Billet de blog 26 déc. 2022

Aggie Cerise
Abonné·e de Mediapart

Plus on est vieux, moins on est pris en considération

J'ai accompagné plusieurs personnes en fin de vie... J'ai constaté que rien n'était fait pour nous aider. Tant que l'hôpital restera ce qu'il est, les personnes auront toujours peur d'y mourir seules dans un lieu aseptisé.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ma belle-mère en 2021 souffrait d'une forme de démence et d'un cancer réfractaire aux traitements. Durant les derniers mois, elle souffrait de violentes douleurs et elle n'était pas capable seule de gérer son traitement de morphine. J'étais confrontée seule avec l'infirmière aux questions de dosage et au risque de provoquer de la constipation et surtout des diarrhées fulgurantes. Bien sûr l'infirmière respectait scrupuleusement les doses prescrites. Moi par contre j'étais perdue, mon seul objectif était de la soulager sans provoquer des galères insurmontables. On faisait ce qu'on pouvait en attendant la place en soins palliatifs. Je passais mes journées à appeler tout le monde, les services sociaux, l'hôpital, pour savoir comment obtenir cette fameuse place. Au final, il a fallu que ma belle-mère passe une nuit par terre dans ses excréments pour que l'hôpital la prenne en oncologie où ça s'est mal passé aussi car elle était considérée comme débile. Elle a eu droit au final à 3 jours en soins palliatifs, là tout était très bien.
Dans une société ultra libérale peut on espérer mieux à l'avenir ? Non...

Pour ma mère, en 1990, qui souffrait d'un cancer très avancé, je me souviens qu'on m'a dit un jour à l'hôpital qu'on ne pouvait pas augmenter les antidouleurs car elle pourrait en mourir... Au final elle est morte 6 mois plus tard... Elle a eu droit à 15 jours en soins palliatifs, c'était miraculeux en 1990. On n'a pas eu à soigner seuls une personne qui ne tenait plus debout... Est-ce que ces 15 jours ont compensé les 6 mois de souffrances qui ont précédé ?

J'ai vu un ami, en 2022, à l'hôpital demander à mourir après un AVC et un infarctus. Il arrachait tous ses tuyaux et à chaque fois on le rebranchait... Il a renoncé mais comme il ne parle plus et qu'il est très faible, on ne sait pas s'il a renoncé à mourir ou s'il n'a toujours pas trouvé comment faire...

J'ai constaté au fil des années que plus on est vieux, moins on est pris en considération. Déjà à 60 ans, on ne vaut plus grand chose et si on perd la tête ou si on n'est pas le patient idéal, c'est pire...

Je pense qu'il n'y a pas d'issue : si l'euthanasie est autorisée, les possibilités de soins palliatifs risquent de se restreindre, et si elle ne l'est pas, on va rester dans la situation actuelle : l'accès aux soins palliatifs restera réservé aux plus chanceux, dans les derniers jours, c'est à dire trop tard, et les autres n'auront qu'une issue s'ils en ont les moyens : s'organiser par eux-mêmes avec la Suisse, la Belgique ou le fusil hérité du grand père... Dans tous les cas on souffre et on fait souffrir sa famille... Pour ma part, je continue de chercher pour moi-même la solution alternative : trouver le médicament qui pourra me permettre d'en finir sans violence et sans avoir besoin de la permission de personne, ce qui reste impossible en cas de perte totale d'autonomie.

Je ne suis pas soignante. J'ai accompagné plusieurs personnes en fin de vie... J'ai constaté que rien n'était fait pour nous aider. Tant que l'hôpital restera ce qu'il est, les personnes auront toujours peur d'y mourir seules dans un lieu aseptisé. Seuls les services de soins palliatifs sont accueillants, mais il n'y a pas de place pour tout le monde et c'est seulement pour les derniers jours, après de terribles épreuves à l'hôpital ou à la maison. Personne n'y est admis dès qu'on sait que la maladie est sans issue, pour 6 mois, un an peut-être dans le cas de la maladie de Charcot. Tout est fait pour que les familles se débrouillent entre 2 hospitalisations en passant à chaque fois par les urgences, même quand le patient est déjà suivi dans un service de l'hôpital. Chacun fait ce qu'il peut, certains maltraitent leurs proches " tu dois manger" "tu dois te laver", "si on t'as renvoyé chez toi, c'est que tu dois être capable de te débrouiller " sans comprendre que si la personne malade est chez elle ce n'est pas qu'elle n'est pas très malade, c'est qu'on doit ECONOMISER, que les lits manquent.

Je n'ose pas imaginer les économies possibles avec l'euthanasie ouverte à tous...

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