Billet de blog 16 juin 2008

Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

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Et la deuxième intention, alors ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Une génération de commentateurs de matches de football a imposé une sorte de novlangue, qui, dans son ensemble frise le contresens et l'absurdité. Ainsi certains bébés hurleurs de Canal+ ont lancé, il y a quelques années, la stupide et creuse expression "en première intention". Les joueurs tirent, reprennent de volée, centrent "en première intention". Jusqu'à un passé assez récent, les mêmes footballeurs centraient, tiraient, reprenaient de volée, sans contrôle, ou bien immédiatement, ou bien encore sur le coup, ou même dans la foulée. Cette belle époque qui faisait du sens est terminée. Désormais on fait dans le charabia superfétatoire, dans le creux sans vague, dans l'affligeant truisme, dans le snobisme pseudo-footballistique. On ne sait toujours pas, à ce jour, s'il existe des tirs, des reprises de volée en deuxième intention. On imagine aisément le dialogue entre joueurs au terme d'une action ratée:

- qu'est-ce que tu voulais faire là ?

- ben, en première intention je voulais sortir pour faire soigner, mais en deuxième intention j'ai tiré au but.

Et l'intention, qu'elle soit première, deuxième ou troisième, n'est pas la seule innovation charabiesque. Dans un passé récent, on faisait des ciseaux renversés, métaphore parlante qui a disparu au seul profit de la stupide bicyclette. Donc il faut innover et prendre de vitesse les analphabètes qui nous rebattent les oreilles. Mettons-nous d'accord, dès aujourd'hui, pour que l'on ne dise plus une passe en profondeur, mais une "bowling-pass" par exemple, que l'on ne parle plus d'amorti de la poitrine, mais d'une thoracique, que l'on n'évoque plus une reprise de la cuisse, mais une quadricepsie. Mais gardons espoir, nous aurons, pour commenter France-Italie, la fine fleur du commentaire sportif, bientôt plus célèbre que Roux-Combaluzier, plus prolifique que Boileau-Narcejac, plus décapant que Johnson et Johnson, Leboeuf et Roland. Si, mardi soir, nous n'avons pas hérité de quelques formules ineptes, de quelques néologismes insensés, et de quelques innovations linguistico-footballistiques, c'est que nous aurons vraiment beaucoup de chance.

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