
Pourquoi l’Allemagne donne un exemple de générosité et d’humanisme pendant que l’Europe est en train de se déchirer sur la question des réfugiés.
(KL) - Nous commençons à nous habituer aux images d’une Allemagne où de dizaines de milliers de réfugiés sont accueillis par une population brandissant des pancartes «Refugees welcome» et où les gens affluent dans les structures d’accueil pour apporter des vivres, des habits, des meubles, de l’aide de toute sorte. Ces images font chaud au cœur et les experts de toute sorte sont déjà en train d’analyser le phénomène - qui est plus complexe et plus psychologique qu’on ne le pense.
Toutefois, force est de constater qu’en Allemagne, comme dans de nombreux autres pays européens, une majorité de la population est opposée à l’accueil des réfugiés, comme on a pu et du constater ce week-end un peu partout en Europe, où de nombreux xénophobes et racistes se sont retrouvés nez-à-nez avec des manifestants qui souhaitaient offrir un accueil hospitalier aux réfugiés.
La question des réfugiés constitue effectivement, comme l’a exprimé le président de la Commission Européenne Jean-Claude Juncker devant le Parlement Européen à Strasbourg, un tournant dans l’histoire européenne. Soit, l’Europe retrouve un véritable sens en empruntant le chemin de l’humanisme, soit, l’Europe se brisera définitivement sur cette question. Des extrémistes comme le Hongrois Victor Orbán et d’autres font leur possible pour que l’aventure européenne s’arrête là.
Mais pourquoi donc est-ce que les allemands sont si nombreux à s’engager pour les réfugiés ? Pourquoi est-ce que la société civile allemande affiche un comportement qui obligeait même la chancelière, après un long temps de réflexion, de carrément prendre la tête du mouvement «Refugees welcome», au grand dam des faucons de son propre parti qui eux, parlent déjà d’une «erreur historique» ?
Pour les «experts», la réponse est vite trouvée - l’Allemagne, avec sa société vieillissante et un changement démographique difficile à gérer, a besoin de travailleurs immigrés pour faire face à sa pénurie de main d’œuvre qualifiée. Si cette proposition est certes correcte, aucun des manifestants «Refugees welcome» n’y pense en apportant un paquet de couches-culottes au centre d’accueil le plus proche. Le tiers des allemands qui veut aider, qui veut s’engager, a une toute autre motivation.
Est-ce que la raison en serait la croyance profonde des allemands en cette «mission chrétienne» dont ont parlé plusieurs responsables du monde politique et de l’église ? Non, la religion ne joue pas un tel rôle en Allemagne, il s’agit tout bonnement d’une occasion de rêve de se comporter de manière humaniste.
Pour la première fois depuis la IIe Guerre Mondiale, les allemands font partie des «bons», ce qui constitue une toute nouvelle expérience pour le peuple allemand. Du moins pour ce tiers qui est à 100% favorable à ce que l’Allemagne aide ces réfugiés en détresse (sans pour autant oublier que 64% des allemands qui, selon un sondage publié vendredi, désapprouvent la politique de la chancelière en la matière).
Dans tous les dossiers depuis cette IIe Guerre Mondiale, l’Allemagne se trouvait du côté des «méchants». Que ce soit le fait que l’Allemagne soit le 3e exportateur d’armes au niveau mondial, que ce soit la politique d’austérité allemande ayant poussé de nombreux pays européens dans une crise sans précédent, que ce soit l’image de l’Allemagne véhiculée récemment par le mouvement «Pegida» - l’Allemagne qui traîne le poids historique de deux guerres ayant causé la mort de 40 millions de personnes, a pour la première fois l’occasion de montrer que «nous ne sommes pas comme ça».
Car en effet, un bon tiers des allemands «n‘est pas comme ça». Beaucoup d’allemands ne sont pas d’accord avec la politique allemande, axée sur les marchés financiers, axée sur les exportations d’armes, jouant un rôle de dominateur européen. Et «beaucoup», il faut le rappeler, c’est un bon tiers de la population allemande, ce tiers qui ne se retrouve pas dans la politique allemande et qui, malheureusement, ne suffit pas pour la changer lors des élections. Alors, faute de pouvoir renverser la politique allemande, ce tiers a pris l’initiative et la rue. Sans penser aux considérations du marché de l’emploi, sans penser aux nécessités imposées par le changement démographique - ce tiers des allemands veut exprimer un humanisme qui est le sien et qu’on ne prête généralement pas aux allemands.
Pour une fois, les «bons» sont plus visibles que les «méchants». L’intensité de la réaction de la population lors de l’accueil des réfugiés a surpris le monde entier et pour la première fois depuis très, très longtemps, le monde cite l’Allemagne comme un exemple à suivre. Maintenant, il s’agira de confirmer cet élan de bonne volonté, mais il ne faudra pas encore se réjouir trop vite de cette nouvelle image allemande. Deux tiers des allemands sont plus proches des positions extrémistes d‘un Viktor Orbán que de la position humaniste qu‘affiche actuellement Angela Merkel. Le seul moyen pour maintenir cette vague de la bonne volonté : se mobiliser, se mobiliser et se mobiliser. Et de ne pas lâcher les efforts. Le bras de fer entre les européens et les extrémistes-nationalistes vient juste de commencer.
Crédit photo : Fluechlingwillkommen.de / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0 - un excellent site qui oeuvre pour l'accueil des réfugiés, pour l'humanisme et une autre politique en matière de l'accueil des réfugiés. A recommander vivement aux germanophones !