
(Kai Littmann) – Aujourd’hui, les villes alsaciennes risquent d'être «envahies» par les voisins allemands qui profiteront de la Fête Nationale allemande pour faire des courses en France ou pour simplement passer une journée sympathique dans une Alsace déjà plongée dans les couleurs de l’automne.
Mais que fêtent les Allemands en ce 3 octobre ? Cela ne peut pas être la Chute du Mur, intervenue le 9 novembre 1989 – alors, il s’agit de quoi ? Le 3 octobre 1990, la République Fédérale d’Allemagne a accepté la demande d’adhésion de ce que nous appellons aujourd’hui les «nouveaux Länder», donc des Länder de l’ex-RDA dans la Fédération allemande. Lors d’un vote au Bundestag, ces «nouveaux Länders» avaient obtenu l’adhésion à la République Fédérale dans le cadre de ce que l’on nomme aujourd’hui la «réunification». Pourtant, le terme est inexact, car jamais, l’Allemagne n’avait existé dans les frontières d’aujourd'hui. Il s’agissait donc d’une «unification» et non pas d’une «réunification». La différence est de taille, même si elle peut paraître un peu technique dans un premier temps.
Mais dans la pratique, presque un quart de siècle plus tard, les deux parties de l’Allemagne sont toujours assez séparées. Non pas par une frontière meurtrière,mais dans la tête des gens. Tandis que bon nombre d’habitants de l’ex-RDA pleurent encore aujourd’hui les avantages d’un système social très développé en RDA ainsi que la solidarité qui semble avoir marqué les relations entre les citoyens de la RDA (pour quelqu’un de l’Ouest, cette solidarité est toujours difficile à comprendre dans la mesure où on estime que sur les 16 millions d’habitants de la RDA, 9 millions aurait coopéré d’une façon ou d’une autre avec la police secrète, la Stasi), à l’ouest du pays, ils sont nombreux à toujours regarder les habitants à l’est du pays comme des «frères pauvres» vivant dans un pays que l’on ignore toujours.
Il est vrai qu’à l’ouest de l’Allemagne, les gens ne pensent pas vraiment à aller visiter des villes comme Weimar, Halle, Greifswald ou Eisenach. Bien sûr, les destinations aux bords de la mer baltique, comme les îles de Rügen et d'Usedom, sont très visitées, tout comme la ville de Berlin, mais la curiosité s'arrête souvent là. Les Allemands de l'ouest connaissent la ville de New York comme leur proche, voyagent sans se poser de questions dans le monde entier, mais se sentent toujours un peu mal à l’aise en passant par Leipzig ou Cottbus.
Il y a longtemps, on parlait de «niveller» le niveau de vie entre les «anciens Länder» et les «nouveaux Länder» - mais en passant par les villes de l’ex-RDA, on constate un étrange mélange entre les vestiges de 40 ans de «DDR» avec des bâtiment dans un état lamentable, jouxtant des immeubles de bureaux ultra-modernes. L’Allemagne aura certainement besoin d’encore un quart de siècle pour panser les plaies ouvertes de 40 ans d’un socialisme mal interprété et mal vécu par la «DDR». Ceux qui pensaient que cette unification soit consommée en peu de temps (l’ancien chancelier Helmut Kohl avait promis des «paysage fleurissants» en ex-RDA dans les cinq ans), devront encore attendre. La vraie unification n’interviendra, si jamais elle intervient, pas avant 2030 ou 2035. Comme quoi, les populations payent cher les erreurs des responsables politiques et ce, pendant longtemps.