
Le peuple français reste profondément politique. Le pays de la Révolution a renversé la table et composé une assemblée nationale sans majorité, au grand dam du président Macron. Toutes les prévisions ont une fois de plus été bousculées par la réalité : celle d’un pays profondément fracturé socialement et politiquement. Pour avoir négligé de faire campagne, Emmanuel Macron est désormais contraint de rechercher des compromis avec ses différentes oppositions. C’est le retour inattendu d’un parlementarisme à la Française.
Le crépuscule de la Macronie
Même si la République en Marche reste le premier parti de France en nombre de députés, elle en perd presque la moitié par rapport à 2017. De nombreuses figures historiques de la Macronie ont été battues, la plupart du temps face à des candidats NUPES. C’est le cas de Richard Ferrand en Bretagne, de Christophe Castaner dans les Alpes de Haute Provence, d’Amélie de Montchalin en Essonne ou encore de Roxana Maracineanu dans le Val-de-Marne. Trois ministres sont battues et tenues de démissionner de leur poste. Dans les Hautes-Pyrénées, un proche d’Emmanuel Macron, Jean-Bernard Sempastous, perd son duel contre une candidate de la NUPES, Sylvie Ferrer, pourtant fragilisée au premier tour par une candidature dissidente de gauche. Et en Midi-Pyrénées, la ville rose, Toulouse, est reprise par la gauche après plusieurs années de domination politique des Macroniens. Ce crépuscule du courant politique qui a soutenu la prise de pouvoir du président de la République ouvre une période d’incertitude pour le quinquennat à venir.
Progression spectaculaire de l’extrême droite
Le grand gagnant de ce scrutin est le Rassemblement national qui obtient près de 90 députés. Même Jean-Marie Le Pen, en 1986, dans un scrutin proportionnel, n’avait pu dépasser la barre des 35 élus. Cette progression de l’extrême-droite est d’autant plus inquiétante qu’elle s’accompagne d’un élargissement de son implantation territoriale. Ainsi, dans le Sud-Ouest, des députés RN ont été élus pour la première fois en Dordogne, en Gironde, dans le Lot-et-Garonne, dans le Tarn et dans le Tarn-et-Garonne. L’extrême-droite a sans doute bénéficié de la diabolisation de la NUPES par le gouvernement qui, ce faisant, a fracturé le fameux front républicain. Ce pari cynique de la Macronie a été en partie réussi : la coalition des forces de gauche a progressé nettement mais elle est restée en dessous de la barre des 140 députés. A Marmande, le maintien d’un candidat LAREM dans une triangulaire a même permis l’élection d’une députée RN alors que la NUPES était bien placée pour l’emporter.
Un espoir pour la gauche
Malgré tout, les principales forces de gauche ont sauvé les meubles, et même réalisé une belle percée lors de ces législatives. La France insoumise tire son épingle du jeu, au coude à coude avec le RN pour revendiquer le titre de premier parti d’opposition. Les socialistes, les écologistes et les communistes auront tous un groupe parlementaire. Ces succès vont contribuer à rajeunir, féminiser et diversifier la représentation parlementaire. Ils constituent un socle sur lequel construire une alternative politique pour 2027 et aussi un réel espace de formation des futurs cadres politiques. Seule zone d’ombre : la division entre les composantes de la NUPES et les candidatures dissidentes de gauche. Elle a été nettement visible en Midi-Pyrénées, 4 candidats dissidents ayant été élus avec le soutien de la Présidente d’Occitanie Carole Delga. Cette division a sans doute contribué à la défaite des candidats de la NUPES dans le Tarn, face à un candidat RN et dans les Hautes-Pyrénées, face à un candidat de LAREM. Elle entraînera à coup sûr des débats de clarification au fil des prochains mois.
Une chambre introuvable mais dynamique
L’assemblée nationale va donc retrouver pleinement son rôle politique, le gouvernement étant condamné à composer avec des députés peu soucieux de le suivre sans discernement. Ce grand retour du parlementarisme est sans doute une chance pour la démocratie, quelque peu malmenée au cours du précédent quinquennat. Il ne garantit malheureusement pas une politique au service des plus petits de notre société et au service de l’immense défi climatique. Les citoyennes et citoyens français devront rester vigilants au cours des prochains mois. Certains combats pour la justice sociale et l’écologie se gagneront dans l’Hémicycle. Les autres devront peut-être se jouer dans la rue.
Jean-François Courtille