau à Jü-Belloc, partenaire du projet avec l’exposition "Pas chassés" des étudiants de L’Ecole supérieure d’art et de design des Pyrénées.

Le projet Élixirs repose sur deux types de manifestations : des expositions d’œuvres d’art contemporain et des événements participatifs (conférences ateliers, créations musicales, performances, rencontres Élixirs Art&cologie), ainsi que des programmations «en résonance» représentatives de la vie culturelle du territoire.

Les créations contemporaines associées au patrimoine naturel et culturel du territoire permettent alors d’entrer en résonance avec ses multiples dimensions.

                                              Préfiguration 2022 avec Transitions
                                                   demandez le programme !

Illustration 5

https://fr.calameo.com/read/0007172452972a8bee015

La programmation Élixirs 2022 s’articule ainsi autour de :

- 3 expositions sur les sites patrimoniaux de Saint-Sever-de-Rustan avec Art et méditation (jusqu’au 13/11), Montaner avec Phébus et ses fantômes (jusqu’au 31/10) et Termes d’Armagnac avec Jardins slow (jusqu’au 29/10). Ces trois exposition rassemblent plus de 40 œuvres des collections des Frac Occitanie et Nouvelle- Aquitaine MÉCA

Illustration 6
« Bras jambe », sculpture en cire de Sophie Dubosc au château de Montaner dans l’exposition « Phébus et ses fantômes »

- 5  expositions associées sur les sites de Maubourguet, Jû-Belloc, Lembeye, Lahitte-Toupière, et Vic-en-Bigorre.

- 13 événements dont certains sont l’amorce d’un processus de résidence avec le lan- cement des rencontres Élixirs Art&cologie (conférences, performances, créations sonores) sur les sites de Marciac, Plaisance du Gers, Termes d’Armagnac, Vic-en- Bigorre...

- 11 programmations en écho avec des expositions ou autres manifestations proposées par les associations du territoire, les galeries ou les centres d’art.

- un focus sur la créativité locale à travers l’exposition et le parcours d’œuvres d’Olivier Raud, designer énergétique, inventeur et artiste installé en val d’Adour.

                                    Une initiative innovante du Pays du Val d’Adour

Situé à la confluence des cultures béarnaises, bigourdanes et gasconnes, le Pays du Val d’Adour s’étend sur les régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine. Il est à cheval sur les trois départements des Hautes-Pyrénées, des Pyrénées-Atlantiques et du Gers. Essentiellement rural, il se compose de 158 communes et de 4 communautés de communes.

Illustration 7
La carte du pays du val d’Adour avec les parcours d’exposition et d’événements associés aux sites et aux ressources du territoire.

Constitués de coteaux et d’une vallée formée par l’Adour et ses deux affluents l’Échez et l’Arros, le Val d’Adour s’étend sur 1779 km2 pour un bassin de 51000 habitants. Il  est aussi connu pour sa dimension viticole avec les vins de Madiran, Pacherenc-de-Vic Bilh et Saint Mont, le festival Jazz in Marciac, et ses principales cités comme Vic-en-Bigorre, Maubourguet, Riscle ou Plaisance du Gers.

Le projet Elixirs est à la fois novateur et atypique par sa configuration et son ampleur territoriale, son origine même et son portage. Cette édition de préfiguration résulte d’une étude qui a été commandée par le PETR (Pôle d’Equilibre Territorial et Rural du pays du val d’Adour), présidé par Jean-Louis Guilhaumon, maire de Marciac et fondateur du son festival de Jazz.

Illustration 8
Inauguration du projet Elixirs à l’abbaye de St. Sever-de-Rustan le 18 juin en présence (de gauche à droite) de Jean-Pierre Curdi, maire de St Sever, Pierre Tachon, président de Cœur de sud-ouest tourisme, Jean-Louis Guilhaumon, président du PETR du Pays du Val d’Adour, Frédéric Ré, président de la communauté de commune Adour Madiran, maire de Lahitte-Toupière, et Francis Biès-Péré, maire de Montaner. Avec une invitée inattendue, la canicule, qui a bien perturbé les festivités.

Il fédère plusieurs plusieurs communautés de communes (Adour Madiran, Armagnac Adour, Bastides et vallons du Gers), ainsi que les communes de Montaner, St. Sever de Rustan, Maubourguet, Vic-en-Bigorre et Marciac. Sans oublier le soutien des conseils départementaux des Hautes-Pyrénées, du Gers, du Ministère de la culture, DRAC Occitanie et potentiellement de la région Occitanie.

Le projet est porté par la direction de Cœur de Sud-ouest Tourisme et son président Pierre Tachon qui en est l’un des initiateurs.

Cet assemblage peu habituel en matière artistique et culturelle n’a pour l’instant pas d’équivalent sur le territoire national. Il représente en cela un véritable espoir et une forme de modèle innovant qui demande à être développé.

Face aux problématique environnementales et sociétales, ne dit-on pas que l’avenir sera local ou ne sera pas ? Il le sera assurément en développant les compétences et les initiatives propices à la transition culturelle.

Illustration 9
Détail de la seconde œuvre Garden de Loïs Weinberger, présentée à Termes d’Armagnac dans l’exposition « jardins slow » avec un la une du quotidien sud-ouest consacrée à la canicule qui sert à la fois de terreau et de réservoir hydrique pour faire pousser un lierre qui fait partie prenante de la sculpture. (collection FRAC Nouvelle Aquitaine Méca)

                                  Développer une médiation originale
                                  et des résidences d’artistes sur le territoire

Un programme de médiation fourni et généreux, ouvert à tous les publics a été mis en place. Il repose sur une pédagogie participative dans le cadre d’ateliers en libre accès. Cette offre déclinée sur les trois sites patrimoniaux est relayée par des temps de rencontres et de co-création avec les artistes. Un programme intitulé « Créez avec la nature », propose plus de quinze dates de juillet à octobre pour des ateliers en accès libre de reconnexion et de cocréation avec la nature.

Cette édition de préfiguration préfigure également plusieurs résidences de création associés à la présentation des œuvres des collections des Frac Occitanie et Nouvelle-Aquitaine MÉCA. À partir de 2022-2023, des artistes sont invités à créer avec ou à partir de spécificités et des ressources du Val d’Adour.

Illustration 10
Un atelier Elixir pour se reconnecter aux énergies naturelle à St. Sever de Rustan

                          Un laboratoire d’expérimentations et d’idées

Avec Élixirs, il s’agit d’ouvrir un nouveau laboratoire d’idées et d’expérimentations dont le principe est de rassembler et de mobiliser artistes, créateurs, penseurs, chercheurs, scientifiques, écologues, savoirs alternatifs et engagés, mais aussi élus, agriculteurs, praticiens de la terre et publics, autour de la question environnementale, pour faire œuvre collective et cause commune autour de l’enjeu écologique.

Élixirs s’inscrit dans le sillon des écosophies de Arne Naes et de Felix Guattari, qui invitent à développer de nouvelles formes « d’affections » avec la nature. Pour Guattari, sortir de «l’impasse planétaire », nécessite de se libérer du rapport objectivant, gestionnaire et dominateur que l’on a développé à son encontre.

Un nombre croissant d’artistes contemporains, notamment très jeunes, travaillent déjà à rétablir de nouveaux relationnels entre humain et non humain. Ils retissent du lien entre nos environnements intérieurs et extérieurs pour inventer un nouvel art de « l’éco ». Élixirs sera le terrain partagé de leurs créations et de leurs inventions.

Illustration 11
L’œuvre de Pierre Barès qui introduit l’exposition « jardins slow » à Termes d’Armagnac représente un champs de maïs pour renvoie à la question et aux limites de la culture intensive qui est l’une des réalité du Val d’Adour et de ses paysages.

                            Réinvestir les 3 écologies de Félix Guattari

Il y a plus de trente ans, en 1989, Félix Guattari publiait le livre intitulé « Les trois écologies ». Cet écrit visionnaire associe l’écologie environnementale à l’écologie sociale et à lécologie mentale en proposant de dépasser la notion de « nuisance » pour entrer dans le cœur du sujet. C'est à dire celui de l’humain, de ses comportements et de sa subjectivité.
Pour Guattari, la culture, l’art et l’esthétique ont un rôle majeur et central à tenir dans la mesure où ils permettent d’innover pour recomposer les subjectivités individuelles et collectives.

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La pensée visionnaire de Félix Guattari (1930-1992) dont c'est le dixième anniversaire de la disparition est au coeur du projet Elixirs.

« Le drame écologique dans lequel est engagée la planète humaine a longtemps été l’objet d’une méconnaissance systématique.
Cette période est désormais révolue. À travers des médias devenus hyper-sensibles à la répétition des “accidents” écologiques, l’opinion internationale se trouve de plus en plus mobilisée. Tout le monde aujourd’hui parle d’écologie : les politiques, les technocrates, les industriels… Malheureusement toujours en termes de simples “nuisances”.

Or les perturbations écologiques de l’environnement ne sont que la partie visible d’un mal plus profond et plus considérable, relatif aux façons de vivre et d’être en société sur cette planète. L’écologie environnementale devrait être pensée d’un seul tenant avec l’écologie sociale et l’écologie mentale, à travers une écosophie de caractère éthico-politique. Il ne s’agit pas d’unifier arbitrairement sous une idéologie de rechange
des domaines foncièrement hétérogènes, mais de faire s’étayer les unes les autres des pratiques innovatrices de recomposition des subjectivités individuelles et collectives, au sein de nouveaux contextes technico-scientifiques et des nouvelles coordonnées géopolitiques. »
Félix Guattari

                                    Répondre aux défis du Slow art et de l'Ecoart

Le duo d’artiste français Art Orienté Objet (formé par Marion Laval-Jeantet et Benoit Mangin) figure parmi les pionniers sur ces questions. Notamment avec le Manifeste du Slow art  qu’ils ont rédigé et cosigné avec d’autres artistes dès 1994. Ce manifeste est une autre source d’inspiration importante du projet Elixirs. Il est un aussi un symbole historique de l’éc-oart, et d’un défi qui reste toujours à relever, trente ans après.

Illustration 13

Le Slow art favorise une autre temporalité de l’œuvre dans sa conception comme dans sa perception en échappant aux modalités de la production et de la consommation de masse standardisée, notamment en reprenant le temps de faire, de voir, d’expérimenter et de vivre les œuvres.

L’Ecoart ou art écologique est un genre et une pratique artistique qui vise à préserver, réhabiliter et dynamiser les formes de vie, les ressources et l’écologie de la Terre en appliquant les principes des écosystèmes dans leur rapport à la lithosphère, l’atmosphère, la biosphère et l’hydrosphère.

Le Slow art et l’Ecoart, pour l’heure, sont moins de véritables mouvements que des tendances qui se renforcent de jour en jour en renouvelant les codes de la création et de la réception de l’art. Alors qu’ils représentent un horizon incontournable, leur potentiel et leur valeur tarde cependant à s’exprimer à l’échelle et avec l’ampleur qui leur est due. Notamment en France. Ce à quoi Elixirs voudrait remédier.

Pascal Pique
Directeur artistique Elixirs

Élixirs, ART Écologie en Val d’Adour
19 juin - 17 décembre 2022

Œuvres des collections : les Abattoirs, Musée – Frac Occitanie Toulouse
et Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA
PIERRE BARÈS, VIRGINIE BARRÉ, BERDAGUER & PÉJUS, MICHEL BLAZY, ROXANE BORUJERDI, FRANÇOIS BOUILLON, NICOLAS BOULARD, STÉPHANE CALAIS, LAURENT CHAMBERT, PIERRE CLEMENT, JEAN-GABRIEL COIGNET, DANIEL DEZEUZE, SOPHIE DUBOSC, FRÉDÉRIC DUPRAT, RICHARD FAUGUET, KATHARINA FRITSCH, THOMAS GRÜNFELD, SUZANNE HUSKY, ANN VERONICA JANSSENS, STEPHEN KAWURLKKU, CRUSOE KURDDAL, BERTRAND LAMARCHE, MARIA LOBODA, JOACHIM MOGARRA, JEAN-FRANÇOIS NOBLE, BILL OWENS, PATRICK RAYNAUD, NICOLAS SANHES, DANIEL SCHLIER, HANS VAN DEN BAN, ATELIER VAN LIESHOUT, JACQUES VIEILLE, LOIS WEINBERGER
avec la participation de:
ART ORIENTÉ OBJET, TIPHAINE CALMETTES, MAGALI DANIAUX & CÉDRIC PIGOT, PHILIPPE DELOISON, ANDRE HEMELRIJK, ERIK NUSSBICKER, ISABELLE PERU, OLIVIER RAUD, ARNAUD & JEAN-MARIE LARRIEU, et des étudiants de l’Ecole Supérieure d’Art et de Design des Pyrénées de Pau-Tarbes

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