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Billet de blog 30 mai 2015

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G7 : 130 millions de raisons pour annuller le sommet

Le sommet G7 au Château Elmau en Bavière les 7 et 8 juin prochains, s’annonce comme un grand affrontement entre les puissants du monde, la police allemande et les manifestants qui dénoncent ce show inutile et onéreux. Les G7 devraient se réunir sur une plate-forme pétrolière en haute mer...

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Illustration 1
Qu'il est beau, le Château Elmau en Bavière...

Le sommet G7 au Château Elmau en Bavière les 7 et 8 juin prochains, s’annonce comme un grand affrontement entre les puissants du monde, la police allemande et les manifestants qui dénoncent ce show inutile et onéreux. Les G7 devraient se réunir sur une plate-forme pétrolière en haute mer...

(KL) – Est-ce qu’un sommet G7 (ou G8 ou G20) a jamais donné un résultat concret ou utile ? Si l’on se souvient du dernier sommet G8 en Allemagne, à Heiligendamm sur les côtes de la Mer Baltique, on se souvient surtout d’un coût de plus de 100 millions d’euros, d’un Nicolas Sarkozy complètement bourré et de la création très médiatisée d’un «Fonds Afrique» doté de 50 milliards d’euros – qui n’a jamais vu le jour. A une époque où l’argent manque partout, il conviendrait de réfléchir si de tels sommets onéreux et totalement inutiles doivent vraiment être organisés. Ou s’il ne serait pas mieux de les organiser sur des plate-formes pétrolières que les chefs d’états et de gouvernements pourraient rallier par hélicoptère et où les frais pour les mesures de sécurité ne dépasseraient pas une poignée de millions.

Le sommet au Château Elmau coûtera plus de 130 millions d’euros. Pour que 7 chefs d’états et de gouvernements puissent se rencontrer avec leur entourage pour faire de choses aussi révolutionnaires que de critiquer l’annexion de la Crimée. Super. De l’argent vraiment bien investi.

Sur l’agenda de ce sommet, on retrouve les sujets suivants : la politique extérieure (laquelle ?), de sécurité et de développement ; la protection du climat ; une agenda «Post-2015» (sans préciser ce qui se cache derrière cette désignation énigmatique) ; la résistance contre les antibiotiques (si, si) ; les maladies peu recherchées et liées à la pauvreté et l'Ebola ; les standards dans les chaîne du commerce et dans la logistique (comprendre : les préparatifs du TTIP que personne, à part une poignée d’agents des grands groupes multinationaux ne veut) ; le soutien aux femmes qui créent leur propres entreprises ; la formation professionnelle et la sécurité dans l'approvisionnement énergétique. Et ces sujets que la politique mondiale n’arrive pas à résoudre depuis des années, doivent être réglés lors d’un sommet de deux jours rhythmé autour de balades communes, bouffes partagées et points presse ? Pour un coût de 130 millions d’euros ?

Il ne faut pas être Prix Nobel pour prédire que ce sommet n’apportera rien. Sauf qu’il présentera une plate-forme pour les opposants à ce type de show – à qui la police allemande a déjà déclaré la guerre. Contrôles musclés, interdiction de camper dans un large périmètre, suspension des accords de Schengen, annonce d’une démarche zéro tolérance («mais avant, nous chercherons le dialogue avec les manifstants...») – l’ambiance chauffe déjà en amont. Ce qui ne dérange pas les résponsables de la police allemande, au contraire. Enfin, les troupes d’élite de la police allemande pourront montrer ce qu’elles ont appris lors de leur interminables entraînements. 19.000 policiers (!) seront déployés dans et autour de ce village perdu en Bavière, autour de l’hôtel 5 étoiles du Château Elmau, un cordon sécuritaire de 8 km est installé – on voit que les puissants du monde ont vraiment peur des citoyens et citoyennes. Ils savent pourquoi...

La police craint une «escalade de la violence» – et fournit ainsi la justification de la transformation de la Bavière en un état policier. Un camp de manifestants près de Garmisch-Partenkirchen a irrité les forces de l’ordre – un paysan du coin voulait louer un terrain à 1000 manifestants pour qu’ils puissent y installer des tentes. L’homme a d’abord reçu des menaces de mort et ensuite, l’administration a interdit ce camp, prétextant qu’il s’agissait d’un terrain menacé par des inondations et qu’on ne pouvait pas garantir la sécurité des campeurs. Eh ben.

Ce qui pourrait être considéré comme une mauvaise blague, à savoir le transfert de ce type de rencontre sur des plate-formes pétrolières, n’est pas une blague. D’abord, il est indécent de claquer 130 millions d’euros pour un tel show PR à un moment où l’UE refuse de payer 13 millions d’euros par an pour un programme de sauvetage de vies humaines en Méditerranée (Mare Nostrum) – 10 fois cette somme pour un sommet superflu ? De plus, un tel transfert permettrait d’éviter la suspension des droits civiques fondamentaux comme Schengen, juste pour que des responsables politiques puissent se rencontrer – des responsables qui mènent une politique apparemment aussi formidable qu'ils doivent craindre pour leur vie si jamais ils devaient rencontrer des citoyens.

Sur une plate-forme dans l’Atlantique du Nord, un tel show pourrait être organisé pour 5 millions d’euros, sans qu’il y ait des manifestations, sans qu’une armée de 19.000 policiers doive taper sur tout ce qui bouge. Il y a 130 million d’excellentes raisons pour annuller ce show. Et quelques raisons de plus.

Crédit photo : Hilpert / Wikimedia Commons / PD

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