Opérations CF
02 Juillet 2009 Par pmabeche
Opérations Charlie Fox-trot
Préambule
Je souris en écrivant ce mot, parce que, pour arriver à le lire, tu as du parcourir un difficile labyrinthe, et trouver tous les indices que j’avais semés, de supports divers en vrais livres anciens. Je voulais être sûr de deux choses : Premièrement, tu es bien un homme, et non pas un ordinateur. Deuxièmement, tu dois être capable de me comprendre. C’est pourquoi je t’ai obligé à lire tous ces textes sur l’histoire du vingtième siècle, de l’informatique, de l’éthologie, de la biologie, à refaire, en quelque sorte, le même parcours que moi. Comme je ne peux pas te demander d’avoir mémoriser tout cela, je te rappellerai dans le cours des pages suivantes les connaissances qui me paraîtront nécessaires. Libre à toi, si tu le peux, de retourner aux sources.
Du papier, de l’écriture et du monde
Si tu lis ces lignes pour la première fois, sur ce papier que tu croyais réservé aux musées, il faut d’abord que je t’explique comment j’ai pu les écrire. Il faut que tu saches de quelle obstination et de quelle patience j’ai dû faire preuve. Tu penseras peut-être que je suis le pire paranoïaque qui ait jamais existé. Moi aussi je l’ai d’abord pensé, tu verras pourquoi. Ensuite, je te décrirai brièvement dans quel monde j’ai vécu cette histoire. Tu verras que si je voulais survivre, soit à ma folie, soit à ma découverte, je n’avais pas d’autre solution. Enfin j’essaierai de te convaincre de ne rien changer à ta vie, même si tu crois à mon histoire ; je crains que ce soit une condition de la survie de notre espèce.
Donc, quand j’écris ces premières lignes, il y a au moins trente ans que même les plus âgés n’écrivent plus, jamais, pas le moindre mot, nulle part sur cette terre, sauf pour le plaisir. Il y a trois ans, je me suis inscrit au club de papeterie et de calligraphie de ma ville. J’ai d’abord appris à fabriquer la pâte à papier à partir de bois pur, puis le papier à la forme, feuille à feuille. Heureusement, j’ai pris beaucoup de plaisir à retrouver ces gestes anciens et ces odeurs de papier et de colle. J’ai commencé à stocker des feuilles chez moi et chez ma femme en déclarant que je voulais dessiner et peindre pour me détendre.
Puis je me suis initié à l’écriture à la plume, ce n’est pas une petite difficulté pour moi qui suis tellement maladroit. J’en avais des crampes terribles. Quand mon écriture est devenue régulière et facilement lisible, j’ai écrit des poèmes, à la manière des anciens. J’y racontais des histoires anodines et j’essayais de les faire lire à toutes mes connaissances, au bureau, et dans tout mon environnement. Je ne les trouvais pas si mauvais, mais, à la longue, j’ennuyais tout le monde. Je continuai jusqu’à ce que tous me fuient ou me rabrouent sans scrupule. Je voulais qu’on me laisse écrire, cette activité tellement étrange et archaïque, sans m’observer ni rien me demander. Je cessai progressivement d’en parler, pour voir si on allait s’intéresser encore à ma lubie. Puis, j’arrêtai d’aller au club, où je risquais le plus de rencontrer des gens atteints de la même curieuse passion. Mais je continuai à fabriquer mon papier et à écrire. Il me fallût trois ans pour être sûr de n’éveiller la curiosité de personne, même pas des services de sécurité. Et voilà, je suis au pied du mur.
A suivre !