Billet de blog 26 janv. 2023

MarkLeeHunter1
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Anti-droit de mourir et anti-avortement, même combat !

Les 6 300 manifestants selon la préfecture de police de Paris et 20 000 pour les organisateurs de la Marche pour la vie ont incarné, dimanche 22 janvier, l’opposition conservatrice au débat actuel sur la fin de vie. Ils placent l’aide active à mourir au même rang que l’avortement. Angèle Delbecq, Jean-Louis Touraine et Mark Lee Hunter.

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“Le seul vrai choix c’est la vie”, disaient les pancartes des manifestants de la Marche pour la vie, dimanche 22 janvier à Paris. Ce slogan croise leurs deux revendications : l’opposition à l’avortement et au droit de mourir.

Avec 6 300 manifestants d’après la préfecture de police de Paris contre 4 500 l’année dernière — le chiffre des organisateurs est resté à 20 000  – , on peut penser que l’actualité politique a grossi les rangs de cette marche annuelle. Parallèlement à cette marche se déroulait la quatrième session de la Convention citoyenne sur la fin de vie, où est débattue la question de l’aide active à mourir. Le 1er février, ce sera au tour du Sénat d’examiner la proposition de loi visant à inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution.

Anti-droit de mourir et anti-avortement, même combat, donc. Et avec les mêmes arguments. En affirmant que les femmes qui souhaitent avorter “demandent simplement à être accompagnées et aidées”, Lucie Pacherie, porte-parole d’En marche pour la vie, reprend les mots des médecins en soins palliatifs, contre le droit de mourir, qui affirment que l’écoute est la meilleure thérapie face à toutes les situations de fin de vie. La veille, les citoyens de la Convention ont entendu le témoignage de Nathalie Maka qui contredit cet argument. “Les traitements, l’accompagnement c'est une chose, mais il faut reconnaître qu’il y a une espèce de souffrance résiduelle qui n’est pas forcément bien connue”. Elle connaît cette souffrance. Elle est aidante depuis son adolescence, car sa famille est atteinte du gène provoquant la maladie de Charcot depuis cinq générations.

La nébuleuse des “anti”

La marche a rassemblé beaucoup d’adolescents et de jeunes adultes. Comme en 2013, lors des rassemblements contre le mariage homosexuel. C’est le média de droite conservatrice Boulevard Voltaire qui fait lui-même le parallèle: “la mobilisation la Manif pour tous avait prodigieusement étonné, tant par son nombre que par la jeunesse des manifestants”.

Avec cette marche, on peut facilement schématiser la nébuleuse des anti-droits de mourir, incarnée par cette droite conservatrice. Aux côtés de l’association “En marche pour la vie”, qui a organisé l’événement, on retrouve la fondation Jérôme Lejeune, dont Lucie Pacherie est également membre, et Alliance Vita. Deux associations engagées contre les avancées en matière de bioéthique. Outre l’avortement et l’aide active à mourir, Alliance Vita met aussi en garde contre le risque euthanasique du don d’organes ou l’absence de paternité de la procréation médicalement assistée pour les femmes seules ou les couples de femmes. L’autre rejette le diagnostic prénatal, permettant de diagnostiquer la trisomie 21 in-utero.

En somme, tous les sujets qui touchent à la sacralité de la vie. Car cette galaxie des “anti” se rejoint aussi dans des arguments cultuels. L’Association Familiale Catholique s’est d’ailleurs également mise en avant pour l’événement. Toutes les religions confondues déjà exprimées contre le droit de mourir, concevant alors la mort naturelle comme la seule manière d’atteindre une prochaine étape. Pas étonnant, alors, qu’ils souhaitent encadrer “vie naissante” et “vie finissante”, que l’on souhaite trop “techniciser” et “maîtriser”, pour Lucie Pacherie. Mais maîtriser, choisir sa mort, est pour certains leur manière de la boucle, paisiblement. 

La démarche pour la mort

Edito de Jean-Louis Touraine 

On peut, sans se tromper, qualifier cette marche de “démarche pour la mort”. Interdire l’IVG, comme les manifestants ont demandé, provoquerait – comme c’était le cas avant 1975 et l’application de la loi Veil – un grand nombre de morts parmi les jeunes femmes, condamnées à remettre leur sort entre les mains de faiseuses d’ange incompétentes. parallèle, l’acharnement à maintenir de force en état d’agonie prolongée les malades en fin de vie revient à leur faire endurer, contre leur gré, une mort lente, durable, équivalente à un calvaire. Stephen Hawking, le célèbre cosmologiste qui a survécu 55 années avec la SLA, le savait. Il écrivait : “Garder en vie quelqu'un contre sa volonté constitue l’affront ultime”.

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