Les 185 participants à la Convention citoyenne ont manifesté leur détermination à participer activement au débat sur la fin de vie, dès ce premier week-end de discussions. Forts de l’expérience de ceux qui les ont précédés deux ans plus tôt pour parler climat, ils ont verbalisé leurs inquiétudes face à la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. “Je regrette la diminution d’ambition d’une Convention citoyenne sur le climat qui partait sur un objectif de démocratie délibérative [...] on a vu ce que ça a pu donner ou non de déception, de mauvaise compréhension”, ose l’un d’entre eux.
Le rôle des Français tirés au sort est, en effet, strictement consultatif. Mais en avril 2019, Emmanuel Macron affirmait vouloir soumettre “sans filtre” les propositions de la Convention sur le climat, “soit au vote du Parlement, soit à un référendum, soit à l’application réglementaire directe”. Réalisant sur le tard que les citoyens ne pouvaient contourner le débat parlementaire, il a nuancé son propos. Ainsi, sur les 149 propositions des conventionnés, seules 15 ont été retranscrites telles quelles, 55 ont été modifiées ou édulcorées et 79 rejetées, d’après une enquête de Reporterre.
Derrière l’organisation d’un second débat démocratique - annoncé lors de sa campagne - Emmanuel Macron joue la confiance des Français qui l’ont réélu. Comme l’a rappelé Claire Thoury, membre du CESE et présidente de la Convention, “Si une convention citoyenne est un outil formidable, les promesses non tenues pourraient avoir des effets totalement inverses”. L’un des conventionnés s’est montré plus explicite face à Yaël Braun-Pivet, assurant que “si les résultats des travaux ne sont pas correctement pris en compte par le législateur, je crains qu’il y ait de plus en plus de français qui se désintéressent de la chose politique.”
Afin d’éviter toute déception, Yaël Braun-Pivet a tenu à clarifier le rôle de ces 185 citoyens. “Votre délibération ne vaut pas décision. [...] Cette légitimité-là, en France, aujourd’hui, elle se gagne par l’élection”, a-t-elle posé. Mais elle a tenu à rassurer son auditoire sur le sérieux de ses collègues. “Je pense qu’il n’y aura pas un parlementaire qui n’aura pas lu chaque page, chaque ligne, chaque mot de vos délibérations, c’est fondamental". Un travail énorme, donc, en perspective.
Une décision toute faite
La crainte d’un débat couru d’avance est également ressortie de cet échange, face au changement de cap d’Emmanuel Macron sur la question de la fin de vie. Si le Président de la République en campagne était favorable à une évolution de la loi vers le modèle belge, le Président réélu a manifestement changé son fusil d’épaule au retour de son voyage au Vatican, au mois d’octobre dernier. Après avoir parlé au pape, Emmanuel Macron a déclaré ne pas vouloir “préempter le débat” et s’est opposé à l’idée d’organiser un référendum.
Le chemin prioritaire semble être la voie parlementaire. Lors de son discours à la Convention, Yaël Braun-Pivet a affirmé vouloir “tout mettre en oeuvre” pour obtenir “un accord avec le Sénat”. Car jusqu’ici, le dissensus autour de la fin de vie a paralysé toute évolution ambitieuse de la loi. De nombreuses propositions de loi pour la reconnaissance de l’aide active à mourir ont été déposées, depuis la première en 1978. Rien qu’en 2021, quatre députés ont déposé des textes similaires, mais celle d’Olivier Falorni a été la première à contourner l’obstruction parlementaire. Malgré 3 600 amendements déposés, les députés ont adopté le premier article, qui dépénalise l’aide active à mourir.
De nombreux verrous font obstacle à ce débat, qui n’a pourtant jamais été si concret en France. La Convention citoyenne pourrait-elle faire sauter quelques-uns ? Quel que soit le résultat sur le plan législatif, "il ne suffit pas de faire une loi," faisait remarquer à la convention Alain Claeys, ancien député-maire de Poitiers, dont la dernière loi en la matière (2016) porte le nom. "Il va y avoir des discussions parfois", entre les médecins, les mourants et leurs familles. Or comme disait une citoyenne en réponse, "Vous ne pouvez pas ignorer que le corps médical d'aujourd'hui n'a pas le temps de l'écoute." Réponse de Claeys: "Il faut vraiment pouvoir aller jusqu'au bout" des débats. On dirait un appel à l'aide.