Billet de blog 16 novembre 2010

Lise Grammont

Abonné·e de Mediapart

Mediator: Pharmaco-show, acte 1

Sans attendre l’ouverture de ses cartons dans les bureaux de son ministère, Xavier Bertrand ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé au sein du nouveau gouvernement rebondit sur un problème de pharmacovigilance

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Sans attendre l’ouverture de ses cartons dans les bureaux de son ministère, Xavier Bertrand ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé au sein du nouveau gouvernement rebondit sur un problème de pharmacovigilance dénoncé le matin même par l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Il s’agit pourtant d’une bien vieille histoire, à tel point qu’il n’est plus possible de résister pour venir expliquer sur médiapart les tenants et les aboutissants d’une telle mise en scène.

Des enquêtes et des décisions prises depuis longtemps

Mediator (benfluorex), médicament pour diabétiques en surpoids commercialisé en France de 1975 à 2009 par le laboratoire Servier est retiré du marché depuis un an jour pour jour. Une décision des pouvoirs publics plutôt discrète l’an dernier qui aujourd’hui éclate en plein jour. L’Afssaps annonce que ce médicament aurait fait quelque 500 morts en un peu plus de 30 ans. En s’intéressant de près à 43 000 diabétiques ayant pris du Mediator,la caisse nationale d’assurance maladie a mené une sérieuse enquête faisant apparaître que ces patients avaient finalement trois fois plus de risques de souffrir de cardiopathie vasculaire, et quatre fois plus de risques d’avoir recours à une chirurgie valvulaire que ceux qui bénéficient d’un autre traitement. De premiers résultats inquiétants qui vont enclencher une seconde étude qui permettra finalement aux pouvoirs publics d’affirmer le nombre de victimes potentielles. Cette histoire n’aurait rien d’extraordinaire si elle restait le lot du travail quotidien d’une agence d’État, chargée de prendre les justes décisions au vu des données scientifiques disponibles, pour garantir le meilleur rapport-bénéfice risque des traitements.

Des patients déjà informés

Aujourd’hui, la caisse nationale d’assurance maladie envoie des lettres à tous les patients ayant bénéficié de ce traitement pendant plus de trois mois au cours de ces 4 dernières années, leur recommandant notamment de consulter à leur frais, leur médecin traitant, chargé de repérer le moindre souffle cardiaque. Xavier Bertrand aux manettes, il est instantanément question de faire plus de bruit et la sécurité sanitaire est une caisse de résonance à la hauteur de ses ambitions. La santé publique bien dosée fait désormais partie de l’arsenal électoral. C’est aussi une bonne manière pour le politique de revêtir l’habit du bon père de famille, protecteur qui veille sur tout et tous. Des électeurs qui ne sont pas prêts à se faire vacciner dans chaque fesse pour écluser des doses de vaccins, mais qui restent spontanément très réceptifs sur tout ce qui peut concerner leur santé.

Développer des anticorps face aux responsables politiques

Le changement de ton de ce nouveau ministre ne s’est pasfait attendre et les effets secondaires inattendus des médicaments deviennent à partir de cette semaine des opportunités de prises de position ministérielle ni plus ni moins. Qu’à cela ne tienne, Jean Marimbert directeur général de l’Afssaps commente en boucle les tenants et les aboutissants du Mediator, ne laissant pas passer l’opportunité de se mettre en avant. Une occasion pour lui, de sortir de l’ombre à un moment où il brigue d’autres fonctions, notamment la présidence du comité économique du médicament, qui fixe entre autres leur prix et leur taux de remboursement. Une position stratégique dans la stratosphère des hauts fonctionnaires qui pilotent la mise en œuvre des politiques publiques dans ce domaine. Cette histoire autour de ce médicament permet à certains experts d’affirmer aujourd’hui que nous ne savons pas tirer profit des expériences de crises sanitaires passées. Elle invite surtout à prendre du recul. C’est peut-être un nouveau regard à cultiver, des anticorps à développer face à des responsables politiques qui n’hésitent plus à glisser la santé publique dans leur arsenal de campagnes. La sécurité sanitaire devrait s’exercer avec plus desérénité, loin du sensationnel évitant de mettre en avant des nombres de morts potentiels.

Un risque moins important que de monter dans un avion

Sur cet échiquier, le laboratoire Servier est échec et mat. Déjà condamné plusieurs fois à verser des dommages et intérêts pour un autre médicament retiré lui aussi du marché ( l’Isoméride), ce laboratoire encaisse ce nouveau scandale estimant de son côté que les chiffres avancés par l’assurance-maladie « sont des hypothèses fondées sur des extrapolations.» En reportant le nombre de 500 décès au nombre de patients qui ont pris du Mediator sur 33 ans on arrive à un risque de l’ordre de 0,005%. Un risque finalement moins important que celui de monter dans un avion.

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