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Billet de blog 14 avril 2020

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Une lettre publique à la direction de l'Ehpad des Airelles

Contre les mensonges dissimulant la réalité de la vie et de la mort en EHPAD au temps du Covid.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Madame la Directrice de l’EHPAD Les Airelles à Paris XXème,

  Je reviens vers vous après la discussion que nous avons eue mercredi devant l’EHPAD, alors que le cercueil de ma grand-mère allait quitter l’établissement pour la morgue de Rungis. Vous avez encore refusé de répondre à nos questions sur la manière dont l’établissement fait face à l’épidémie : comme les jours précédents, votre seule réponse a été l’évocation du dévouement des personnels et leur souffrance.

Nous n’en avons jamais douté et leur avons signifié notre gratitude à chaque fois que nous avons pu leur parler. Il est indécent d’opposer notre demande de renseignements à la souffrance des personnels. 

 Cette façon de faire taire nos interrogations légitimes sur la gravité de la situation est une escroquerie. Ces personnels, au nom desquels nous serions censés subir la situation en silence, sont justement sacrifiés sur l’autel des politiques budgétaires !

Vous étouffez une demande de vérité en brandissant un argument qui, loin de s’y opposer, la réclame d’autant plus : pour protéger votre personnel, vous devez dire comment il est équipé. En niant tous ces manques, vous vous en rendez complice. Par votre rétention d’information, vous nous empêchez de saisir collectivement l’ampleur du désastre.

 Nous savons par les soignants que plusieurs employés sont malades, atteints par le covid et en arrêt de travail. Votre silence quand nous vous avons interrogée à ce propos nous a glacés. Vous les éclipsez dans un angle mort.

Vous ne rendez pas hommage à vos employés en cachant la manière dont ils se retrouvent contaminés.

 Un médecin a eu la gentillesse de nous donner des précisions sur le manque de moyens. Vous l’avez accusé de dénigrer votre établissement. C'est pourtant tout l’inverse. Il a longuement rendu hommage à ce personnel sacrifié et c'était pour nous un apaisement de pouvoir entendre ce qu’il se passait à l’intérieur, même si l’on savait déjà la fin proche. Il ne faut pas avoir un doctorat de psychologie pour comprendre que le manque d’informations est anxiogène.

Si vous considérez que dire la vérité sur le manque de moyens revient à dénigrer votre établissement, alors vous assumez en définitive la responsabilité de ce qu’il s’y joue.

 En laissant le personnel soignant se débrouiller seul avec la double charge de s’occuper des résidents et de communiquer avec les familles, vous placez les soignants dans une situation impossible, et les familles dans un dilemme culpabilisant : si nous n’appelons pas, nous ne pouvons pas avoir de nouvelles, mais si nous appelons, nous prenons sur le temps précieux des personnels pour s’occuper des résidents.

 Enfin, pour nous faire taire ce mercredi devant l’Ehpad, vous nous avez enjoints au silence qui devrait selon vous accompagner le deuil. N’attendez-vous donc rien d’autre que le repli des familles sur leur souffrance ?

Madame la directrice, 

Par vos mensonges et vos omissions, vous ajoutez de l’angoisse aux familles séparées de leurs proches, qui ne peuvent se représenter la réalité. 

Vous faites obstacle à nos deuils.

 Toute notre solidarité avec les résidents des EHPAD, les personnels et les familles.

Elsa K.

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