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Billet de blog 30 octobre 2013

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13 millions de pauvres en Allemagne

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La pauvreté quotidienne © Alex Proimos / Wiki Commons

(Kai Littmann) – «Jamais, les gens en Allemagne n’allaient aussi bien qu’aujourd’hui !», avait martelé la chancelière pendant la campagne électorale. Pour certains, elle avait sans doute raison. Pour de nombreuses autres personnes, elle s’est trompée. Selon l’Office Fédéral des Statistiques et une étude qu’il vient de publier, environ 13 millions de personnes étaient considérées en 2011 (l’étude s’est basée sur les chiffres de cette année, on ne dispose pas encore de chiffres plus actuels) comme «pauvres» ou «très pauvres». Selon cette étude, un Allemand sur six serait donc menacé par la pauvreté. Mais bien entendu, ces chiffres ont immédiatement mis en doute – au pays des nains de jardin nettoyés tous les samedis, la pauvreté fait désordre.

Selon la définition de l’Office Fédéral des Statistiques, qui d’ailleurs est utilisée à l’échelle européenne, on considère une personne comme «pauvre» dès lors qu’elle dispose de moins de 60 % du revenue médian dans son pays. En Allemagne, le seuil se situe donc à 980 euros par mois pour une personne vivant seule et à 2058 euros par mois pour une famille avec deux adultes et deux enfants de moins de 14 ans. Si cette définition s'appliquait en 2005 à 12,2% de la population allemande, le pourcentage se situe en 2011 déjà à 16,1% - la paupérisation de la société allemande ne cesse de croître .

Ceux qui critiquent cette étude argumentent que l'on est considéré comme «pauvre» en Norvège avec 1200 euros par mois (ce qui est tout à fait juste en vue du coût de vie très élevé en Norvège), tandis qu'on peut vivre avec la même somme comme un roi dans des pays comme la Roumanie. Pas faux. Mais cette comparaison n’intéresse certainement pas les personnes qui doivent vivre avec 980 euros par mois en Allemagne.
On ne peut pas embellir ces chiffres. Ils sont scandaleux. Un sixième de la population vit dans la pauvreté et la chancelière nous explique à quel point tout le monde va bien. Il est surprenant que les gens aient massivement voté pour cette chancelière qui se défend contre toute forme d’„impôt sur la fortune». Car le problème de cette paupérisation croissante n’est pas le manque d’argent, mais une répartition injuste. On préfère investir des milliards pour combler le trous causés par des banquiers, au lieu de créer une structure sociale qui pourrait éviter qu’un sixième de la société soit tout simplement laissé en rade. Car le problème ne s’arrête pas là.
Qui dit pauvreté croissante, dit aussi accès difficile à la formation pour un pourcentage de jeunes croissant – la relation entre la pauvreté et un accès à la formation difficile a été prouvé scientifiquement depuis longtemps. Mais face aux changements démographiques, il n’est pas logique d'empêcher des jeunes d’avoir accès à de bonnes formations, tout en leur demandant de payer nos retraites de demain. Ce serait la quadrature du cercle et cela ne pourra pas fonctionner.
Et c’est une honte qu’un pays industrialisé et riche comme l’Allemagne ait décroché un sixème de sa population. De plus, l’état dépense une fortune pour contrôler et gérer cette pauvreté. Aujourd’hui, même des entrepreneurs demandent la mise en oeuvre d’un «Bürgergeld» (revenue citoyen) sans conditions, car cela assurerait une meilleure sruvie à beaucoup de gens qui retrouveraient ainsi aussi, une dignité humaine. Ce «Bürgergeld» s’auto-financerait déjà par les économies réalisées dans l’appareil administratif géant qui passe son temps à contrôler que personne ne donne 20 euros à son voisin pauvre pour le remercier d’avoir tondu sa pelouse.

On commence à comprendre pourquoi de nombreux pays européens n’aient pas tellement envie de suivre «l’exemple allemand». Dommage, ce «Bürgergeld», on ne l’aura pas avec la Grande Coalition.

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