
(Kai Littmann) – L’Allemagne a voté et les partis allemands peinent à digérer les résultats. Si la CDU de la chancelière Angela Merkel a frôlé la majorité absolue, elle ne dispose plus d’une majorité gouvernementale au nouveau Bundestag. Les partis de l’opposition, de peur de vivre la même expérience que le FDP chassé de la diète berlinoise, hésitent – aucun parti de gauche ne veut réellement être celui qui aura assuré le pouvoir à Angela Merkel. En même temps, les trois partis dits «de gauche» manquent visiblement de courage de de confiance en eux pour profiter de leur majorité des sièges au Bundestag pour former une coalition rouge-rouge-verte qui renverserait Angela Merkel. Un regard sur les options s’impose.
Option 1 : On vote et on voit ce qui se passe. Dans les 30 jours qui suivent les élections, la constitution allemande veut que le nouveau Bundestag se réunisse pour sa session constitutive. C'est le Président allemand qui propose le candidat ayant les plus ortes chances d’être élu. Pour ce faire, il doit suivre les négotiations de coalition – un exercice difficile pour Joachim Gauck si ces négotiations n’aboutissent pas. Pour la proposition du Président, aucun délai n’est prévu par la constitution. Le Bundestag pourra voter trois fois pour son nouveau chancelier, en cas d’échec, c’est au Président de décider de la dissolution du Bundestag, Ce qui engendrerait des élections anticipées.
Option 2 : Une Grande Coalition CDU/CSU – SPD. Cette option donnerait le gouvernement le plus stable possible, disposant d’unje majorité même capable d’opérer des amandements de la constitution. Mais les adhérents du SPD sont plus que partagés sur la question. Est-ce le rôle du parti social-démocrate d’aider Angela Merkel à rester au pouvoir ? Pour l’instant, le SPD attend les propositions de la CDU qui ne tarderont pas. Aujourd’hui, un congrès du SPD devra donner les grandes orientations pour les semaines à venir.
Option 3 : Une coalition «noire-verte» entre la CDU/CSU et les Verts. Dans les deux camps, cette option ne fait pas l’unanimité. Les Verts risquent gros – ils pourraient subir le même sort que le FDP et une bonne partie des adhérents des Verts risque de quitter le parti. La CSU bavaroise ne souhaite en aucun cas coopérer avec les Verts - plus conservatrice que la CDU, la CSU ne peut pas s'imaginer cete alliance. Et sans la CSU, Angela Merkel ne pourra pas avancer vers les Verts.
Option 4 : Une coalition rouge-rouge-verte entre le SPD, les Verts et Die Linke. Cette coalition à gauche d‘Angela Merkel dispose en effet d’une majorité au Bundestag, mais le SPD refuse depuis toujours toute discussion avec Die Linke, son concurrent dans le camp de gauche. Le sectarisme parmi les partis de gauche est un phénomène étrange. Puisque les partis de gauche disposent aussi d’une majorité au Bundesrat, la deuxième chambre législative allemande, cette coalition serait la seule qui pourrait réellement opérer un changement de la politique allemande. Mais les partis de gauche préfèrent se disputer le rang du «vrai parti de la gauche» et oublient qu’une majorité des électeurs et électrices allemands leur ont donné une mission. Ces jours-ci, on entend les responsables du SPD et des Verts déclarer «ne pas être prêt, en l’état, d’assumer une participation dans un gouvernement». Reste alors la question pourquoi ils ont participé aux élections si leur condition actuelle ne suffit pas pour participer à un gouvernement. Cette attitude marquée par des jeux tactiques risque de coûter très cher à l’ensemble des partis de la gauche.
Option 5 : Le gouvernement minoritaire. Angela Merkel pourrait être élue chancelière avec l’aide de 5 votes des partis de l’opposition. Mais en vue de sa force actuelle, elle n’accepterait jamais une situation dans laquelle l’opposition pourrait lui dicter sa conduite et dans laquelle elle devrait chercher des majorités pour chaque dossier individuellement.
Option 6 : On vote, on vote et on vote. Angela Merkel n’est pas pressée. Jusqu’à l’élection d’un nouveau chancelier, le gouvernement actuel continue à diriger le pays de manière commissaire. La constitution allemande prévoit pour ce cas un «gel» du conseil des ministres, comprendre, la chancelière ne pourra pas limoger ou nommer des ministres. Son conseil des ministres resterait figé. Bizarre : le gouvernement actuel comprend aussi des ministres du FDP qui n’est plus représenté au Bundestag. On a du mal à s’imaginer un gouvernement, même commissaire, comprenant des ministres appartenant à un parti qui ne siège même pas au parlement.
Option 7 : Les élections anticipées. Si au bout de trois tentatives d’élire un nouveau chancelier, aucun des candidat n’obtient la majorité absolue des votes au parlement, le Président pourra alors décider de dissoudre le Bundestag pour organiser des élections anticipées. Angela Merkel aurait la même possibilité en faisant voter le Bundestag sur un dossier en déclarant ce vote comme «vote de confiance». Si lors d’un tel vote, elle n’obtient pas la majorité absolue, elle peut également demander au Président de dissoudre le parlement. Ce dernier disposerait alors de 21 jours pour prendre sa décision - pendant ce temps là, l’ancien gouvernement reste toujours en place.
Les discussions actuelles autour de ces options sont de nature à dégoûter les citoyens et citoyennes de s’intéresser à la politique. On voit clairement qu’il s’agit de jeux du pouvoir malsains et que les partis n’agissent que dans leur propre intérêt et nullement dans l’intérêt du pays. Suite au spectacle indigne auquels assistent actuellement les Allemands, il y a de fortes chances à ce que le taux de participation baisse sensiblement au cas où le Président serait obligé d’organiser des élections anticipées et personne ne peut prognostiquer les résultats d’un tel scrutin. L’Allemagne doit maintenant faire attention de ne pas ouvrir la porte aux forces extrémistes qui, dans une telle situation, auraient le vent en poupe. L’Allemagne s’apprête à vivre des semaines difficiles...