La presse allemande jubile quant aux «magnifiques résultats» du sommet G7 – mais ces résultats ne sont pas si «magnifiques» que ça. Il s’agit de la communication politique pure et dure.
(KL) – Après le sommet du Château Elmau, tout le monde est content. «La chancelière a livré», peut-on lire aujourd’hui dans la presse allemande qui se félicite qu’Angela Merkel se soit positionnée comme la «chancelière du climat». Ces titres sont censés justifier le coût exorbitant de ce week-end de luxe des sept chefs d’état et de gouvernements, mais les jubilations s’arrêtent net dès qu’on commence à regarder ces «résultats» de plus près.
Climat. Magnifique – les sept se sont mis d’accord pour la définition d’un objectif climat. D’ici 2100, le monde devrait se passer des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz naturel) qui empoisonnent la planète par des émissions CO2. Une avancée historique, pensent certains. Ah bon ? Hormis le fait que cette définition d’un objectif n’engage personne à rien, cet objectif n’a rien de révolutionnaire. Car au cours de ce siècle, les réserves en énergies fossiles seront de toute manière épuisées. Que cela plaise ou non aux G7, à ce moment-là, ce sera fini pour le pétrole, le gaz naturel et le charbon. Déjà aujourd’hui, nous misons sur des méthodes questionnables comme le «fracking» pour extirper les derniers restes de ces énergies fossiles du sol. De plus, cet «objectif climat» implique la renaissance du nucléaire dont on voulait sortir – ce qui permet aux Siemens, Areva § Cie. de jubiler aussi fort que les sept. Et puisque cet objectif n’est à atteindre qu’en 2100, il constitue une bonne chose pour les politiques d’aujourd’hui – ce ne sera donc pas à eux de réaliser cet objectif, mais ils peuvent profiter pleinement de la communication politique faite.
Famine. Les états G7 veulent sauver, d’ici l’an 2030, 500 millions de personnes de la famine et de la malnutrition. Il s’agit là d’un objectif tout à fait honorable, mais il convient de regarder les réalités. L’une des mesures prévues consiste à assurer les agriculteurs en Afrique contre les conséquences des changements climatiques, comme la sècheresse ou d’autres catastrophes naturelles. Avec grande fierté, les sept ont indiqué que pendant les quatre dernières années et dans le cadre de telles assurances, la somme incroyable de 26 millions d’euros ait été payée à des personnes touchées en Afrique. Donc, un dixième de ce que le week-end de luxe au Château Elmau aura coûté. Un dixième. Est-ce qu’ils se rendent compte de leur cynisme ?
Les maladies rares. Oui, on a effleuré le sujet. Non, on n’a pas décidé d’une feuille de route commune. Et non, là où sévissent les épidémies les plus graves, en Afrique, les gens ne pourront toujours pas payer les médicaments produits par l’industrie pharmaceutique occidentale. Ils ne pourront pas les payer à l’avenir non plus. Il est difficile de qualifier la déclaration vague de «vouloir être mieux préparé à de futures épidémies» comme un «résultat».
Le commerce mondial. Ah si, nous avons un résultat. Les G7 sont d’accord qu’il faille désormais faire du forcing pour conclure rapidement le traité sur les libres échanges TTIP. On se fiche pas mal que la majorité des gens ne le veulent pas. Bien sûr, Angela Merkel a indiqué qu’il restait deux, trois détails à régler, mais on sait comment cela se présente lorsque la chancelière règle les choses avec les Etats-Unis. Comme actuellement dans le cadre du scandale des écoutes BND/NSA. Il y a de fortes chances à ce que l’Allemagne se mette une nouvelle fois à genou devant les Etats-Unis. Est-ce un «résultat» digne d’être célébré ?
Ce qui conduit à la question sur la nature de ce sommet. Etait-ce une manifestation de communication pour des hommes et des femmes politiques actuellement en difficultés dans leurs pays respectifs ? Qui tentent maintenant de se présenter comme les sauveteurs du monde ? Il n’a qu’un qui a vraiment toutes les raisons pour faire la fête – le propriétaire du Château Elmau qui a eu une publicité de tonnerre pour son 5 étoiles de luxe. Nous autres, on devrait plutôt pleurer.
Crédit photo : Official White House Photo bu Paul Souza / Wikimedia Commons / PD