
La «Pegida» enregistre à nouveau une hausse du nombre de participants à ses manifestations à Dresde. Et tous les jours, des structures d'accueil de réfugiés partent en flammes et les xénophobes tentent de s'organiser. Pourtant, leur vraie cible ne sont pas les réfugiés.
(KL) – Lundi, ils étaient à nouveau 10000 manifestants à participer à la «manifestation du lundi», de la «Pegida» à Dresde, empruntant sans gêne l'appellation des manifestations en 1989 qui avaient précédé la Chute du Mur. Deux journalistes ont été attaqués et blessés par des individus réussissant se cacher parmi une foule applaudissant ces violences. Pourtant, ce que la «Pegida» exprime violemment dans la rue, n'est même pas de la xénophobie, mais la protestation des laissés-pour-compte à l'est de l'Allemagne, des perdants de l'unification allemande, la résurrection des sans-perspectives qui ont choisi un sujet parmi tant d'autres pour montrer qu'ils existent. Pour de nombreux participants à ces manifestations, ces manifestations représentent l'unique occasion dans leur quotidien triste où on les prend au sérieux. La police, les médias, les contre-manifestants – tout le monde prend note de leur existence.
C'est triste, mais c'est aussi révoltant. Les personnes se rassemblant à nouveau dans un nombre croissant, sont les perdants de la nation. Ce n'est pas la peine de discuter avec eux sur des sujets comme «les réfugiés» ou «l'Islam», ces sujets ne sont que les sujets porteurs pour un «mouvement» de personnes qui ont probablement raison de se lamenter sur leur triste destin. Ces manifestations sont le cri de ceux à qui on avait promis, il y a 25 ans, des «paysages fleurissants» pour les abandonner avec le «Hartz IV», cette aide sociale qui ne suffit ni pour vivre, ni pour mourir. Mais le fait que des empoisonneurs du peuple aient rassemblé ces pauvres existences autour d'un sujet qui est la «xénophobie» appelle une réaction déterminée.
Bien sûr, le fondateur de la «Pegida» Lutz Bachmann aurait eu du mal à rassembler plus de 35 âmes autour d'un sujet comme, disons, l'impôt à payer à l'église. Depuis l'unification allemande, la xénophobie est un sujet porteur à l'est de l'Allemagne, là où le grand frère à Moscou avait imposé pendant de longues années le sujet de la «solidarité internationale», mais où on n'était pas solidaire au fond du cœur. On l'a vu clairement en 1989 à Rostock-Lichtenhagen, lorsqu'une foule prise par la folie a failli incendier un bâtiment où vivaient des Vietnamiens. Nous n'avons pas oublié ces images, surtout celle de ce jeune homme portant un jogging, faisant le salut des nazis en se pissant dessus, tellement il était pris par la grandeur du moment. Si ce n'était pas aussi sérieux, ce serait presque marrant.
En vérité, la «Pegida» n'est pas contre les étrangers, la «Pegida» est contre tout. Contre des politiques qui mentent. Contre les médias qui mentent. Contre Hartz IV. Bien entendu, aussi contre les étrangers. Contre les équipes de football qui ont le malheur de devoir affronter le Dynamo Dresden chez lui. Contre la police. Contre le capital. Contre les gens de la gauche. Contre ceux qui vont sur la pelouse malgré les panneaux d'interdiction. C'est le côté moche de l'âme allemande qui se manifeste à Dresde.
Étrangement, les «Pegidas» à Dresde sont ce que les punks étaient à Berlin au début des années 70. Ils cherchent à provoquer pour que l'on constate qu'ils existent, pour que la société cesse de nier leur existence, pour que l'on s'occupe d'eux. Seulement, les punks à Berlin se sont eux-mêmes transpercé la joue, tandis que les pauvres existences à Dresde ne s'auto-mutilient pas, mais ils s'attaquent violemment à tout ce qu'ils pensent «détester», ignorant qu'ils se détenstent en premier lieu eux-mêmes et leur triste existence rythmée par le divertissement des «manifestations du lundi».
Mais où s'arrête le droit d'exprimer son opinion, aussi maladive qu'elle soit et où commence l'incitation à la haine et la diffamation interdite par la loi ? Il est évident que la «Pegida» ne représente qu'une infime fraction de la population – on a pu le constater ces dernières semaines lorsque de dizaines de milliers de citoyens ont fait preuve d'une solidarité énergétique avec des êtres humains en détresse. Mais paradoxalement, c'est ce magnifique élan de solidarité de la société civile qui motive les «Pegida» à Dresde de revenir à la charge. Ils se fichent que sur un plan touristique, leur belle ville sur l'Elbe soit devenue aussi attractive que la ville de Kaboul en ce début d'automne. Au fond, ils pourraient aussi se balader dans les rues en brandissant des pancartes «Regardez, j'existe» ou «Etes-vous conscients que je suis là aussi».
Mais face aux excès de violence qui sont commises sous la protection des «Pegidas», le moment est venu de stopper ces manifestations. La loi prévoit qu'il faille demander une autorisation pour manifester et désormais, cette autorisation doit être refusée. Lorsque des journalistes sont attaqués et blessés par ces pauvres existences, la ligne rouge est franchie. Le moment est donc venu de ne plus se gratter la tête en essayant d'analyser le phénomène «Pegida» et de trouver des raisons à son islamophobie irrationnelle (moins de 0,2% de la population en Saxe est de croyance musulmane), mais d'interdire les rassemblements de ce «mouvement». Tout en commençant d'améliorer généralement les conditions de vie des gens qui vivent dans cette «vallée des ignorants».
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