Le départ du directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) serait imminent. Benoît Leclercq, qui pilote ce vaisseau amiral des hôpitaux publics français depuis quatre ans, est tombé en disgrâce en janvier dernier en confirmant la suppression de 4000 emplois dans les colonnes du Parisien. De quoi mettre un peu d'ambiance dans la campagne des régionales, ce dont la majorité présidentielle se serait bien passée.
Sans attendre les résultats du second tour, le remplacement du directeur général de l'AP HP n'est plus en soi une question et les rumeurs vont bon train, car les commandes de pilotage de cette institution publique unique déclenchent des passions. Sans prêter attention au déferlement de directeurs d'hôpitaux « qui s'y verraient bien » les habitudes de rupture et goût pour le changement dans ce qui reste encore aujourd'hui un pur choix présidentiel, autorisent d'autres desseins. Beaucoup de noms reviennent, mais aucun ne s'impose. Pourtant, quelques rumeurs méritent copieusement le détour. Les 4000 emplois à supprimer, qui feront finalement l'objet d'un démenti suscite des envies de la part de professionnels établis dans ce que l'on a désormais l'habitude d'appeler « l'accompagnement du changement. » Ce jeu communément appelé aussi « gagnant-gagnant, » qui pourtant fait bel et bien des perdants. C'est peut-être pour accompagner ces sorties, que le nom du directeur général du pôle emploi Christian Charpy, revient souvent dans les discussions. Aussi, celui de l'ancien inspecteur général des affaires sociales Raphaël Radanne, qui n'est autre que le conseiller santé de Nicolas Sarkozy, est souvent évoqué puisqu'il aurait fait acte « de candidature en interne». Sans jamais avoir dirigé un hôpital de sa vie, pourquoi ne pas commencer par celui qui en regroupe 37. Il faut reconnaître que le job avec hébergement gracieux dans le musée de l'AP HP face à Notre-Dame suscite des vocations et reste un objectif inégalé pour les amoureux du pouvoir, dans le secteur des fines lames des affaires sociales. Alors dans un univers aussi concurrentiel, comment créer la surprise ? La nomination d'une femme à la tête de cette institution n'en serait pas une, puisque Jacques Chirac l'avait osé en 2004. Rose-Marie Van Lerberghe, chef de file du plan-hôpital de 2007, avait joué la carte de la transformation en hôpital entreprise ce qui a en effet engendré quelques surprises. Des réformes et une gestion dont le succès à la dépense a été copieusement souligné dans le rapport de la Cour des Comptes publié à l'automne 2009.
Alors, quelques experts commencent à imaginer le coup politique suivant. Pour la première fois Nicolas Sarkozy serait prêt a confié les rênes de l'AP HP à ....un médecin. Un nouveau pas tentant à franchir « pour rompre les alliances contre nature entre les syndicats de personnels et les médecins de l'AP HP. » Il faut reconnaître que le costume à endosser ressemble plus à celui d'un médiateur pour augmenter les chances de conserver la paix sociale au sein de cette vaste maison qui emploie tout de même 90 000 personnes.
Depuis la semaine dernière, le torchon brûle et les syndicats occupent son siège situé avenue Victoria face à la mairie de Paris. Refusant en bloc, le projet de restructuration ils contraignent Benoît Leclercq à faire face à un mouvement social rondement mené. En signant dès vendredi soir, une note dans laquelle il s'engage à suspendre la mise en œuvre des projets de plan stratégique et des projets d'établissement proposés par le conseil exécutif, Benoît Leclercq " propose de démarrer sans délai les négociations ayant un impact sur l'emploi, les qualifications et les conditions de travail avant présentation aux instances centrales. » Aura-t-il le temps d'associer le personnel à la définition des contours de la nouvelle Assistance Publique qui reste à inventer ? Rien n'est moins sûr.
Son éviction ne dissipe pas toutes les inquiétudes. Le professeur Didier Houssin directeur général de la santé qui connaît bien cette maison dont il a été le directeur médical fait partie des successeurs potentiels à la direction générale. Ayant participé à la définition du calamiteux plan de vaccination organisé l'an dernier, le professeur Didier Houssin pourrait être remercié en prenant prochainement la tête de l'AP HP : un établissement doté de 6 milliards d'euros de budget. À méditer, à moins que les jeux ne soient déjà faits.