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Grippe A/H1N1

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Billet de blog 1 novembre 2009

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Le Jugement de John Doe sur la grippe

Dans ma voiture, j'écoutais un très beau texte de Borges, qui faisait référence au "jugement de John Doe sur Shakespeare". Mais qui est ce John Doe dont l'avis sur Shakespeare interpelle ? Lors d'un congrès, une femme charmante et hystérique m'aborda sur l'air de "Hein, faut pas se faire vacciner, c'est dangereux, faut surtout pas se faire vacciner".

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Dans ma voiture, j'écoutais un très beau texte de Borges, qui faisait référence au "jugement de John Doe sur Shakespeare". Mais qui est ce John Doe dont l'avis sur Shakespeare interpelle ? Lors d'un congrès, une femme charmante et hystérique m'aborda sur l'air de "Hein, faut pas se faire vacciner, c'est dangereux, faut surtout pas se faire vacciner".

Visiblement principalement spécialisée en confiture, son avis d'expert est-il utile? Imaginons trois scénarios:

1-Le gouvernement n'achète pas de vaccin et l'épidémie n'est pas grave : La population hurlera à la négligence au principe de précaution (inscrit dans la constitution), à la négligence des élites vis-à-vis du peuple sur l'air de "Parce que je le vaux bien (Registered trade mark)"

2-Le gouvernement achète des vaccins et l'épidémie est grave : La population trouvera qu'il n'aura pas été assez vite pour prendre les décisions (séquence dite "scandale du sang contaminé")

3-Le gouvernement achète des vaccins mais l'épidémie n'est pas si grave : Alors la population considère que l'argent a été jeté en l'air pour retomber dans les mains du complexe pharmaco-industriel qui a remplacé pour l'occasion le complexe militaro-industriel dans l'échelle de la conspiration mondiale.

Que dit le raisonnable, celui que l'on écoute pas?

1-A ma gauche: Le syndrome de Guillain-Barré, invoqué comme épouvantail à la vaccination, est bien réel. Il frappe statistiquement dans un cas sur un million. Trois millions d'européens furent vaccinés avec des vaccins contenant les adjuvants incriminés sans aucuns cas de SGB alors que 25 cas ont été observés aux USA sur des millions de vaccins. La relation de cause à effet n'a pas été clairement établie et en tout cas la cause unique est peu probable.
2-A ma droite un virus dont l'impact mortel semble plutôt être dans la gamme des un pour mille.

Donc raisonnablement parlant, mon "espérance mathématique" de survie en me faisant vacciner est énormément plus intéressante. Ce qui est ici fascinant, c'est, une fois posé les mathématiques sur l'étagère décorative qui est la place que leur réserve une société de l'émotion, de se poser la question du pourquoi. Sans accuser les journalistes, dont la plupart écrivent ce qu'on leur dit, doit-on envisager que la défiance face au vaccin relève de la même mécanique qui pousse des milliers de victimes à donner leurs sous à la Française de Jeux, en dépit d'une espérance mathématique désespérément négative (vous gagnez 2 euros chaque semaine si vous ne jouez pas! Faite le compte!)?

Bref, n'avez vous pas l'impression que les gens ne sont jamais contents? Pourquoi? Parce que le gouvernement n'est pas cru? C'est bien la question de la confiance qui est au cœur de la question du vaccin. Nous n'avons plus confiance en notre gouvernement. C'est aussi grave que lorsque les actionnaires perdent confiance dans l'économie. Cela s'appelle une crise systémique. Autant dire une crise de foi. Imaginez maintenant que les pompiers, les Restos du Cœur et tous les groupes organisés ayant un capital sympathie maximum se mettent à conseiller le vaccin et tout le monde se bouscule à la vaccination...Or, les infirmières (capital sympathie juste derrière les pompiers) ne veulent pas du vaccin (raison cas N°3 ci-dessus). Vous remarquerez dans toutes ces réflexions que l'avis de l'immunobiologiste n'a pas d'importance, que l'avis du "risk manager" qui pèse les risques et les bénéfices est sans intérêt. Tous manipulés, tous manipulateurs, alors John Doe s'inquiète et n'y va pas non plus dans ce centre de vaccination. John Doe, en anglais, c'est le nom que l'on utilise pour dire "Monsieur tout le monde". On utilise aussi ce nom pour les papiers officiels quand un cadavre est découvert sans identité.

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