Je reviens sur le projet de loi Loppsi 2 et les listes noires destinée à empêcher l’accès à des sites pédophiles. Noble intention me direz vous. Essayons d’analyser posément le sujet.
Que nous dit le gouvernement ?
Ecoutons notre ministre de l’intérieur sur le sujet dans sa présentation du projet de loi LOPPSI : "le nombre d'images de pornographie enfantine diffusées sur Internet est en augmentation constante depuis plusieurs années"
C’est peut être vrai, je vais même oser dire que c’est vrai sans aucune base statistique sur laquelle m’appuyer. Mon raisonnement est purement mécanique. La croissance d’internet est quasiment exponentielle. Il est donc inévitable que le nombre d’images augmente proportionnellement au taux de pénétration d’internet dans la population mondiale (donc dans le sous ensemble des pédophiles). Ainsi, il est donc « naturel » que des sites web plus ou moins clandestins remplacent petit à petit les moyens « classiques », style revue sous le manteau (ou dieu seul sait quoi) que pouvaient utiliser ces individus pour satisfaire leur perversion.
La justification du filtrage :
Toujours selon notre chère ministre de l’intérieur il s’agit de : "protéger les internautes contre les images de pornographie enfantine"
Quel est le danger, pour l’internaute ? Le risque d’infarctus face à une image ignoble ? Arrêtons le délire.
D’autres bonnes âmes pudibondes vont rétorquer que nos enfants pourraient être choqués par la vision par inadvertance d’images pédophiles.
Deux réflexions sur ce point :
· Ce ne sont pas les images potentiellement choquantes qui manquent : étalages de revues chez les marchands de journaux, publicités, émissions de téléréalité, pages lingerie du catalogue des « trois belges », séjour à la plage avec concours de seins, etc. Donc arrêtons de prendre nos enfants pour ce qu’ils ne sont pas.
· J’ai voulu me faire une idée du risque de tomber sur des images pédophiles.Comme je l’ai déjà mentionné (ainsi que d’autres contributeurs de cette édition), en plus de 15 ans de pratique du web, je ne suis jamais tombé sur un site pédophile. J’avais du temps ce week-end donc j’ai cherché : chou blanc. Il y a bien des sites pornographiques légaux (et payant) où des jeunes femmes de 18 ans et plus, affublées de jupettes d’écolière et de nattes jouent la gamine dans des relations sexuelles mais pas de pédophilie !
Vous allez dire que je prétends qu’il n’y en a pas. Détrompez vous : J’étais sur qu’ils existaient mais je n’arrivais pas à en trouver par une recherche directe.
Et là, le déclic : D’autres pays ont eu l’idée de créer des listes noires me suis-je dit.
En 5 minutes l’affaire était pliée. Il y a eu une fuite en Australie et la liste de noire est sortie dans la nature. Cela a d’ailleurs fait scandale quand on a découvert que la moitié des sites de la liste noire n’avaient rien à voir avec la pédophilie.
Dans le même style, la Grande Bretagne a brièvement censuré Wikipedia : Pourquoi ? Il y a une image de la pochette du disque du groupe Scorpion, « Virgin Killer » qui est sorti il y a plus de 30 ans (1976 - et qui n’a jamais été censurée en France). Mais l’organisation « Internet Watch Fondation » est sortie de sa léthargie trentenaire et l’a jugée indécente. Faîtes vous une idée par vous-même : http://en.wikipedia.org/wiki/Virgin_Killer
Donc, grâce aux listes noires, j’ai enfin pu trouver des sites pédophiles (il en a encore quelques un qui marchent).
Quel est le risque de tomber involontairement sur un site pédophile ?
Très proche de zéro, car ces fameuses listes noires donnent une idée de l’ampleur du phénomène : entre 500 et 5000 sites sont ciblés comme le montre cette étude du « Forum des droits sur Internet » qui est récente (29/10/2008) et très intéressante :
Sachant que l’on a plus d’un milliards de sites web, on est donc dans la classe d’une chance sur un million pour atteindre involontairement un site web pédophile.
On voit donc que tout cela n’est qu’un prétexte grossier :
Ce n’est même pas la lutte contre la pédophilie qui est mise avant, c’est la protection de l’internaute. Encore une couleuvre que ce gouvernement tente de nous faire avaler en agitant le chiffon rouge de la pédophilie.
En fait, il y a une solution très simple : Cette fameuse liste noire de sites porno-pédophiles, il suffit de la communiquer aux fournisseurs de logiciel de « contrôle parental » qui n’ont qu’à l’incorporer à leur liste de sites internet considérés comme douteux ou dangereux pour le regard des enfants. De plus la plupart des FAI en proposent. Bizarre, c’est simple, cela existe déjà … Surprenant n’est ce pas !
Quel est donc le vrai but du gouvernement ?
Bien évidemment, cela entretient le bling bling sécuritaire qui s’est révélé si profitable en période électorale, et cela fait croire que le gouvernement continue d’agir dans le domaine. L’efficacité de l’arsenal des lois et mesures sécuritaires déployées de puis que Mr Sarkozy était ministre de l’intérieur commence aussi à être sérieusement critiqué : Il faut donc reprendre la main.
Ce que veut en réalité le gouvernement, c’est faire passer le concept de la censure d’internet - les fameuses liste noires - sous le paravent (populaire à juste titre) de l’ignoble pédophilie qui menacerait le brave internaute.
Une fois, le concept passé (l’été, en catimini c’est plus facile), il ne restera plus qu’à dériver, petite touche par petite touche pour tenter de contrôler/censurer l’internet comme je l’évoquais dans mon précédent article.
C’est d’ailleurs prévu : Il existe une vache à lait en France : « La Française des Jeux » : lotos, PMU, trucs à gratter, etc. Elle a le monopole des paris et jeux de hasard en France. Sur environ 10 milliards d’euro de chiffre d’affaire, 50% sont redistribués aux joueurs gagnants et 37,5% vont directement dans les caisses de l’état. Or son monopole est battu en brèche par les jeux en ligne sur internet (dont pas mal de pièges à cons – attention) et en plus, la France est obligée de s’ouvrir à la concurrence pour respecter la législation européenne qu’elle a elle-même ratifiée. Il y a donc une loi en préparation où la sanction pour les sites de paris et autres jeux qui ne seraient pas habilité sera : le filtrage. Sur ce sujet, lire :
http://www.pcinpact.com/actu/news/50591-filtrage-jeux-paris-ligne-juge.htm
Donc la dérive est bien là : elle est même planifiée.
Le deuxième scandale :
Le deuxième scandale dans tout cela, c’est que cette idée de filtrage ne s’attaque même pas à la pédophilie. En fait, cela va fortement compliquer la tâche des policiers et gendarmes qui luttent contre ce fléau. Lorsque les criminels comme les honnêtes gens vont se mettre à se protéger, que tout sera crypté, en I2P, en VPN, etc., ce sera bien plus difficile de mener des investigations fructueuses.
Pourquoi les honnêtes gens chercheraient à se protéger ? Parce que la simple réception d’un SMS du style « tu fais comment pour saboter un train ? » vous donne droit au débarquement de la brigade antiterroriste !
Actuellement, c’est un peu compliqué pour le commun des mortels. Cependant, n’ai aucun doute, cela va se simplifier et être automatisé. Il y déjà des offres commerciales !
Lorsque cela sera simple, soyons certains que les vrais criminels (y compris les plus cons) se précipiteront sur ces solutions.
Avec un internet ouvert, comme actuellement, il y a toujours un benêt dans un réseau criminel pour faire une bêtise et s’exposer. De là, patiemment, les enquêteurs détricotent la pelote et remontent le réseau pour finir par un coup de filet global. Actuellement, les trafics internets sécurisés sont relativement rares (banques, impôts, paiements en lignes, grandes entreprises, …). Lorsqu’ils vont se généraliser, ce sera une autre paire de manche.
L’esprit de la « neutralité du net » est très fort et la notion de liberté d’expression très présente chez les internautes. De ce fait, le net a toujours réussi à maitriser ou à contourner les tentatives de main mise commerciales ou étatiques. Même la Chine et son « Big Firewall » ne réussit pas à verrouiller le réseau.
D’ailleurs, ultime plaisanterie : pour contourner le filtrage et big brother Sarkozy, l’on peut passer par des proxy chinois !
En fait, la seule solution est extrémiste : il faut débrancher tout l’internet national du reste du monde. C’est ce qu’a fait la Birmanie durant la révolte des bonzes. Une fois en autarcie complète … l’on peut sévir impunément. A méditer.